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20/03/2008

Management jardinier

Le jardinier est satisfait de son travail. Les fleurs s’épanouissent au soleil printanier, leurs couleurs se mêlent harmonieusement pour démontrer une fois de plus que la nature imite l’art et que le hasard des pousses vaut bien le talent du peintre. Sous les premiers rayons de soleil qui écartent les nuages clairs, la belle promeneuse n’y résiste pas. Est-ce donc pour ce résultat que le jardinier déploya tant d’efforts et de patience ?

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En  ce jour de printemps,  Renoir illustre l’expression emprunté à Guy Le Boterf de « Management jardinier » ou d’écologie du développement des compétences. En ces temps où la psychologisation des rapports de travail tient le haut du pavé, il peut être bon de rappeler que l’on ne fait pousser des fleurs et que l’on ne créé de beaux jardins  ni en leur intimant tous les matins de pousser, ni en leur faisant de quotidiennes déclarations amoureuses. Le plus sur moyen de s’offrir le plaisir de la floraison est de préparer le terrain, de travailler le milieu, de connaître les variétés plantées, de corriger si nécessaire l’apport des éléments naturels, rajouter de l’eau ou protéger des pluies surabondantes, de mettre à l’abri du gel ou du vent, de savoir tailler quand il le faut et biner au moment propice, toutes choses qui réclament attention véritable, connaissance de l’écosystème et cohérence des décisions. Et admettre que même si toutes ces conditions sont remplies, le succès n’est pas toujours assuré. S’il survient, il n’en sera que plus beau, et la promeneuse plus émerveillée.

 

18/03/2008

Enseigner ce que l'on ignore

EN 1818, Joseph Jacotot, révolutionnaire exilé devient lecteur à l'Université de Louvain et se retrouve chargé d'enseigner la littérature française à des étudiants flamands dont il ne parle pas la langue et qui manient bien mal le français. Jacotot trouve une édition bilingue de Télémaque qu'il fait remettre aux étudiants leur demandant d'apprendre le texte français en s'aidant de la traduction, puis de lire l'ensemble du livre pour être capable de le raconter en français. Le travail de rédaction demandé en évaluation de l'enseignement se révéla d'un niveau comparable à celui d'étudiants français. Joseph Jacotot découvrit ainsi qu'il était possible d'enseigner sans donner d'explications, par un travail de questionnement. Enseigner ce que l'on ignore c'est questionner sur tout ce qu'on ignore. Là où le maître savant explique et déverse son savoir, le maître ignorant questionne et oblige l'élève à s'enseigner lui-même. Pourquoi faire croire aux parents qu'ils ne peuvent aider leur enfant à préparer le bac puisqu'ils sont ignorants en mathématiques ? le questionnement permet deux vérifications : l'élève est-il capable de dire ce qu'il a compris, le travail qu'il a conduit a-t-il été fait avec suffisamment de sérieux et de rigueur. La vérification de la cohérence ne nécessite donc qu'attention et logique de la part du maître ignorant. Par contre, la vérification du résultat supposera effectivement une expertise. Je peux demander à un étudiant de m'expliquer ce qu'est la formule mathématique qu'il me montre, comment elle se décompose, pourquoi ce chiffre, que signifie ce symbole, comment s'exprime l'équation, à quoi correspond le résultat, comment est-il certain que ce résultat est juste, à partir de quoi peut-il le vérifier, etc. Le quoi et le pourquoi, issus du questionnement enfantin, n'ont plus à démontrer leur redoutable puissance et les parents savent bien que le "parce que" ou le "c'est comme cela" ou la fin de non recevoir  du "tu m'agaces avec tes questions" ne peut véritablement masquer la non-maîtrise du sujet abordé et le travail que nécessiterait de pouvoir répondre. L'enfant ignorant instruit ses parents par ses questions prétendûment naïves, pourquoi les parents ne pourraient-ils instruire leurs enfants lorsque ceux-ci sont plus savants ?

 

Sur le sujet, on lira avec profit : Jacques Rancière, Le maître ignorant, 10/18, sept. 2004. 

 

 

 

 

17/03/2008

La compétence, c'est choisir

 Bien sur, le serpent dans l'arbre pourrait être un indice. Mais pourquoi Adam s'en méfierait-il ? la nature autour de lui n'est pas hostile et les animaux sont tous bienveillants. Le lion cohabite avec l'agneau, les humains sont de manière évidente au milieu des animaux, la nature est luxuriante, nulle crainte, nulle menace, nul danger n'habite ce tableau. Il faut connaître la fin de l'histoire pour voir dans le serpent le messager du désastre.

 Pourtant, Adam semble pris d'un doute : l'interdit  est présent dans son esprit, le seul interdit du paradis. 

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Mais dans un contexte de bonheur, de paix, de tranquillité, l'interdit paraît bien anodin. S'agit-il vraiment de transgresser et de défier Dieu ? pas vraiment. Bercé par le contexte paradisiaque, Adam n'est plus en capacité de mesurer, d'imaginer, la conséquence de l'acte. Eve en sait-elle plus ? son regard pourrait le suggérer mais sans qu'il ne soit possible de trancher clairement : excès de confiance ? volonté de défier le pouvoir divin ? volonté de sortir de l'ennui du quotidien du paradis au risque de basculer dans l'inconnu ? goût du jeu ? difficile de prêter une véritable intention à Eve, par contre sa détermination est évidente au regard des hésitations d'Adam.
 
On connaît la suite : Adam croquera la pomme, déclenchant la colère divine. L'acte sera jugé comme une rébellion insupportable contre la soumpission requise à Dieu, sur un seul point certes, mais tout de même. Un acte, une seconde, et l'humanité toute entière se retrouve à jamais chassée du paradis.
 

Si l'on veut bien considérer que la compétence est une capacité à agir en situation ou, pour le dire autrement, qu'il n'y a de compétence que dans l'action, alors on admet qu'à un moment donné se pose la question fondamentale du choix. Que faire ?  l'expérience, les connaissances, la compétence in fine ramenées à une question binaire : faire ou ne pas faire. Ce choix constitue une mise sous tension de l'individu qui, lorsqu'il est confronté à une situation qu'il n'a jamais rencontrée et qu'il doit résoudre sans mode d'emploi préétabli, est, comme Adam, mis en demeure de choisir sans être certain de maîtriser tous les paramètres de la situation tant au niveau du diagnostic que des conséquences. Et pourtant il faut bien choisir, renoncer à le faire serait déjà un choix.

