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14/04/2008

La valeur ajoutée du porcher

Mais que fait donc le porcher toute la journée ? peut-on dire qu'il travaille ? il jette un oeil aux cochons, peut-être leur parle-t-il, mais les cochons semblent occupés par ailleurs, il s'ennuie ? il n'en a pas l'air, il pense, bien sur, mais à quoi ? comment parle-t-il en silence ? trop de question, allons c'est réglé, cet homme ne travaille pas.

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Enclos à cochons - Gauguin - 1888 
 
Le porcher de Gauguin me renvoie à un autre porcher. Celui-là travaillait dans un abbatoir. Il  était essentiellement chargé de l'accueil des camions apportant les cochons, réduits en l'occurence à une matière première, de les faire descendre et de les guider vers leur lieu d'abbatage. Comme beaucoup d'abbatoirs, celui-ci vivait en équilibre économique précaire. Dans ces situations, le consultant sollicité se mue en chasseur de coûts. Après un audit en règle de l'abbatoir, le verdict tombe : parmi les mesures d'économies figure la suppression de l'emploi du porcher. Le temps du social et de la gestion familiale est terminé. La rentabilité a ses exigences que les sentiments ne peuvent comprendre. Exit le porcher. Ainsi fut fait, et quelques autres choses également.
 
Las, non seulement le redressement ne fut point au rendez-vous, mais la rentabilité de l'abbatoir déclina. Le consultant déclara qu'il était trop tard et qu'il eut fallu le contacter bien plus tôt. Et puis un salarié fit remarquer que la dégradation de la rentabilité provenait des pertes importantes en cochons : c'est que l'animal est cardiaque et que le cochon mort hors-abbatage est impropre  à la consommation. Or le taux d'accident avant abbatage avait fortement progressé depuis quelques mois. Précisément depuis que le porcher avait quitté l'entreprise et que les chauffeurs suppléaient à sa fonction en accompagnant eux-mêmes les bêtes dans l'abbatoir. Et l'on se rendit compte que le porcher savait, avait appris à force de s'intéresser aux animaux qu'il accompagnait, reconnaître les cochons stressés, ceux qui devaient être mis de côté, ou ne devaient pas être descendus du camion tout de suite, où devaient prendre du temps avant de se mettre en mouvement, etc. Ces attentions diverses permettaient d'épargner de la crise cardiaque environ 5 % du cheptel. Mais ces compétences là, et cette valeur ajoutée du porcher, que chacun avait toujours vu accompagner les cochons sans se poser de question, personne ne s'en souciait.
 
Dans toute organisation un (des) porcher(s) ? 

11/04/2008

Compétences : le jour d'après

Si près de 90 % des salariés sont satisfaits des formations suivies, moins de la moitié considèrent qu'ils peuvent effectivement utiliser les acquis de formation (étude CEREQ).

Manifestement, si l'amont de la formation parait bien maîtrisé par les entreprises, il n'en est pas de même du retour. Le problème, est manifestement celui du jour d'après.

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L'après-formation laisse trois possibilités :
- la disparition rapide des acquis qui n'auront pas le temps de se transformer en compétences ;
- l'application de ce qui a été acquis, dans une logique de recette : j'apprends/j'applique ;
- l'investissement des acquis dans une situation de travail évolutive qui permet d'enclencher une dynamique permettant au salarié de développer ses compétences au-delà même des acquis de la formation.
 
Ce qui donne trois résultats possibles en matière de compétences à l'issue de la formation:
 
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Le résultat 1 - 2 ou 3 dépendra simultanément : de l'implication du manager dans le processus de formation, de la qualité de l'articulation entre formation et activité, de la possibilité d'avoir des situations de travail évolutives et du partage avec le salarié de l'objectif de départ. 
 
Et une cinquième condition, et non la moindre : que la formation ne se résume pas à des recettes mais qu'elle donne également des outils et méthodes permettant de traiter des situations qui n'auront jamais été rencontrées. C'est par l'association d'une formation à la fois très pragmatique et très conceptuelle que l'on peut atteindre cet objectif. L'union des contraires supposés gage de l'efficacité de la formation.
 

 

10/04/2008

Chronique d'une réforme annoncée (1)

L'AEF (Agence Education Formation - Agence de presse sur internet : http://www.aef.info) publie tous les quinze jours une chronique de la réforme de la formation professionnelle rédigée par Jean-Marie Luttringer et Jean-Pierre Willems. La première chronique est consacrée au financement de la formation.

La seconde traitera de l'apport de la jurisprudence au droit de la formation.

