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30/05/2008

Se sécuriser par le danger

Conférence à Bordeaux sur la sécurisation des parcours professionnels. Je redis combien sécurisation me paraît une notion défensive empreinte de crainte et de menace. La nécessité de basculer sur une approche positive du parcours professionnel (voir la chronique "vive l'O.O.P.P) m'apparaît comme une évidence.

 Question d'un participant : "Comment sécurisez-vous votre propre parcours ?". Réponse: "En essayant d'avoir toujours un coup d'avance, et en ayant le souci permanent de me donner les moyens de l'autonomie et de la liberté".

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Man Ray - Dancer/Danger
 
A la réflexion, la réponse aurait pu, et du, être beaucoup plus courte et lapidaire : "je me sécurise en me mettant en danger" et notamment en m'astreignant à faire ce que je ne sais pas faire. Avec le recul, il m'apparaît comme évident que se sécuriser ce n'est pas fuir le danger mais au contraire s'habituer à le traiter. 

 

29/05/2008

Autonomiser

On connaît l'adage : "Si tu veux sauver le miséreux de la famine, ne lui donne pas du poisson, apprends lui à pêcher". Plutôt que de te substituer à autrui, donne lui son autonomie. Telle pourrait être la devise du formateur, qui le conduirait d'ailleurs à ne pas faire d'enseignement magistral mais à organiser des mises en situation qui permettent l'apprentissage progressif de l'autonomie. Car l'autonomie ne peut être que progressivement acquise et ne se décrète pas. Elle ne se transmet pas : elle s'incorpore à l'individu par le développement de sa capacité à agir et à penser son action.

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Picasso - Pêche de nuit à Antibes - 1939
 
Si l'autonomie est un objectif, accepter qu'elle ne se décrète pas c'est renvoyer au rayon des inepties l'adage "qui veut peut". La volonté est une composante de l'action, certainement pas la seule. A une époque ou l'assistance est devenu un mot péjoratif, il faut insister pour affirmer qu'apprendre à pêcher demeure bien évidemment l'objectif et la finalité, mais que pendant l'apprentissage de la pêche, si l'on veut éviter la famine il vaut mieux continuer à donner du poisson. 

 

28/05/2008

Les trois piliers du harcèlement

Comme on le sait, le droit c'est avant tout des qualifications et des définitions. La décision de la Cour de cassation rendu le 8 avril 2008 en matière de harcèlement moral nous fournit l'occasion de le vérifier en identifiant les trois conditions pour que le harcèlement soit caractérisé. En l'occurence, les salariés avaient été victimes d'une mise au placard (retrait d'attributions, rétrogradation, puis privation d'activité avec disparition de l'organigramme), à l'origine d'une dégradation sévère de leurs conditions de travail et d'un syndrome anxio-dépressif. Est donc justifiée, la condamnation pénale de l'auteur des faits (Cass. crim., 8 avril 2008, n° 07-86.872). 
 
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Edvard Munch - Vampire - 1894
 
L'article 1152-1 du Code du travail définit le harcèlement moral comme des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Trois éléments sont donc nécessaires pour que le harcèlement moral soit constitué : des agissements répétés (mise au placard, retrait de missions, etc.), une dégradation des conditions de travail (qui résulte de "l'effacement professionnel" organisé par l'auteur des faits) et un impact sur les droits, la dignité, la santé ou l'avenir professionnel (ici un constat d'une dégradation de l'état de santé).
 
Il convient de rappeler ces trois éléments afin que toute situation de conflit ou de difficulté ou simplement d'exercice de la fonction manageriale ne soit pas trop rapidement assimilée à du harcèlement, ce qui permettra d'autant mieux de sanctionner les situations qui correspondent parfaitement à la définition légale.
 
 
 

27/05/2008

Chronique de la réforme annoncée (III)

En 1975, Charlotte Calmis demande aux femmes du collectif La Spirale d'écrire sur le corps d'une femme qu'elle a dessiné au fusain sur une toile blanche. Ainsi nait une oeuvre collective : plastiquement imparfaite mais pleine de surprises et de l'énergie du groupe.