L'évolution des contenus des emplois, l'importance de la dimension relationnelle et comportementale, la rapidité des évolutions techniques et organisationnelles ont sans doute multiplié les confrontations de l'individu avec des situations inconnues. Sans doute faut-il chercher là une des causes de la montée du stress au travail. Cette évolution appelle deux remarques. La première est que l'organisation doit prendre sa part dans le traitement de ces situations en n'abordant pas la question de la compétence uniquement du point de vue individuel mais également du point de vue collectif et de l'agir ensemble. Une fois cette condition remplie, la deuxième remarque est qu'il serait paradoxal de s'offusquer d'avoir un prix à payer pour la liberté.

13/03/2008

L'insuffisance de formation à la sécurité est une faute pénale

La Cour de cassation est vigilante en matière de protection de la santé des salariés. Suite à un accident du travail du à la remise en marche du tapis d'une ligne de conditionnement d'aliments pour animaux par un salarié alors qu'un autre salarié réalisait des opérations de maintenance, la Cour suprême a décidé que la cause de l'accident résidait, notamment, dans l'insuffisante formation des salariés au maniement de la machine.

 L'employeur, qui n'a pu produire à aucun moment la preuve de la mise en oeuvre de son obligation de former les salariés à la sécurité de leur poste de travail doit donc être pénalement sanctionné au titre du délit de blessures involontaires (Cass. crim., 6 novembre 2007 ; RJS n° 3/08, mars 2008).

 Cette décision impose aux entreprises d'articuler fortement leur plan de formation avec le diagnostic résultant du document unique d'évaluation des risques professionnels. En effet, des formations doivent être organisées pour prévenir les risques d'accident du travail ou de maladie professionnelle pouvant résulter de l'exercice, par les salariés, de leurs fonctions.

 Si la formation n'est pas la seule disposition à prendre (il est également reproché au chef d'entreprise de n'avoir pas établi un process de travail identifiant les bonnes pratiques), elle est indispensable lorsque la situation de travail peut présenter des risques sérieux pour la santé des salariés.

 

 

12/03/2008

Pas de débit d'office des compte épargne formation

La Cour de cassation a rendu le 16 janvier 2008 un arrêt qui pourrait sans grand peine être transposé au DIF. Dans une entreprise ayant mis en place, par accord d'entreprise, un compte épargne formation en complément des formations au poste de travail, l'employeur a décompté d'office les formations suivies par les salariés lors de la mise en place du progiciel SAP. La Cour a considéré que des comptes individuels ne peuvent être débités que pour des formations demandées par les salariés. Tout débit d'autorité constitue donc un trouble manifestement illicite (Cass. soc., 16 janvier 2008, n° 07-10.095).

 

La solution s'appliquerait bien évidemment  dans les mêmes termes pour le DIF : le DIF ne peut être consommé pour des formations déployées par l'entreprise en accompagnement de ses projets. De même, il ne saurait y avoir de débit d'office des compteurs DIF en l'absence de toute demande ou accord du salarié. 

 Précisions si nécessaire que l'accord du salarié ne peut être donné qu'avant le suivi de la formation et non après.

Si l'on voulait le formuler autrement, on pourrait indiquer que les formations qui sont imposées au salarié (soit par la réglementation, soit par l'employeur) ne peuvent relever du DIF. Et que d'une manière plus générale, le DIF supposant l'accord du salarié, aucun retrait d'office n'est légitime. Attention donc au retrait d'heures DIF du compteur alors que le salarié n'a pas formellement donné son accord pour le suivi de la formation dans le cadre du DIF. 

10/03/2008

La théorie c'est pratique

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Le paradoxe pourrait tenir lieu de fil conducteur au tableau du Caravage : voici un dieu au corps viril rendu de manière très réaliste dont le visage a des contours peu affinés et des traits féminins, l'abondance de mets et de vin, le nectar des dieux, ne suscite que lassitude ou ennui, la matéralité des draps et fruits s'oppose à la lumière oblique, toute spirituelle, qui traverse le tableau. L'ambigüité résultant de ce tableau n'est qu'une traduction de la tradition occidentale de raisonnement par oppositions binaires. Issue de la pensée platonicienne (le faux monde matériel opposé au vrai monde des idées) cette tradition a prospéré avec la pensée chrétienne (vie terrestre et vie céleste, corps pêcheur et esprit salvateur, etc.) et trouve donc à la renaissance une traduction picturale qui se déploiera ensuite chez les épigones du Caravage et au-delà.

Cette méthodique division duale du monde n'est pourtant pas un mode de pensée universel, comme en témoigne le tableau de Chen Hongshou, contemporain du Caravage, qui s'intitule "Parlant musique".

 

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 Ici le corps n'est que suggéré. Le drapé, contrairement à celui du Caravage, n'a rien de réaliste. Constitué de volutes improbables il rend compte de l'état intérieur du personnage abandonné à sa concentration. On l'aura compris, ici pas de division ou distinction : la représentation extérieure rend compte de la réalité intérieure. Le monde n'est pas deux, il est un.

La conception duale conduit à des raisonnements par opposition qui structurent nos modes de pensée de manière très profonde. Ainsi, l'inné et l'acquis, la raison et l'émotion, le fond et la forme, le corps et l'esprit, qui donneront les chirurgiens d'un côté et les psys de l'autre garantissant ainsi que la médecine ne s'intéresse que rarement à la totalité de l'individu,  etc.

Dans le champ du travail et de la formation, cette opposition produit la conception et l'exécution, les fonctions supports et les fonctions opérationnelles, la formation et le travail, la théorie et la pratique.

Ce mode de raisonnement est bien évidemment très réducteur : on peut se former en travaillant, l'exécutant conçoit des manières de faire, les fonctions supports sont opérationnelles (heureusement pour elles), le travail est formateur et la théorie se nourrit de pratiques, ne serait-ce que par l'expérimentation, alors que la pratique s'appuie le plus souvent sur une conceptualisation préalable. En d'autres termes, le savoir conceptuel est indispensable à l'action, laquelle sert de base à la production de savoir conceptuel. 

Voyons des continuités et des cycles là où d'ordinaire on ne perçoit que de la distinction et de la séparation. Comment prévoir la météo sans la théorie du chaos ? par le savoir empirique ? mais il constitue lui-même une conceptualisation de multiples, voire ancestrales, observations dont on a tiré des lois générales.