 

chronique_luttringer_willems(1).pdf

09/04/2008

Les déplacements habituels

La Cour de cassation a rendu le 12 mars 2008 un arrêt, non publié, concernant un litige entre l'AFPA et un formateur. Le salarié souhaitait que soient pris en compte en tant que travail effectif ses déplacements pour assurer des formations dans différents lieux. La demande du salarié était fondée sur le fait que ses déplacements correspondaient à un trajet supérieur à son trajet habituel pour se rendre de son domicile à son lieu de rattachement administratif. La Cour d'appel avait fait droit à la demande du salarié, suivant son argumentation. La Cour de cassation censure cette décision.

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Pierre Ducordeau - 1974 - Tableau en déplacement
 
 La réglementation sur les temps de déplacement a été modifiée par la loi Borloo du 18 janvier 2005. Suite à différentes décisions de la Cour de cassation reconnaissant que le temps de trajet d'un salarié pouvait constituer un temps de travail effectif, le législateur posa deux principes : 
- le temps de trajet domicile travail ne constitue pas du temps de travail effectif ;
- lorsque le temps de trajet du salarié pour se rendre sur son lieu de travail est supérieur à son temps de trajet habituel, le salarié doit bénéficier d'une contrepartie en temps ou en argent (C. trav., art. L. 212-4).
 
L'application de ce texte au formateur de l'AFPA conduit à une première conclusion : le temps de trajet en question ne peut constituer un temps de travail effectif. La question est de savoir s'il doit donner lieu à des contreparties ou non, au motif qu'il excède le  temps de trajet habituel.
 
Sur ce deuxième point, la Cour de cassation répond que la Cour d'appel doit rechercher si le temps passé à se rendre sur les différents lieux de travail constitue un temps de trajet supérieur au temps de trajet habituel. Ce faisant, la Cour invite les juges du fond à considérer que le trajet habituel n'est pas celui qui va du domicile au lieu de rattachement administratif mais celui qui va du domicile....au lieu, ou aux lieux, habituels de travail. La notion de lieu habituel doit donc s'entendre des lieux dans lesquels s'exercent régulièrement les fonctions. Et pour un formateur itinérant (qualification du salarié) il ne saurait s'agir d'un lieu fixe mais plutôt d'une zone géographique.  Le salarié est donc toujours dans son périmètre habituel de travail lorsqu'il se déplace pour réaliser les formations.
 
En généralisant cette solution, on peut conclure que lorsque les fonctions du salarié impliquent des déplacements fréquent sur une zone géographique, il n'a pas droit à une indemnisation particulière pour le temps passé à ces déplacements (du moins pour les départs et retours domicile). En effet, le déplacement faisant partie des fonctions, il est déjà pris en compte dans la rémunération.
 
Ce n'est donc que lors de trajets exceptionnels, non impliqués directement par les fonctions, que le droit à indemnisation est ouvert. Il en est ainsi, par exemple, d'un salarié qui travaille en un lieu unique et que l'entreprise envoie exceptionnellement en formation à 500 kms. Le temps passé à ce déplacement inhabituel doit faire l'objet d'une contrepartie en temps ou en argent. A l'évidence, tel n'est pas toujours le cas. 

 

 

08/04/2008

Pour voir, il faut se taire

L'exercice fait toujours recette : l'animateur sort un oeuf de sa poche (ce n'est jamais sans risque, mais ainsi va la vie du consultant), le montre aux participants et leur demande ce qu'ils voient. Bien que pressentant le piège, il est trop difficile de résister et l'on entend toujours un, deux, trois ou plus crier : "un oeuf !".

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"Si vous voyez un oeuf, vous n'avez pas vu mais reconnu, si vous aviez simplement vu, vous m'auriez dit : je vois un objet de forme ovoïde qui a l'air dur et qui ne peut tenir en équilibre".
 
Wittgenstein le dit plus directement : "Quand je vois un objet, je ne peux pas me le représenter. Quand nous nous représentons quelque chose nous n'observons pas". Et si l'on veut plus concis encore, convoquons Tchouang-Tseu : "Quand on perçoit on ne parle pas, quand on parle on ne perçoit pas".
 
Tout responsable ressources humaines qui veut faire un diagnostic avant d'agir peut utilement se souvenir que le temps du diagnostic n'est pas encore celui de l'analyse ni du commentaire et que l'observation nécessite silence et écoute véritables sans projection hâtive.
 
 

 

07/04/2008

Le forfait, c'est la liberté

La décision est lapidaire et vient après quelques autres de même nature : "un régime de forfaits en jours ne peut être appliqué qu'aux cadres dont la durée du travail ne peut pas être prédéterminée et qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps ; dans ce cas, le cadre doit bénéficier d'une grande liberté dans l'organisation de son travail à l'intérieur du forfait en jours" (Cass. soc., 31 octobre 2007, SARL Blue Green Villenne c/Loustaud).