La troisième chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF sur la réforme de la formation professionnelle est un appel à faire oeuvre collective. Les partenaires sociaux disposent de l'opportunité, dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle, de faire oeuvre collective en utilisant la négociation collective d'une part pour alléger la tutelle de l'Etat sur le système de formation professionnelle et d'autre part pour utiliser pleinement les techniques de la négociation afin de  faire vivre ce système de formation au moyen du dialogue social.

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Charlotte Calmis et le collectif La Spirale – Œuvre collective - 1975

 

Ce n'est qu'en allant jusqu'au bout des logiques de négociation que l'on peut véritablement dynamiser le système de formation professionnelle qui ne peut être piloté par un acteur public car il doit être ancré dans les logiques de relation formation emploi et doit faire l'objet d'une appropriation par les acteurs de terrain.

Negociationcollectiveetformationprofessionnelle-chronique...

 

 

26/05/2008

Vive l'O.O.P.P.

En tant qu'européen de France, selon la formule de Philippe Sollers, on ne peut que se réjouir et se sentir un peu plus européen à la lecture de la définition donnée par la Lituanie à ce qui, dans d'autres pays et au niveau européen s'appelle la flexécurité, la flexicurité, la fléxisécurité ou encore la sécurisation des parcours professionnels. En Lituanie, on parle d'Optimisation des Opportunités Professionnelles et Personnelles (O.O.P.P.).

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Marcel Duchamp - L.H.O.O.Q
 
Il n'est pas anodin que la question des parcours professionnels soit abordée soit sous l'angle défensif, sécuriser, soit sous l'angle offensif, optimiser. Dans le premier cas, l'insécurité rode, menace, l'homme a peur et doit être sécurisé par des assurances, des mécanismes de prises en charge, il doit être rassuré. Dans le second, l'individu aspire à accéder à l'autonomie. Sur la ligne qui va de la sécurité à la liberté, il a placé le curseur plus près de liberté que de sécurité. L'affranchissement et la maîtrise de sa vie constituent ses fins et moyens à la fois.
Si le débat sur les parcours professionnels n'est abordé que du point de vue de la sécurité, et qu'au final il se résume à la question "quels droits en contrepartie d'un licenciement facilité ?", il sera fortement réducteur et binaire. Peut être que s'il était posé de manière dynamique et positive à partir de la question "comment offrir à chacun des opportunités tenant compte de son parcours professionnel et personnel ?" il aurait des chances d'être plus fructueux, plus ouvert, plus riche de potentialités. Alors oui décidément, oubions la sécurisation des parcours et vive l'optimisation des opportunités professionnelles et personnelles.
 

23/05/2008

L'offre raisonnable, c'est fou

Sera présenté lundi 26 mai au Comité Supérieur de l’Emploi le projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi. Dans ce projet, figure la définition de « l’offre raisonnable d’emploi » qu’un demandeur ne pourra refuser deux fois sans être sanctionné.

Voici la définition proposée :

« Après trois mois de chômage, est raisonnable l’offre d’un emploi compatible avec les qualifications du demandeur et rémunérée à au moins 95 % de son salaire antérieur.

Après six mois de chômage le taux est abaissé à 85 % du salaire antérieur et l’emploi doit être situé au plus à 30 km ou une heure maximum en transports en commun du domicile du demandeur » (soit deux heures par jour aller-retour.)

« Après un an de chômage est considérée comme raisonnable l’offre d’un emploi rémunéré à hauteur du revenu de remplacement du demandeur, suivant ces mêmes critères géographiques ».

Il revient à l’ANPE/ASSEDIC dans le cadre du projet personnalisé d’appui à l’emploi (PPAE) qui est établi entre le demandeur d’emploi et le service public de l’emploi, de préciser la nature et les caractéristiques des emplois recherchés en tenant compte de la formation du demandeur d'emploi, de ses qualifications, de son expérience professionnelle, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation du marché du travail local. Ce PPAE précise également la zone géographique privilégiée pour la recherche d'emploi et le niveau de salaire attendu. Ce PPAE est révisé tous les trois mois.

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Jérome Bosch - La nef des fous 

Quatre remarques sur ce texte :

Le projet comporte deux articles : le premier sur l’offre raisonnable d’emploi et le second sur les conditions de radiation. On peut en conclure que seuls les devoirs sont visés et que l’intitulé de la loi n’est pas le bon.