Entre théorie et pratique, surtout si l'on veut travailler sur la compétence, il s'agit d'avantage d'articuler et d'associer que de diviser et d'opposer.

(Note : la comparaison entre le tableau du Caravage et celui de Chen Hongshou est empruntée à Jean-François Billeter et tirée de son ouvrage "L'art chinois de l'écriture", Seuil - Skira). 

07/03/2008

Du plan de formation au plan de professionnalisation

Les entreprises ayant des obligations de gestion des compétences et non de formation (voir note du 5 mars 2008 sur l’obligation de GPEC incluse dans le contrat de travail), on peut se demander pourquoi les entreprises font toujours des plans de formation et non des plans de développement des compétences ou, plus simplement, de professionnalisation.

Aujourd’hui, l’enjeu est clairement sur une traçabilité des compétences des salariés, et non des financements de la formation. Le passage à un plan de professionnalisation doit permettre de gérer non seulement la formation, mais également les autres actions mises en place pour développer les compétences.

Par ailleurs, les coûts de formation doivent distinguer les achats (dépenses supplémentaires générées par la formation) des temps de formation (consommation de jours qui ne sont pas consacrés à l’activité mais à la formation). Si dans le premier cas, l’euro est  une unité pertinente, dans le second cas ce n’est pas la valorisation financière du coût salarial qui représente l’effort de l’entreprise, mais le temps pendant lequel le salarié ne produit pas (admettons que par principe un salarié rapporte plus qu’il ne coûte et que donc la charge salariale ne dit rien du coût réel de la formation).

 PLAN DE PROFESSIONNALISATION.doc

06/03/2008

Faut-il réformer la réforme ? oui, mais préservons les fondamentaux

Une nouvelle réforme de la formation professionnelle est programmée pour la fin de l'année 2008. Il s’agira vraisemblablement moins d’une remise en cause que d’un approfondissement de la réforme initiée en 2003-2004 qu’il convenait bien de considérer comme le point d’un départ d’un nouveau système. Mais il importe dans ce mouvement de préserver les fondamentaux.

 La réforme de la formation a, en effet, posé trois piliers forts : l’obligation de GPEC incluse dans le contrat de travail et dont la responsabilité première incombe à l’entreprise (Art. L. 930-1 du Code du travail), le passage de la décision unilatérale à la négociation pour l’accès à la formation (substitution progressive du DIF au Plan) et la reconnaissance de la notion de parcours d’acquisition de compétences par la formation et le travail dans le cadre de la professionnalisation.

Ces trois principes constituent les fondations de la réforme et sont porteurs d’avenir.

L’obligation de gérer de manière anticipée les compétences de chaque salarié, en s’appuyant notamment sur l’entretien professionnel, fait écho à l’obligation de négocier un accord portant sur les dispositifs de GPEC en vigueur dans l’entreprise qui lui donne une dimension collective. Elle est cohérente avec l’obligation dessinée par la jurisprudence de fournir au salarié les moyens de la performance attendue et complète également les responsabilités de l’entreprise en matière de protection de la santé du salarié (un salarié compétent travaille plus en sécurité).

La création du DIF s’inscrit dans un mouvement culturel plus vaste : faire participer les individus aux décisions qui les concernent. De ce point de vue, c’est moins l’initiative du salarié que l’accord qui caractérise le DIF. Le point clé est le passage d’une dimension unilatérale de gestion de la formation à une gestion négociée dont nul ne s’étonnera que sa diffusion nécessite du temps compte tenu de l’ampleur du changement culturel : le management par la négociation n’est pas le modèle dominant en France.

 La VAE avait déjà ouvert la voie à une reconnaissance de la valeur du travail. La professionnalisation enfonce le clou : non seulement les compétences s’acquièrent par la formation et par le travail (on est loin du modèle pédagogique traditionnel : en formation j’apprends, au travail j’applique), mais l’efficacité d’un dispositif de formation tient avant tout à la qualité de l’articulation entre les deux. Encore une révolution culturelle qui doit enfin conduire à ce que les pratiques de formation continue se distinguent véritablement de celles de la formation initiale qu’elles doivent contribuer à faire évoluer.

 La réforme intervenue en 2003-2004 a posé les bases de nouvelles logiques, en rupture avec les dispositifs construits en 70-71. Dès lors que ces bases sont préservées, il est normal et même souhaitable que les outils et modalités de gestion qui permettent leur opérationnalisation continuent à évoluer. Mais prenons garde à démêler ce qui relève des fondamentaux des modalités de leur mise en œuvre.

05/03/2008

Le contrat de travail contient une obligation de GPEC

Obligation d'adaptation: l'arrêt de la Cour de cassation du 23 octobre 2007 "complète le dispositif de GPEC" (Jean-Pierre Willems, Consultant Ressources Humaines)

Par une décision du 23 octobre 2007, la Cour de cassation condamne une entreprise à indemniser deux salariés qui n'ont suivi que trois jours de formation en 12 et 24 ans d'ancienneté. Cette indemnisation s'ajoute à l'indemnisation pour rupture injustifiée de leur contrat de travail, la Cour y voyant la violation d'une obligation spécifique, l'obligation d'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi (Cass. Soc., 23 octobre 2007, n°06-40.950 FS-PB Soulies et a. c/Syndicat l'Union des opticiens. "Cette décision est à la fois une confirmation et une évolution qui vient compléter le droit de la gestion des compétences", analyse Jean-Pierre Willems, juriste en droit social et consultant en ressources humaines. Il répond aux questions de L'AEF.

L'AEF. En quoi cet arrêt est-il une confirmation?

Jean-Pierre Willems. La Cour de cassation a affirmé très tôt, dès l'arrêt Expovit du 25 février 1992, que l'entreprise est soumise, en vertu de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail, à une obligation d'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois. Cette décision a été prise sur le fondement de l'article 1134 du Code civil et avant même que l'obligation d'adaptation n'intègre le Code du travail.

Certaines entreprises y ont vu une création ex nihilo de la Cour de cassation et ont reproché à la Cour de disposer de manière générale, et ainsi de se substituer à la loi. Cet argument a été rejeté, les juges affirmant qu'ils ne faisaient que constater une obligation incluse dans le contrat de travail lui-même (Cass. Soc., 13 février 2001, n°98-45.464).