Difficile de faire plus direct : soit l'on choisit le forfait et sa souplesse et la contrepartie est l'autonomie du salarié, soit on choisit la prescription et le contrôle du temps et on respecte la rigidité des horaires de travail. Mais on ne peut cumuler forfait et prescription.

 

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Profitons en pour rappeler les trois conditions principales du forfait, que la Cour de cassation non seulement s'autorise mais se fait un plaisir de vérifier :
- les salariés concernés par la possibilité de conclure des conventions de forfait en jours doivent être identifiés dans un accord collectif ;
- le forfait en jours n'est possible que si le salarié est effectivement autonome dans l'organisation de son activité ;
- le forfait en jours doit faire l'objet d'un avenant au contrat de travail signé entre le salarié et l'entreprise.
 
Si l'une de ces conditions vient à manquer, le forfait en jours peut être remis en cause. Si tel est le cas, le salarié est considéré comme travaillant 35 heures par semaine. On voit le résultat : tout salarié au forfait travaillant 8 à 10 heures par jour pourrait se voir octroyer quelques 400 à 500 heures supplémentaires par an, sur cinq ans. L'intérêt financier risquant de susciter quelques appétits, on ne saurait trop conseiller aux entreprises de sécuriser le recours au forfait et d'en respecter le régime une fois qu'il est instauré. L'autonomie, joli mot non ?
 

 

04/04/2008

Le travail manuel n'existe pas

Le tableau date de 1950. Il ne manque pas d'exprimer son époque : l'élan bâtisseur de l'après-guerre, la dimension collective du travail, le souffle de la  liberté retrouvée, l'enthousiasme des grands projets et l'euphorie du début des trente glorieuses.  Sans doute la vision du travail et des relations humaines emprunte-t-elle à un âge d'or mythifié. Il n'empêche, tout cela a existé et peut se rencontrer encore.

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Fernand Léger - Les constructeurs - 1950
 
En regardant le tableau, me reviennent les mots d'un ancien responsable de la FFB (Fédération Française du Bâtiment) : "Cest avec de nombreux ouvriers non qualifiés que l'on a construit l'Arche de la Défense, entre autres".
Notre représentation du travail et de la qualification est encore trop largement modelée par le système éducatif et par cette opposition insensée entre le général et le professionnel, l'intellectuel et le manuel. Qu'est-ce d'ailleurs qu'un métier manuel ? celui dans lequel on utilise ses mains ? alors c'est le mien lorsque je pianote cette note sur mon micro ordinateur, ou c'est celui de l'écrivain qui ne peut plus exercer son activité lorsque la crampe de l'écrivain le saisit (sur ce sujet, voir le superbe livre de Patrick Grainville : La main blessée - Seuil) ou encore celui de l'homme politique qui ne peut plus dire bonjour sur les marchés ?
On peut objecter que certains travaux nécessitent un engagement physique plus direct et immédiat que d'autres, mais toutes les études récentes démontrent que  le stress par exemple touche davantage les ouvriers que les cadres. L'étude réalisée chez PSA dont les résultats ont été publiés le 18 mars dernier le  confirme (22 % des ouvriers touchés par l'hyper-stress contre 15 % des cadres). Comment dès lors identifier le travail manuel ? certainement pas en l'assimilant au travail artisanal. L'artisan qui fait des métrés, qui développe son activité par son relationnel client, qui gère son entreprise ne se repose pas principalement sur ses habiletés manuelles. Est-ce d'ailleurs le cas du peintre ? Fernand Léger travailleur manuel. 
 
Admettons que le vocable n'a pas de sens et que tous ceux qui tiennent de grands discours sur le travail manuel qu'il faudrait revaloriser contribuent à maintenir des représentations qui vont à l'encontre de l'objectif recherché.
 

 

03/04/2008

Posez vos questions

Vous pouvez poser vos questions en droit de la formation ou droit du travail en utilisant l'adresse mail ci-dessous. La réponse, totalement anonymisée, sera publiée sur ce blog. Le partage est la seule contrepartie à la réponse.

 

willems.consultants@wanadoo.fr

 

 

 

QUIZZ 1

Le droit de la formation s'enrichit et devient plus technique. Testez-vous ! réponses dans le document joint en fin de quizz.

 

1) La mise à disposition d’un accès à des cours en ligne que les salariés suivent pendant leur temps de travail au moment où ils le désirent constitue-t-elle une action de formation ?

2) Pour être reconnue au titre de la formation professionnelle, une action de formation doit avoir une durée minimale de 7 heures ?