Plus le temps passe et  plus la définition de ce qui est raisonnable s’élargit. En fin de droits, plus de raison ?

Si le temps de trajet n’est mesuré que par rapport aux transports en commun, faut-il exclure tous les lieux non accessibles en transports en commun ? il faut le souhaiter car en véhicule personnel, 1 heure = 60 km, aller-retour = 120 km x 20 jours = 2400 km, soit un coût de carburant de 216 € par mois (véhicule 6CV consommant 6l/100kms avec un prix de l’essence à 1,5 €). Et si l’on prend le barême fiscal, 2400 km représentent un coût total de 840 €. Est-ce vraiment raisonnable ? Et si en plus prendre une activité suppose de faire garder un enfant, on comprend qu’un parent célibataire sera systématiquement en situation de refuser une offre raisonnable d’emploi.

Enfin, relevons que la prise en compte de la situation familiale, lorsqu’elle est effectuée par une entreprise pour prendre une décision de gestion constitue une discrimination. Il est ici demandé à l’ANPE/ASSEDIC de tenir compte de la situation familiale pour décider du périmètre de l’offre raisonnable d’emploi. Il faut en conclure que les principes de respect de la vie personnelle et de discrimination ne sont pas applicables au régime d’assurance chômage que le salarié, rappelons-le, finance par son travail et ses cotisations. L'état d'esprit qui conduit à de telles dispositions procède au mieux du patronage "prenez mon brave ces quelques euros, mais ne les buvez pas" et au pire de la Stasi "nous avons des fiches sur votre situation personnelle". Gérer les parcours professionnels, ce n'est pas gérer les parcours personnels.

Ceux qui vont voter l’offre raisonnable d’emploi  n’ont-ils en fait pas perdu la raison ?

22/05/2008

Quels projets pour les seniors

Elle a installé son chevalet au milieu des touristes. Peu impressionnée par la foule, peut être davantage par la peinture qu'elle a choisi de copier. Un Rubens. Il y a deux ans, elle ne savait pas dessiner. Aujourd'hui sa palette prend les teintes rouges des chairs rubinesques. La reproduction prend forme. Mais écoutons la copiste :

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Photo : Jean Barack - Le peintre et son modèle 
 
"A soixante ans j'ai pris ma retraite. Dès le lendemain, je me suis installée dans les allées du Louvre et j'ai commencé à dessiner les tableaux, puis à peindre. Je n'avais jamais dessiné ni peins. Je me suis dit que j'avais 20 ans devant moi pour faire des projets. Le mien est de parvenir au terme de ces 20 ans à savoir ce qu'un peintre a présent à l'esprit lorsqu'il peint".
 
C'est le triste bilan du plan senior publié ces jours-ci qui m'a rappelé cette anecdote. Annoncé en 2006, ce plan d'emploi prévoyait de faire passer le taux d'emploi des seniors de 37 % à 50 % en 2010. A mi-parcours, le taux est passé à ....38 %. Parallèlement, l'enquête de l'ANDRH sur les pratiques des entreprises  en matière de gestion des seniors montre qu'une entreprise sur deux...n'a pas de projets. Manifestement il y a des seniors qui eux ont des projets. Le désamour entre l'entreprise et les seniors est patent. Peut être faut-il, d'une part, s'en occuper, et ensuite identifier ce que pourraient être des projets partagés. L'innovation et la créativité ont leur place en ressources humaines. 

21/05/2008

La RH par petites touches

Le peintre pose ses touches une à une. Sont-elles déjà toutes présentes dans son esprit ? le mouvement a-t-il ses lois ? la vision initiale est-elle complète ? le tableau est-il peint avant d'exister, simple traduction ? difficile de se placer dans l'esprit du peintre. Mais on peut observer le tableau et constater que la vision n'est pas la même selon la distance. Si je m'approche, les touches de Monet me paraissent imparfaites, désordonnées, non maîtrisées, hasardeuses, sans technique, bref je n'y retrouve pas Monet et pas plus une oeuvre.

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Monet - Jardin aux iris (détail) - 1900
 
 

 Si je prends de la distance, le tableau retrouve son sens, la lumière prend sa cohérence, le flou devient net, l'ensemble est autre chose que chacune de ses parties. La somme de touches imparfaites conduit au tableau parfait. 