De la même façon, si la décision du 23 octobre 2007 se réfère à un article du Code du travail qui n'était pas en vigueur au moment des faits, ce n'est pas en faisant jouer rétroactivement le texte mais en postulant que celui-ci ne fait que traduire une obligation incluse dans le contrat de travail. En d'autres termes, l'article L. 930-1 du Code du travail ne serait qu'un rappel pédagogique d'une obligation qu'il ne créé pas car inhérente à la nature même du contrat de travail.

L'AEF. A-t-on d'autres exemples de création d'une obligation contractuelle ?

Jean-Pierre Willems. Oui. En matière de sécurité, la Cour de cassation, dès 2002 avec l'arrêt Everite, a soumis les entreprises à une obligation de sécurité de résultat incluse dans le contrat de travail. Cette jurisprudence a été constamment confirmée depuis, notamment dans l'arrêt de la Cour de Cassation, Chambre sociale du 13 décembre 2006, n°05-44.580 FS-PB Sté Valentin traiteur c/Fargeot.

L'AEF. Qu'est-ce qui fonde la création d'obligations contractuelles?

Jean-Pierre Willems. Essentiellement le pouvoir de direction. L'employeur a la maîtrise du contenu des emplois, de la stratégie de l'entreprise, de son organisation, etc. Le travail salarié demeure juridiquement un travail subordonné, c'est-à-dire un travail prescrit à la fois dans ses objectifs et dans ses modalités. De ce fait, la nature même du contrat de travail plaçant le salarié sous la responsabilité de l'employeur implique que ce soit l'entreprise qui assume, en premier lieu, une obligation de maintien des compétences et de garantie de la sécurité des salariés.

L'AEF. L'employabilité est-elle donc une responsabilité exclusive de l'entreprise?

Jean-Pierre Willems. Non. L'entreprise a une responsabilité première mais le contrat de travail est un contrat avec des obligations réciproques. Dès lors que l'employeur fournit les moyens de l'adaptation, ou de la sécurité, le salarié se doit de s'en saisir et de les utiliser. Les juges ont la même sévérité que vis-à-vis des entreprises pour les salariés qui refusent des formations, ne font pas d'effort d'adaptation ou ne respectent pas les règles de sécurité. La responsabilité est donc partagée mais elle part en premier lieu de l'entreprise, ce qui est dans la nature du contrat de travail.

L'AEF. Contrairement à ce que certains craignaient, le DIF n'a donc pas inversé la responsabilité de l'initiative en matière de formation?

Jean-Pierre Willems. Non. L'initiative n'est pas un critère pertinent d'identification du DIF. C'est l'accord entre l'entreprise et le salarié qui permet de caractériser le DIF. Le salarié peut prendre l'initiative de demander à suivre une formation dans le cadre du plan ou du CIF. Ce n'est pas la demande qui est le critère pertinent mais la nature de la décision. C'est ce qui permet aux entreprises de faire des propositions aux salariés pour l'utilisation de leur DIF: cette initiative ne fait pas obstacle à l'utilisation du DIF, dès lors qu'il y a accord.

L'AEF. Doit-on conclure de la décision du 23 octobre 2007 de la Cour de cassation que l'entreprise est soumise à une obligation générale de formation?

Jean-Pierre Willems. Non, ce n'est pas le sens de la décision. Les juges condamnent l'employeur qui ne s'inquiète pas du risque d'obsolescence des compétences des salariés. La finalité, pas le moyen utilisé. L'entreprise aurait pu prouver qu'elle avait permis une évolution des compétences par d'autres moyens que la formation. En l'occurrence, faute de traçabilité, les juges ne retiennent que les actions de formations suivies. On ne peut que conseiller aux entreprises d'élargir la traçabilité et de faire évoluer leurs plans de formation vers des "plans de professionnalisation" dans lequel n'apparaissent pas uniquement les formations mais également les autres actions mises en oeuvre pour l'évolution des compétences des salariés: polyvalence, tutorat, parrainage, enrichissement des activités, etc.

L'AEF. Quelles sont les limites de la responsabilité de l'employeur en matière de gestion des compétences?

Jean-Pierre Willems. L'article L. 930-1 du Code du travail tel que résultant de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social vise l'obligation d'adaptation au poste et la capacité à occuper un emploi. L'article L. 932-2 auquel il s'est substitué ne portait que sur l'adaptation des salariés au poste de travail et l'évolution de leurs emplois. L'évolution de la terminologie traduit une extension du champ de responsabilité qui est dorénavant double: tant que le salarié est présent dans l'entreprise, la référence est l'emploi occupé. Si l'entreprise envisage la rupture du contrat de travail, la référence est le même type d'emploi sur le marché du travail. À l'employabilité interne en cours de contrat succède l'employabilité externe lorsque le contrat prend fin.

L'AEF. Que recouvre aujourd'hui le "droit de la compétence"?

Jean-Pierre Willems. Il recouvre deux constructions jurisprudentielles: l'obligation d'adaptation telle que consacrée par l'arrêt du 23 octobre 2007 et les conditions posées par les tribunaux en matière d'appréciation de l'insuffisance professionnelle du salarié. De multiples arrêts, depuis 2002 notamment, ne permettent à l'employeur de reprocher un défaut de compétence que s'il est imputable au salarié et ne vient ni d'objectifs hors d'atteinte, ni de la situation du marché ou de l'environnement, ni de carences dans les moyens fournis par l'entreprise, ni d'un défaut d'accompagnement du salarié en matière d'évolution des compétences. Le contrôle est donc à la fois très précis et très rigoureux.

Ces deux constructions sont complétées par deux textes de référence: l'article L. 930-1 du Code du travail, qui rappelle l'obligation individuelle incluse dans chaque contrat de travail de gérer les compétences et l'employabilité des salariés, et l'article L. 320-2 qui impose une négociation triennale en matière de GPEC et de mesures d'accompagnement, dont la formation. C'est un ensemble d'une grande cohérence qui est dorénavant en place et qui a comme conséquence pratique qu'une entreprise ne peut prendre de décision négative concernant l'emploi ou la compétence d'un salarié (qu'il s'agisse d'un licenciement ou d'une moindre rémunération pour performance insuffisante), que si elle a elle-même satisfait à ses obligations.

 

02/03/2008

Ingres et les seniors

Quintessence de son art, condensé d'années de recherche, de milliers de calques et de dizaines de tableaux, chargé d'émotions et d'innovations auxquelles emprunteront maints épigones, dont Picasso n'est pas le moindre, le Bain Turc aura donc inspiré jusqu'aux Demoiselles d'Avignon.