3)  Un salarié qui n'a aucun diplôme peut-il  réaliser une  VAE pour obtenir intégralement un diplôme de niveau I, c’est-à-dire un Master 2  ?

4) Peut-on faire une évaluation de compétences liées à l’emploi occupé dans le cadre d’un bilan de compétences ?

5) Une entreprise peut-elle licencier pour incompétence un salarié qu’elle n’a jamais formé ?

6) Le comité d’entreprise peut-il financer des formations au profit des salariés ?

7) Une entreprise envoie un salarié en formation dans une ville distante de 600 kilomètres. Le salarié part la veille au soir après le   travail et rentre chez lui tard le soir après la formation. L'entreprise   lui doit-elle des heures supplémentaires ?

8) Un salarié travaille 25 heures par semaine dans l’entreprise. L’entreprise souhaite lui faire suivre un stage d’une semaine à temps complet. Peut-elle imposer au salarié une telle formation  ?                                  

9) Peut-on répartir les coûts de la formation suivie en DIF entre l’entreprise et le salarié ?                                                  

10) Peut-on prendre le DIF pendant ses congés payés  ?

11) Peut-on suivre des cours de Yoga en DIF ?

12) Peut-on faire une clause de dédit-formation pour un DIF ?

13) Le refus de financement par le FONGECIF  interdit-il le départ en CIF ?                                                    

14) L’entreprise doit-elle prendre en charge les frais de déplacement d’un jeune en contrat de professionnalisation pour se rendre dans le centre de formation ?

15) Un organisme de formation peut-il facturer en tant que telle(s) la ou les journées d’intervention préalables à la formation pour mettre au point le programme et les modalités, ou doit-il inclure ce coût dans celui de formation ?

 REPONSES AU QUIZZ 1.doc

 

 

 

 

 

02/04/2008

Valeurs et performance

Trois sujets récents de l'actualité : les quarante ans de Mai 68, le débat sur les sportifs et le boycot des JO, le récent discours de Barak Obama sur les races. Quel point commun entre ces trois évènements ? Tommie Smith.

Le 16 octobre 1968 à Mexico, Tommie Smith remporte le 200 m des Jeux Olympiques. Sur le podium, avec John Carlos troisième de la course, il monte chercher sa médaille en chaussettes noires et lève un poing ganté en mémoire de Martin Luther King, qui venait d'être assassiné, et plus globalement pour protester contre la condition des noirs aux Etats-Unis.

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 Tommie Smith et John Carlos seront exclus immédiatement des JO. Sans beaucoup de soutien de la part du mouvement sportif et avec des menaces de mort. Tommie Smith passera ensuite une licence de sociologie et deviendra éducateur sportif et entraîneur de jeunes.

 Pendant combien d'années, à l'entraînement, dans les courses de préparation, dans les courses de sélection, dans les premiers tours des JO, Tommie Smith a pensé à son geste ? qui aurait pu battre Tommie Smith ce jour là ? record du monde battu en se relevant avant l'arrivée. Ce n'était pas une course pour Tommie Smith, c'était l'élan de toute une vie.

 L'adage "quand on veut on peut" est une stupidité. Pour Tommie Smith, il n'aurait pas fallu que vouloir et rien n'aurait été possible s'il n'avait pas été l'un des meilleurs coureurs de 200 m de l'époque. Mais comment ne pas souligner combien lorsque le talent et le travail s'associent à la force d'un projet basé sur les valeurs et s'adjoint une capacité de courage et d'engagement sans faille, alors la performance atteint des sommets. Et le geste demeure comme un exemple de l'engagement.

 A l'heure où les entreprises affichent discours sur les valeurs et l'éthique, on ne peut s'empêcher de constater que les vraies valeurs se traduisent par de véritables actes d'engagement.

 

Sur Tommie Smith on lira le récent et très beau livre de Pierre-Louis Basse  19"83 (Stock). 

01/04/2008

Qu'est-ce qu'être compétent ?

Le droit du travail sait évaluer de manière très précise la compétence professionnelle du salarié. L'approche juridique de la compétence part du princpe que la compétence ne peut s'observer directement, postulat partagé par de nombreux non-juristes qui travaillent sur la question des compétences, et qu'elle doit être appréhendée à travers les résultats de l'activité. Pour évaluer la compétence du salarié, il faut procéder à un quadruple contrôle : la performance, les moyens, le contexte et les ressources.

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La performance
 
L'employeur disposer du pouvoir de direction qui lui permet de prescrire les résultats attendus et les manière de faire (processus à respecter, modalités d'exercice de l'activité). La prescription de l'entreprise doit être possible au regard de la qualification du salarié. Elle doit être réaliste. L'entreprise est d'autant plus fondée à avoir des exigences qu'elle a effectivement prescrit clairement.
 
Les moyens
 
L'entreprise ne doit pas placer le salarié en position de ne pas pouvoir exécuter ce qui lui est demandé. Elle doit donc veiller à ce que les moyens en temps, en pouvoir de décision, en moyens financiers et humains, etc. soient cohérents avec la performance attendue.
 
L'environnement
 
Toute entreprise vit en milieu ouvert. La fluctuation des marchés, les évènements politiques, une nouvelle règlementation peuvent modifier considérablement le contexte entre le moment où la prescription a été passée et le moment où l'on évalue la performance. Difficile de reprocher à un voyagiste de moins vendre de voyages en Egypte dans la semaine qui suit des attentats contre des touristes.
 
Les ressources
 
Le droit distingue entre les capacités à priori, qui correspondent au capital de compétences du salarié tel qu'il résulte de ses expériences et formations, et la compétence effective qui se traduit par la capacité à agir dans un contexte donné en vue d'un résultat.  L'employeur a une obligation de gérer les compétences du salarié de manière anticipée. Il doit, notamment dans l'entretien professionnel, réaliser un diagnostic des compéteces du salarié au regard des missions qui lui sont confiées. En cas de besoin, le salarié doit être accompagné par des actions de formation ou de professionnalisation (tutorat, mise à disposition de ressources, modulation d'objectifs, prise progressive de fonction, temps d'adaptation laissé au salarié pour une nouvelle tâche, etc.). 
 
 
Avant de pouvoir reprocher une insuffisance professionnelle à un salarié, un défaut de performance ou un défaut de compétence, l'entreprise doit donc procéder à un quadruple contrôle :
- la performance attendue était-elle légitime et réaliste ? 
- l'entreprise a-t-elle fourni des moyens appropriés ?
- le contexte n'était-il pas empêchant ?
- le diagnostic sur les capacités du salarié a-t-il été fait et, le cas échéant, le salarié a-t-il été formé ou accompagné ?
 
Ce n'est qu'après avoir fait ces quatre contrôles que l'entreprise peut véritablement se prononcer sur la compétence du salarié. A défaut, sa décision, qu'il s'agisse d'un licenciement, d'un refus de bonus, d'une baisse de la rémunération variable, d'un refus d'évolution, etc. pourra être contestée juridiquement.
 
Ce que le droit nous apprend ici, c'est qu'il ne peut y avoir d'évaluation du salarié sans une évaluation de l'organisation. 

31/03/2008

Le droit frein aux licenciements ?

La négociation sur la modernisation du marché du travail repose en grande partie sur le rôle du droit du travail dans la gestion de l’emploi. Trop de droit tuerait l’emploi selon les confédérations patronales, pas assez de droit affaiblirait le salarié et l’emploi selon les organisations syndicales. D’où le donnant-donnant : plus de facilités pour rompre le contrat de travail contre plus de droits pendant et après le contrat. C’est en partie sur cet équilibre qu’a été construit l’accord du 11 janvier 2008.

Il est tentant de confronter ces postulats à quelques réalités chiffrées. La dernière note sur le marché de l’emploi publiée par la DARES le 25 mars dernier, nous indique que le nombre d’inscriptions à l’ANPE suite à un licenciement pour motif économique est d’environ 14 500 par mois, alors que 50 000 inscriptions font suite à un licenciement pour motif personnel. Soit une moyenne annuelle de 200 000 licenciements économiques et 600 000 licenciements pour motif personnel. Sur une population active de 16 millions de salariés dans le secteur privé, on arrive à 5 % de salariés licenciés chaque année.

Encore faudrait-il pondérer ces chiffres bruts : nombre de licenciements ne donnent pas lieu à inscription à l’ANPE (préretraites, emploi retrouvé sans délai, dispense de recherche d’emploi par l’ANPE pour les salariés âgés qui sont exclus des statistiques, etc.). Mais même en s’en tenant aux chiffres bruts la thèse selon laquelle le droit empêcherait le licenciement ne correspond pas à la réalité observée.

Pour mieux comprendre les enjeux réels de la négociation, il faut se reporter au rapport  du Ministère de la Justice publié en octobre 2005 sur les conflits du travail. Basé sur une analyse exhaustive de l’activité des conseils de prud’homme,  il nous apprend que 2,5 % des licenciements économiques donnent lieu à contentieux contre 22,5 % des licenciements pour motif personnel. Soit environ 200 000 conflits du travail nouveau chaque année.