 Ce chef d'oeuvre est également le dernier grand tableau peint par Ingres, à 82 ans, deux ans avant de s'éteindre. Les baigneuses étant là, la mort pouvait bien passer.

 

ME0000028982_3.jpg Quelques dirigeants d'entreprise et DRH pourraient utilement méditer devant ce tableau d'Ingres : si à 82 ans l'homme est capable d'un tel élan de créativité, de puissance picturale, de synthèse de toute une vie et d'une énergie remarquablement maîtrisée, aurait-il été raisonnable de le mettre en préretraite à 55 ans ?

15:24 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ingres

Matisse et la simplicité

Appollinaire parlant de Matisse : "Son art s' est dépouillé et malgré sa  simplicité toujours plus grande , il n' a pas manqué de devenir plus somptueux".
 
Ce que Matisse lui-même exprimait de la manière suivante :  " J'ai atteint une forme décantée jusqu' à l'essentiel et j'ai conservé de l'objet , que je présentais autrefois dans la complexité de son espace , le signe qui suffit et qui est nécessaire à le faire exister dans sa forme propre et pour l'ensemble dans lequel je l'ai conçu".
 
 Que l'on en juge par ce visage de femme et cette feuille de figuier peintes au soir de sa vie : 
 
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Voici résumé le graal pour les responsables ressources humaines : optimiser le couple simplicité/efficacité. Valoriser l'action et son résultat et non agir pour se valoriser. Point n'est besoin de montrer la boîte noire, il suffira que l'action paraisse naturelle et évidente, simple, accessible à tous.  Qu'il ait fallu à Matisse plus de soixante années de travail pour en arriver là, qui s'en soucie ?
 

15:10 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : matisse

Alice et les manipulateurs de symboles

Alice découvre qu'il vaudrait mieux fêter les ananniversaires plutôt que les anniversaires. 364 fêtes plutôt qu'une. Heumpty-Deumpty la fécilite en ces termes : 

 

"Heumpty-Deumpty : Voilà de la gloire pour vous !
-Je ne sais pas ce que vous entendez par gloire, dit Alice ;
-Bien sûr que vous ne le savez pas, puisque je ne vous l’ai pas expliqué. J’entendais par là : voilà pour vous un bel argument sans réplique !
-Mais « gloire » ne signifie pas « bel argument sans réplique » objecta Alice ;
-Lorsque moi j’emploie un mot, il signifie exactement ce qu’il me plaît qu’il signifie…ni plus, ni moins.
-La question est de savoir si vous avez le pouvoir de faire que les mots signifient autre chose que ce qu’ils veulent dire ;
-La question, riposta Heumpty Deumpty est de savoir qui sera le  maître….un point c’est tout."
(Lewis Caroll - Alice au pays des merveilles) 

 

Qui possède la clé du langage dispose de toutes les autres. Depuis la Bible -"au commencement était le Verbe"- jusqu'aux lacaniens -"l'insonscient est structuré comme un langage"- en passant par le magnifique texte d'Heidegger "Acheminement vers la parole", nous ne manquons pas de référence pour reconnaître au langage un pouvoir quasi sans limite.

Ce texte fait écho aux thèses de Robert Reich sur les manipulateurs de symboles, qui sont selon lui les véritables gagnants du passage à l'économie  du savoir (Robert Reich : "L'économie mondialisée"). 

 Peut être qu'avant même la fracture sociale (basée sur les revenus) ou la fracture numérique (basée sur la technique), dans un monde complexe et toujours plus difficile à appréhender dans sa globalité, la véritable fracture est entre ceux qui sont en capacité d'utiliser un langage non exclusivement trivial et ceux pour qui le langage s'arrête à l'utilitaire.

 Quel que soit le domaine d'éducation ou de formation dans lesquels ils interviennent, nul doute que les pédagogues ont l'impérieuse exigence de ne jamais oublier les deux niveaux.

 

Terminons sur une citation radicale de Heidegger : "Aucune chose n'est, ou manque le mot". 

 

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Nietzsche et la pluridisciplinarité

« Notre enseignement accable l’étudiant sous une masse d’informations non reliées entre elles ce qui évite :
-Toute liaison entre les disciplines ;
-De laisser le temps de la réflexion ;
- De laisser le temps de découvrir la culture non-officielle". 
 
Cette phrase est-elle tirée d'un des multiples rapports sur l'Education nationale dont nous sommes si friands ? Non. Ecrite en 1871 par Nietzsche,
elle s'applique à l'enseignement allemand. Rien de nouveau sous le soleil donc, preuve que le diagnostic n'est pas remède.
La culture disciplinaire, au sens de spécialité, a de beaux jours devant elle et si l'industrie a été pionnière en matière de travail en mode projet
associant dès la conception du produit l'ensemble des fonctions (commercialisation, production, bureaux d'études, fabrication, fonctions supports...)
force est de constater qu'un tel mode de fonctionnement demeure très marginal dans nos systèmes d'enseignement. Qui veut faire carrière à
l'Université a plutôt intérêt à continuer le sillon disciplinaire tracé par les mandarins qui adouberont l'impétrant, plutôt que de s'aventurer à travers
champs pour voir si l'herbe y est plus verte.
Le travail collectif n'est pas la culture majoritaire des enseignants. Il est pourtant nécessaire à l'établissement de liens entre les savoirs qui seuls
permettent de traiter des situations qui se présentent rarement à nous par domaine de spécialité.
 
 

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Obligation d'adaptation et obligation de s'adapter

 Dans une décision du 13 février 2008 (Cass. soc., 13 février 2008, n° 06-43.844 F-D), la Cour de cassation rappelle qu'un salarié est mal venu à invoquer un manquement à l'obligation d'adaptation au poste de travail s'il a refusé les formations proposées. 

En l’espèce, la secrétaire qui refuse de suivre une formation informatique parce qu’elle n’en éprouve pas la nécessité est mal venue, une fois licenciée, à plaider le manquement de l’employeur à son obligation d’adaptation.

Le salarié qui refuse une formation prend en fait un double risque : en soi il s'agit d'une faute dès lors que la formation entre bien dans le champ du contrat de travail (compatible avec la qualification du salarié : par exemple la Cour de cassation a récemment validé le licenciement d'une salarié qui refuse sans motif légitime une formation correspondant à ses fonctions - Cass. soc., 5 décembre 2007, n° 06-42-904)  et  ensuite le refus de formation peut, comme en l'espèce faire présumer l'incompétence ou l'incapacité à s'adapter à de nouvelles fonctions.

Le contrat de travail étant un contrat synallagmatique, fait d'obligations réciproques, il est logique qu'à l'obligation d'adaptation de l'entreprise réponde une obligation du salarié de s'adapter. 

 

 

Entretien professionnel et entretien d'évaluation

Selon une enquête réalisée par DEMOS en 2007, deux tiers des entreprises ont fusionné l'entreprise professionnel et l'entretien annuel d'évaluation ou d'appréciation. Un tiers des entreprises ont maintenu deux entretiens distincts souvent parce que le développement professionnel relève de la ligne RH et non des managers.

Lorsque les entretiens sont fusionnés, il convient de ne pas oublier pour autant que les objectifs de ces entretiens sont distincts : l'entretien d'appréciation, ou de performance, porte sur les objectifs à atteindre, sur les moyens à mobiliser (y compris la formation), sur les critères d'appréciation de la performance. L'entretien professionnel porte sur les actions à entreprendre pour faire face aux évolutions prévues de l'emploi ou du salarié. Les objectifs sont donc différents. L'entreprise qui souhaite les articuler doit livrer un double diagnostic au salarié : qu'attend-on de lui dans les mois à venir et quels sont les moyens prévus pour l'accompagner, premier point, et quelles sont les évolutions prévisibles de l'emploi du salarié ou du salarié lui-même jusqu'au prochain entretien. Sur ce point, beaucoup de lacunes constatées : bien souvent les entreprises se contentent de recueillir les souhaits d'évolution des salariés et ne livrent pas leur diagnostic. Or disposer d'un diagnostic prévisionnel sur l'emploi et les compétences est une obligation juridique qui trouve sa source au plan collectif dans les obligations de négociation sur la GPEC dans les entreprises de plus de 300 salariés et dans l'information obligatoire du comité d'entreprise sur la GPEC dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, et au plan individuel dans l'obligation de mettre en place un entretien professionnel (C. Trav, art. L. 934-2). Il est donc indispensable, de la même manière que l'entreprise doit faire un diagnostic sur les risques professionnels avant d'adopter un plan de prévention, que l'entreprise ait un diagnostic sur l'évolution de l'emploi et des salariés avant d'envisager des mesures d'adaptation ou d'accompagnement. 

 Le modèle d'entretien professionnel proposé tient compte de tous ces aspects et permet de sécuriser juridiquement à la fois l'appréciation de la performance et la gestion prévisionnelle des compétences des salariés.

 

ENTRETIEN PROFESSIONNEL.doc

Information DIF en cas de licenciement

L'employeur a l'obligation d'informer le salarié sur les modalités de solde du DIF en cas de licenciement, sauf faute grave ou lourde. Le modèle proposé fait le choix d'annoncer la somme disponible pour financer la formation choisie par le salarié, puisque dans le cadre du licenciement le montant de l'allocation formation est transformé en budget d'achat. Ce choix est motivé par le souci que le salarié soit précisément informé de la limite des engagements de l'entreprise. En effet, annoncer que le salarié peut bénéficier d'(x) heures de formation peut laisser penser que ces heures seront intégralement financées, ce qui n'est pas le cas. Mieux vaut, puisque l'engagement de l'entreprise est un paiement plafonné, être précis sur le montant effectivement disponible. Précisons que l'allocation de formation étant soldé sous forme de prise en charge des coûts pédagogiques, il n'y a ni rémunération ni allocation pour le salarié notamment dans le cas où la formation se déroulerait avant la fin du préavis, ce qui n'est pas une obligation. Au contraire, la loi prévoit une prise de la formation à l'issue du contrat de travail. Enfin rappelons que les OPCA peuvent, s'ils le souhaitent, financer la somme payée à un organisme de formation par l'entreprise au titre du solde du DIF.

Lettre de licenciement et information sur le DIF.doc

01:57 Publié dans SERVEZ-VOUS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dif

29/02/2008

Fiche d'évaluation orientée efficacité

L'évaluation de la formation a longtemps été, voire demeure, une évaluation à chaud mesurant la satisfaction immédiate du consommateur et associant éventuellement un pronostic sur l'utilité possible.

La norme ISO 9000-2000 en imposant de s'intéresser à l'efficacité des actions et non leur qualité a conduit certaines entreprises à travailler plus intensément sur le post-formation notamment en systématisant l'intervention du manager, soit lors de rencontres ad hoc, soit lors de l'entretien annuel lorsqu'il existe.

 Le modèle de fiche d'évaluation mis à votre disposition s'inscrit dans cette recherche d'un dialogue sur les effets plus que sur le produit lui-même. De fait cette évaluation n'est pas construite de manière chronologique mais en fonction des centres d'intérêt principaux de l'entreprise. De ce fait, les résultats viennent en premier, la qualité de l'action n'étant évalué qu'en ce qui concerne son impact sur la performance.

 

FICHE D'EVALUATION.doc

L'initiative ne fait pas le DIF

L'article 930-1 du Code du travail précise que l'accès des salariés à la formation est assuré :
- à l'initiative de l'employeur dans le cadre du plan de formation ;
- à l'initiative du salarié dans le cadre du congé individuel de formation ;
- à l'initiative du salarié avec l'accord de son employeur dans le cadre du DIF.

A priori, les lignes de partage sont claires et cohérentes : à l'employeur le plan, au salarié le CIF, aux deux parties le DIF.

Sauf qu'en réalité ce n'est pas l'initiative qui caractérise le plan, le CIF ou le DIF mais la décision. L'initiative n'est pas une catégorie juridique pertinente. Peu importe qui prend l'initiative, ce qui caractérise une situation juridique c'est qui prend la décision. Si je demande à mon employeur de me licencier et qu'il le fait, il s'agit bien d'un licenciement et non d'une démission. Peu importe quel était mon souhait ou ma demande : c'est l'entreprise qui a pris la décision de le suivre et c'est cette décision qui donne la qualification juridique de l'acte.