On comprend mieux au regard de ces chiffres, l’objectif poursuivi par l’accord du 11 janvier 2008 lorsqu’il créé la rupture conventionnelle homologuée : il s’agit non pas de rendre la séparation plus facile mais d’en sécuriser les conséquences juridiques. Sont visés à titre principal : les licenciements demandés par les salariés qui souhaitent quitter l’entreprise tout en bénéficiant de leurs droits sociaux et les séparations négociées transformées en licenciement avec transaction pour « désocialiser et défiscaliser » les sommes versées aux salariés.

Si l’accord du 11 janvier 2008, sur ce point doit être défendu, on aurait pu souhaiter que les vrais objectifs soient clairement annoncés en lieu et place de vieilles lunes qui ne résistent pas à l’examen de la réalité.

29/03/2008

Le DRH sorcier

C’était le temps des start-up frénétiques. Des énergies groupées autour de tréteaux envahis d’anarchique informatique. C’était à la fin des années 90. Les business plans se faisaient et se défaisaient à toute heure du jour et de la nuit. Chaque idée était évaluée à l’aune du jackpot : était-ce celle  avec laquelle on allait rafler la mise ou bien ne s’agissait-il que d’une banalité érigée en martingale ? l’imagination n’était pas au pouvoir, elle était dans des bureaux étroits et encore enfumés peuplés de jeunes gens fiévreux. Sur France-Info, Jean-Pierre Gaillard s’étranglait en annonçant les cours de bourse : l’économie naissante de l’immatériel dépassait en capitalisation boursière l’économie industrieuse qui n’en pouvait mais.

En ces temps d’euphorie, nichés au cœur de la bulle internet, des DRH emportés par l’élan d’innovation ont voulu eux aussi s’essayer au jeu : on se souvient des tables de ping-pong dans les salles de réunion, des matelas par terre pour la sieste et la nuit, des fêtes au travail dans l’utopie du travail vécu comme une fête.

Lors d’une réunion, un DRH d’une start-up dont la croissance donnait le vertige,  me remit sa carte professionnelle. Sous son nom, à la place de sa fonction, je pus lire cette appellation : « sorcier ». Je pensai à Gauguin.

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Gauguin - Le sorcier d'Hiva Oa - 1902
 
 

Revenant à notre discussion, je ne résistai pas à lui demander le pourquoi de cette mention. Il me répondit qu’il avait invité les salariés à se définir à travers un totem animal, sans doute des réminiscences d’une enfance scout, et que les fonctions avaient été remplacées par des noms d’animaux. L’entreprise était donc peuplée de lions, de renards, d’aigles, de loups, de dauphins et autres fières bestioles. Bien évidemment, les poules, pintades, moutons, cochons ou ânes faisaient moins recette. Son tour venu, il n’avait pu identifier le totem de la fonction ressources humaines (vos idées sont les bienvenues en commentaire), et s’était replié sur l’image du sorcier. Sorte de Noé mythique régnant sur le monde animal dont lui seul possède les clés.

Je me suis alors souvenu de Magritte et de son autoportrait en sorcier.

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L’homme aux quatre bras, qui sait se démultiplier pour effectuer plusieurs tâches à la fois ou bien le silencieux sorcier tahitien qui fascine et dont le silence est lourd de secrets.

Sorcier ? et pourquoi pas ? après tout, les points de comparaison ne manquent pas : la solitude attachée à la fonction, son ambivalence (le sorcier est à la fois souhaité et craint), le recours à des recettes ou méthodes dans lesquelles la persuasion tient  toute sa place, des effets de gourou que l’on peut effectivement rencontrer …à première vue l’image semblait pertinente.

A première vue seulement. Car en matière de ressources humaines, point de recette mystérieuse infaillible, pas de potion magique ni d’onguents guérisseurs, peu de gourou si l’on veut des effets durables, pas de savoir mystérieux et exclusif, pas de manipulation mais du management, pas de solitude de la fonction bien au contraire un travail avec tous et le moins possible d’ambivalence dans le positionnement. A la réflexion, il n’est pas exclu que le sorcier soit le contre-modèle absolu du DRH : éviter la DRH magique, celle qui relève de l’incantation et de l'expertise secrète est sans conteste une des clés de la réussite.

 

Modèle de passeport formation

L'ANI du 5 décembre 2003 a créé le passeport formation qui doit permettre aux salariés de conserver trace des formations suivies, des emplois occupés et des compétences acquises. Utilisable pour la recherche d'emploi, pour un bilan de compétences ou pour une VAE, le passeport formation a une finalité pédagogique, montrer que la compétence a une valeur, et une finalité pratique : permettre au salarié d'avoir des outils personnels de pilotage de son parcours professionnel.