Il est bien évident qu'il y a de la place pour l'initiative du salarié dans le cadre du plan de formation : tout salarié peut solliciter l'employeur pour suivre une formation dans le cadre du plan. Idem, a contrario, pour le CIF : une entreprise peut orienter vers le CIF un salarié qui demande à suivre une formation qui n'entre pas dans la politique de l'entreprise. Quant au DIF, constatons que les entreprises dans lesquelles il fonctionne le mieux quantitativement est celle qui ont structuré une offre de formation et ont donc pris l'initiative de faire des propositions aux salariés.

Il est regrettable donc que l'initiative ait été retenue comme une clé d'entrée dans les dispositifs de formation alors que c'est le pouvoir de décision qui constitue le critère de différenciation :
- le plan correspond à une décision de l'employeur ;
- le CIF correspond à une décision du salarié qui pourra, à terme, l'imposer à l'employeur ;
- le DIF nécessite un accord. Peu importe qui a pris l'initiative de la négociation : c'est l'accord des parties qui fait le DIF et le caractérise. Faute d'accord préalable à la formation pour acter que celle-ci s'effectue dans le cadre du DIF, il n'y a pas de DIF.

Le nouveau code du travail, qui sera applicable à compter du 1er mai prochain, tente de rectifier le tir avec une formulation qui relativise nettement la portée du terme initiative. Selon l'article L. 6312-1 :
L'accès des salariés à des actions de formation professionnelle continue est assurée :

- A l'initiative de l'employeur, le cas échéant, dans le cadre d'un plan de formation ;

- A l'initiative du salarié notamment dans le cadre du CIF ;

- A l'initiative du salarié avec l'accord de son employeur dans le cadre du DIF ;

- dans le cdre des périodes de professionnalisation ;

- dans le cadre des contrats de professionnalisation.

 

Les rédacteurs se sont arrêtés à mi-gué, ce qui n'est jamais une position satisfaisante. Manifestement il a été perçu que la notion d'initiative ne faisait pas sens, au moins d'un point de vue juridique. De ce fait, sa portée est relativisée par la formule "le cas échéant" ou l'adverbe "notamment", ce qui marque bien que ce n'est pas l'initiative qui caractérise le dispositif. Mais si le diagnostic a été fait que le terme était porteur de peu de sens, il aurait fallu aller jusqu'au bout de la logique et supprimer toute référence à l'initiative pour venir sur la décision. Le plan demeure de la décision de l'entreprise, le CIF de la décision du salarié (c'est un droit) et le DIF de la négociation. Sur ce dernier point, il aurait été judicieux de véritablement insister sur l'accord et non l'initiative qui laisse penser, à tort, que le DIF ne peut fonctionner que sur activation du salarié alors que tout l'intérêt du dispositf réside dans la négocation qu'elle instaure sur la formation et sa finalité.

 

Développer ses compétences avec Pierre Villepreux

Pierre Villepreux, joueur, entraîneur et théoricien du rugby (Le jeu de mouvement et la disponibilité du joueur, Mémoire INSEP 1987, plus récemment : Envoyez du jeu ! : le management du changement à l'école du rugby avec Vincent Lafon, éd. Village mondial, 2004) a conceptualisé les conditions du développement des compétences du rugbmymen. Ecoutons ce qu'il nous dit :

"Le but, c’est de s’adapter aux contraintes et exigences de la situation en recherchant le résultat le plus efficace possible puisque la réussite dépend, pour le joueur, de ses ressources disponibles et de leurs qualités mais aussi de sa capacité à les mobiliser au moment voulu."

Cette première distinction entre les reccources et la capacité à les mobiliser fait toute la différence entre le capital personnel acquis par l'expérience ou la formation et la compétence, définie comme la capacité à savoir utiliser ces ressources à bon escient. 

 

"L’adaptation pour être efficace doit être active. La lecture du jeu n’est pas une banale prise d’information passive mais bien un moyen pour donner du sens à son action grâce à l’acquisition de repères et indices toujours plus nombreux et précis, conduisant à un référentiel commun à tous. Il s’agit bien donc de former les joueurs à lire le jeu en les plaçant dans des situations problèmes qui soient à la mesure de leur niveau de jeu."

L'action est rarement individuelle. En entreprise elle ne l'est jamais, au rugby non plus. S'il est impossible de modéliser le comportement de 30 acteurs autonomes sur un terrain, il est indispensable de disposer de références collectives. Le plus simple dans ce domaine consiste à élaborer des combinaisons et à les multiplier lors d'entraînements. Nécessaire mais insuffisant. Car le joueur sera toujours confronté en cours de match à des situations qu'il n'aura pu répéter à l'entraînement et qui lui présenteront des configurations inédites de positionnement, de timing, d'options à prendre. Et il faudra faire un choix. Plutôt rapidement d'ailleurs faute de subir la percussion de quelques furieux de 100 kgs avec qui on sera partenaire de comptoir plus tard mais qui sur l'instant ne pensent qu'à vous enfoncer dans la pelouse. L'option la plus pertinente sera celle qui est partagée par les quatorze équipiers qui pourront anticiper sur le choix du joueur, sans que cette anticipation ne soit prévisible par les adversaires. Pour cela il faut à la fois de solides bases communes sur le jeu et les principes de l'équipe, mais aussi une capacité d'innovation partagée afin que le porteur du ballon ne se retrouve pas isolé, et donc condamné à subir quelques châtiments corporels, faute de compréhension de son choix par ses partenaires.

 

"Le joueur doit être mis en situation d’incertitude ,on peut dire d’instabilité qui doit l’amener à fonctionner par prédiction et anticipation donc, à connaître et comprendre de plus en plus finement les mécanismes de jeu dans les situations successives et évolutives."

 Placer les jouers en situation d'instabilité, confrontés à des situations inconnues qu'ils doivent résoudre, est une condition nécessaire de la progression. Les consultants savent bien qu'ils progressent lorsqu'ils acceptent de prendre des missions qu'ils ne maîtrisent pas totalement. Et les étudiants doivent accepter dêtre évalués sur des sujets qu'ils n'ont jamais traité plutôt que sur la répétition de ce qu'ils ont déjà effectué des dizaines de fois. La vie repasse rarement les plats.

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Au-delà des bornes, il n'y a plus de limites


Quand un salarié est-il en hors-temps de travail ?

 

La multiplication des possibilités de formation hors-temps de travail, que ce soit dans le cadre du DIF ou dans le cadre du plan de formation conduit à poser la question des temps disponibles pour réaliser les formations. La doctrine n'est pas unanime sur les temps qui permettent de suivre une formation. A priori on pourrait considérer que tout temps autre que le temps de travail effectif est "hors-temps de travail". Mais si cette définition de bon sens est retenue, quelles solutions adopter pour le suivi d'une formation pendant un repos obligatoire, les congés payés ou d'autres congés, tels que le congé parental, le congé maladie ou le congé maternité. Même si, comme toujours en matière juridique, il appartiendra aux juges de fixer les bornes du temps utilisable, on peut avancer quelques arguments sur les différents temps concernés.
 

Les repos obligatoires : L'entreprise ne peut imposer au salarié de travailler pendant les périodes de repos obligatoire, tant quotidien qu'hebdomadaire. Mais le salarié est libre de l'utilisation de ses temps de repos, qui ne sont pas des temps d'inaction, la seule limite étant constituée par l'article  L. 324-2 du Code du travail qui dispose qu'aucun salarié ne peut effectuer de travaux rémunérés au-delà de la durée maximale du travail, telle qu'elle ressort des lois et règlements (soit 48 heures par semaine).

Toutefois, il faut considérer que la formation suivie en dehors du temps de travail dans le cadre du développement des compétences ou du DIF n'est pas un travail rémunéré. De plus, l'article L. 324-4 prévoit que l'interdiction ne s'applique pas pour certaines activités, notamment les activités d'ordre scientifique, littéraire ou artistique ou encore les concours apportés aux oeuvres d'intérêt général, notamment l'enseignement et l'éducation. Doit-on dès lors considérer que le salarié peut librement se former sur son temps de repos, y compris obligatoire ? les textes inclinent à répondre positivement, toutefois avant d'accepter de telles organisations l'entreprise devra procéder à l'évaluation des risques qu'elle peut entraîner. Par exemple, la responsabilité de l'entreprise pourrait être recherchée si elle négociait le suivi d'une formation en journée pour des salariés postés travaillant la nuit, s'il apparaît que le cumul de ces différentes activités est incompatible avec la protection de la santé du salarié : pas d'impossibilité absolue donc, mais un principe de prévention selon les obligations de l'entreprise en ce domaine. Même si le DIF était demandé par le salarié, par son accord l'entreprise doit veiller à ne pas enfreindre l'obligation de prévention. Par contre, le suivi d'un DIF pendant le week-end à des heures ordinaires de formation ne présentent guère de difficulté de principe.

Les congés payés : Il est possible de se former pendant les congés payés. Si les congés payés sont des repos, le salarié demeure libre de leur utilisation, sous réserve de ne pas se livrer à une activité salariée. Rien n'interdit donc à un salarié de demander à son entreprise de suivre une formation dans le cadre des congés payés, dès lors que cette formation n'est pas assimilée à du travail. Il en est ainsi dans le cadre du développement de compétences pour le plan de formation ou dans le cadre du DIF. Cette solution serait également applicable aux jours de congés conventionnels. Dans un tel cas, le salarié perçoit à la fois l'indemnité de congés payés et l'allocation de formation.

Les autres congés. Il est nécessaire de distinguer deux types de congés :


- les congés sans affectation particulière : ce sont les congés qui n'ont pas de finalité propre, tels que les jours de RTT, les repos compensateurs, le congé sabbatique ou encore le congé sans solde. Ils peuvent librement être utilisés pour le suivi d'une formation en dehors du temps de travail.

- les congés ayant une destination, ou finalité, précise. Par exemple, les congés parentaux, les congés pour évènements familiaux, les congés maladie, les arrêts de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, etc. A priori, ces congés ont une finalité prévue par la loi, qui ne peut être détournée au profit de la formation. Toutefois, dès lors que le salarié remplit les conditions relatives au congé et respecte les obligations qui en résultent, le suivi d'une formation ne peut être totalement exclu. Ainsi, pourquoi interdire à un salarié de bénéficier de cours de langues par téléphone dans le cadre du DIF alors qu'il est en congé maladie, ou encore à un salarié de profiter d'un congé maternité ou paternité pour suivre une formation dès lors que les obligations propres au congé sont respectées ? (respect des heures de présence à domicile par exemple). Ou encore, qu'est-ce qui s'oppose à ce qu'un salarié sur un congé de longue durée avec sorties libres favorise sa reprise d'activité par le suivi d'une formation en dehors du temps de travail ? Relevons par analogie que la sécurité sociale accepte le cumul des indemnités journalières avec les congés payés lorsque la maladie survient en cours de congés. Dès lors, le cumul d'une allocation de formation et des IJ ne doit pas être impossible. Le caractère indemnitaire permet par ailleurs de considérer qu'il ne s'agit pas d'un revenu (l'allocation de formation n'est pas assujettie à la CSG et la CRDS qui visent tous les revenus d'activités) ce qui conforte l'hypothèse d'un cumul possible.

Il faut alors considérer que le hors temps de travail doit s'entendre de toute période dont le salarié a la libre disposition et qu'il choisit d'utiliser, dans le cadre d'un accord avec l'entreprise, pour la formation sans contrevenir à d'autres règles de droit du travail. En d'autres termes, si le cumul d'un congé et d'une formation hors temps de travail ne pose pas de problème de principe, c'est à la condition que ses modalités de mise en oeuvre ne contreviennent à aucune disposition réglementaire.

Le forfait jour et la notion de hors temps de travail Pour les salariés ayant conclu une convention de forfait jours, le temps travaillé est défini en jours ou en demi-journées (C. trav., art.  L. 212-15-3). A priori, le hors temps de travail doit s'entendre des jours ou demi-journées non travaillées. Mais le principe même d'autonomie des salariés conduit à pouvoir considérer que des journées travaillées peuvent comporter une partie de temps qui se trouve en dehors du temps de travail. En effet, le salarié étant autonome et la journée n'ayant pas de durée imposée (sauf si l'accord instituant le forfait jour le prévoit), il est possible de considérer qu'un salarié au forfait peut toujours réserver une partie de sa journée à d'autres activités que le travail, y compris la formation. Refuser cette possibilité, reviendrait à dénier toute autonomie aux salariés au forfait dans l'organisation de leur emploi du temps, or être autonome est la condition même de validité d'une convention de forfait jour. C'est donc à la négociation entre l'employeur et le salarié qu'il reviendra de dire si la formation est suivie en dedans ou en dehors du temps de travail.

 

Comme on peut le constater, la notion de hors-temps de travail est donc très large et favorise l'initiative et la créativité dans la mise en place de projets de formation.