Le Comité paritaire national de la formation professionnelle (CPNFP) a élaboré, en empruntant largement au CV européen, un modèle de passeport formation qui peut être distribué aux salariés soit à leur demande, soit à l'initiative de l'entreprise si elle souhaite une implication plus importante des salariés dans la gestion de leur emploi et de leurs compétences.

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28/03/2008

La GPEC : une obligation juridique

La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences est une réalité juridique. La loi et la jurisprudence, notamment depuis 2002, ont contribué à façonner le régime des obligations des entreprises dans ce domaine. Le champ de responsabilité de l'employeur couvre trois risques : l'employabilité, la santé et la performance.

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Concernant la sécurité de l'emploi, l'obligation de GPEC comprend l'obligation d'anticipation (dimension prévisionnelle en liaison avec la négociation obligatoire sur la GPEC dans les entreprises de plus de 300 salariés), l'obligation d'adaptation (le salarié doit avoir les compétences requises par rapport à son emploi) et l'obligation de reclassement (en cas de mise en cause de l'emploi, l'enteprise doit permettre le reclassement interne ou externe - voir ma note du 5 mars 2008 : la Cour de cassation par une décision du 23 octobre 2007 sanctionne une entreprise qui en 12 et 24 ans d'ancienneté n'a fait suivre que trois jours de formation à deux salariées, ne leur permettant pas de maintenir leurs compétences par rapport au marché du travail).
 
Concernant la santé, l'employeur a l'obligation de veiller à ce que le salarié ait les compétences nécessaires pour travailler en sécurité. A défaut, sa responsabilité est engagée, y compris au plan pénal (voir ma note du 13 mars 2008).
 
Enfin en matière de performance, l'employeur doit vérifier que le salarié dispose, a priori, des compétences nécessaires pour exercer les activités qui lui sont confiées et atteindre les objectifs qui lui sont fixés. A défaut, nulle insuffisance professionnelle ne saurait lui être reprochée ni un bonus refusé ou diminué.
 
Ces trois domaines de responsabilité, emploi-santé-performance, devront être abordés avec le salarié lors de l'entretien annuel et/ou de l'entretien professionnel.
 
Faute d'avoir géré les compétences de ses salariés, et d'avoir une traçabilité de cette gestion, la responsabilité de l'entreprise pourra être engagée en cas de sinistre : licenciement économique, accident du travail ou maladie professionnelle ou défaut de performance. Ce n'est que si l'entreprise a rempli toutes ses obligations que la responsabilité pourra être transférée sur le salarié. 

27/03/2008

Consultation du CE sur la formation avant le 30 septembre

L'accord du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail prévoit dans son article 7 qu'afin de renforcer la cohérence entre les éléments d'anticipation mis en lumière dans le cadre de la GPEC et la mise en oeuvre du plan de formation de l'entreprise, les deux réunions de consultation du comité d'entreprise sur l'exécution du plan de formation de l'année précédente et sur le projet de plan de l'année à venir doivent respectivement intervenir avant le 1er octobre et le 31 décembre de l'année en cours.

Un projet de décret élaboré par le Gouvernement fixe en conséquence au 30 septembre, et plus au 15 novembre, la date de première consultation du comité d'entreprise. Les documents d'information doivent être envoyés trois semaines auparavant. Cette consultation portera donc sur le bilan de l'année 2007 complet et de l'année 2008 (premier semestre) ainsi que sur les orientations de la politique de formation de l'entreprise, dont la politique de DIF. La seconde consultation avant le 31 décembre 2008 portera sur les projets pour l'année 2009.

Deux rappels complémentaires :

- l'obligation de consulter n'est pas une obligation de faire. L'entreprise peut annoncer une politique à parfaire ou un plan de formation à compléter en cours d'année dès lors qu'il n'est pas entièrement établi en fin d'année. Rien n'impose donc à l'entreprise d'avoir bouclé un plan de formation avant la fin de l'année ; 

- l'entreprise n'est pas quitte avec les deux consultations qui constituent des obligations minimales. Toute décision de portée collective prise en cours d'année dans le domaine de la formation professionnelle suppose une consultation préalable du comité d'entreprise au titre de ses compétences générales (C. trav., art. L. 432-1). Ainsi une évolution du plan de formation en cours d'année impose une consultation supplémentaire du comité d'entreprise.

25/03/2008

Il n'y a pas d'évidence

A première à vue, le tableau est porteur d'une contradiction : le texte surprend. L'objet représenté semble bien correspondre à ce que le texte voudrait qu'il ne soit pas.

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Un temps de réflexion toutefois suffit. A défaut, Matisse peut nous aider qui disait : " je ne peins pas une femme, je peins un tableau". Magritte nous indique en effet les trois niveaux d'appréhension de la réalité : l'objet, sa représentation et le commentaire.
 
Tout audit peut travailler sur ces trois niveaux : les faits, leur représentation pour chacun et les commentaires qui en résultent.  A distinguer sans confondre, le diagnostic gagnera en qualité.
 

24/03/2008

Une évaluation qui laisse des traces

La généralisation des entretiens d'évaluation et/ou des entretiens professionnels introduit une traçabilité sur l'appréciation et plus globalement sur la gestion des compétences des salariés. Cette traçabilité est opposable à l'entreprise lorsqu'elle met en cause les capacités professionnelles du salarié.

Dans une décision récente, la Cour de cassation (Cass. soc., 20 févr. 2008, n° 06-40.085) relève qu'un entretien d'évaluation contenant des appréciations positives a été réalisé avec un salarié moins bien payé que ses collègues. Le salarié ayant présenté des demandes de réajustement de salaire à l'entreprise puis saisi les prud'hommes sur la base du principe à travail égal, salaire égal, l'entreprise a été sommée de justifier l'écart de rémunération avec les autres salariés. Elle a avancé que le salarié avait des difficultés à travailler en équipe et qu'il était d'une susceptibilité excessive. Argument irrecevable selon la Cour de cassation dans la mesure où aucune évaluation n'était intervenue postérieurement à l'évaluation élogieuse. L'écart de salaire n'étant justifié par aucun élément objectif, il devait être rattrapé.

Cette décision illustre la difficulté que peut avoir une entreprise en cas de contentieux lorsque le contenu des entretiens d'évaluation soit ne correspond pas à la réalité, soit n'a pas consigné précisément toute la réalité. La traçabilité générée par les processus d'entretiens individuels ne tolère donc aucune approximation, ce qui n'a rien d'évident si l'on se réfère aux modalités selon lesquelles ces entretiens sont parfois réalisés.

21/03/2008

Trophés du DIF 2008

DEMOS organisait, jeudi 20 mars 2008, la deuxième édition des Trophées du DIF. L’occasion de faire le point sur les  évolutions du dispositif et sur les projets de réforme en cours. Sur le bilan il ressort que le développement quantitatif se poursuit, mais surtout que l’appropriation du DIF progresse et que nombre d’entreprises et de salariés ont une maturité importante sur le dispositif qui, articulé à l’entretien professionnel et aux périodes de professionnalisation, permet de véritablement travailler sur des parcours de formation. Peut être relevé également le nombre significatif d’entreprises qui utilisent le DIF pour développer l’appétence des salariés, notamment les moins qualifiés, pour la formation.

Sur les réformes en cours, les partenaires sociaux présents (CGT, FO, MEDEF) ont exprimé leur souhaite d’aller au bout du travail de bilan et d’évaluation avant d’engager véritablement une négociation qui ne devrait pas aboutir avant l’automne, la loi venant ensuite. Sur le fond, l’unanimité semble constituée sur le fait d’avoir plutôt un acte II de la réforme de 2003-2004 plutôt qu’une « réforme de la réforme ». Comme indiqué déjà sur ce blog, les fondamentaux sont en place et s’il faut bien évidemment faire évoluer le système de manière permanente, il faut prendre garde aux effets de table rase qui ne sont souvent que des effets de manche.

En complément, les résultats de l’enquête DEMOS, Kelformation, 20 Minutes et l’AEF auprès des entreprises et des salariés, et mon intervention sur le DIF, outil d’innovations juridiques.

 Enquête DIF – DEMOS.ppt

TropheesDIF2008-JPW.ppt

 

20/03/2008

Modele de BIAF

La remise d'un bordereau individuel d'accès à la formation aux salariés recrutés sous contrat à durée déterminée est une obligation....depuis 1990. Mal remplie par les entreprises, cette obligation n'est pourtant pas très contraignante, bien au contraire : il s'agit d'informer le salarié des possibilités d'accès à un financement pour une formation, un bilan de compétence ou une VAE à l'issue de la réalisation du contrat de travail. Cette obligation ne créé aucune obligation financière spécifique pour l'entreprise, qui doit de toute façon cotiser à hauteur de 1% des sommes versées aux salariés en CDD pour financer ces différents droits. Et elle permet au salarié qui ne reste pas dans l'entreprise suite à un CDD d'avoir des opportunités d'orientation ou de formation. Le BIAF doit être remis en début de contrat.

 Le modèle de BIAF ci-dessous a été élaboré par le Fonds Unique de Péréquation (FUP) en février 2008.

BIAF.pdf