Procéder par petites touches nécessité patience, technique, rigueur, minutie et surtout vision d'ensemble qui seule permettra de donner du sens à ce qui ne paraît guère en avoir lors de la réalisation.

L'action en ressources humaines gagne souvent en efficacité quand elle procède ainsi par touches successives, dépourvues d'effet par elles-mêmes, peu spectaculaires mais qui finiront par faire sens toutes ensembles...dès lors que la vision initiale ne faisait pas défaut et que l'agencement est maîtrisé. Une autre ilustration du penser global, agir local.

20/05/2008

Toyotisme à la française

Dans un réflexe quasi-pavlovien nos dirigeants politiques, soudain épris d'internationalisme et quelle que soit leur étiquette, regardent par dessus les frontières en expliquant : "il suffit de regarder ailleurs ce qui marche, et de ne prendre que le meilleur". L'argument est également invoqué a contrario ces jours-ci : "nous sommes les seuls à pratiquer les 35 heures, donc c'est forcément mauvais".

Cette méthode comparative trouve rapidement sa limite en ce qu'elle nie le caractère systémique de nos systèmes sociaux : ce n'est pas en mettant une boîte de vitesse de formule 1 sur une voiture de série qu'on la fait rouler plus vite, au contraire son équilibre risque de s'en trouver perturbé.

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Stephane Couturier - Série Melting Point. Usine Toyota n° 5 - 2005
 
  C'est ce que nous explique Sébastien Lechevalier, dans un article paru le 22 avril dernier dans Le Monde à propos du lien entre Toyotisme et suicide au travail. Selon lui, ce n'est pas le toyotisme et l'implication plus forte dans le travail qu'elle génère qui serait la cause de la dégradation de conditions de travail, mais plutôt une transposition imparfaite parceque parcellaire. Il est bon de se rappeler que les organisations du travail s'insèrent dans des cultures et rapport au travail qui, si elles peuvent bien évidemment évoluer, n'en sont pas moins profondément ancrées dans nos comportements.
 
 
 

 

19/05/2008

L'art de penser

 Maurice Cohen est docteur en physique et en mathématiques, spécialiste de l'intelligence artificielle. Il est l’auteur de plus de 250 publications scientifiques et a résolu plusieurs problèmes mathématiques considérés comme « impossibles », telle l’équation de Poincaré. Il est également peintre.

Il procède de la même démarche créatrice pour résoudre une équation mathématique et réaliser une toile :

"Si l’on n’est pas philosophe, un peu poète, on ne peut pas aller très loin dans le domaine de l’intelligence artificielle. Le monde est non linéaire et les plus grands problèmes ne peuvent être résolus par un système cartésien. L’art nous force presque à penser hors de cette logique cartésienne. C’est après trois semaines de peinture intensive que j’ai résolu le problème de Poincaré qui date du XIXe siècle."

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Maurice Cohen - Parade nocturne
 
Le travail de Maurice Cohen nous invite à deux questions. L'une spécifique à son activité : qu'est-ce qu'un chercheur et comment s'effectue un travail de recherche ? avec de la technique, de la méthode, de la discipline et de la créativité. Si l'on veut décrire les compétences du chercheur, les trois premiers points ne poseront pas, trop, de problème. Le quatrième est moins évident. Il nous fournit pourtant une des clés : la créativité c'est la capacité à faire des liens qui n'ont jamais été faits et à disposer d'un état d'esprit suffisamment libre. La deuxième question est plus générale : que nous apporte l'art ? Christian de Portzamparc, l'architecte de la cité de la Musique de Paris et de l'immeuble Vuitton de New-York disait : "Lorsque je lisais de la poésie, de la littérature, lorsque je m’intéressais à la psychanalyse, à la peinture, à la sculpture, je n’ai jamais considéré que je m’éloignais de mon métier". Considérons donc, et c'est l'objet de ce blog, que l'art ce n'est pas seulement de l'émotion mais un moyen de penser un peu au-delà de notre pensée habituelle.

 

16/05/2008

Egalité, diversité, féminité

Au fond le drapeau national. A l'arrière plan, les machoires serrées des militaires, le regard droit vers le ciel. Devant, la ministre espagnole de la Défense, Carme Chacon. La tenue est adaptée à la grossesse de sept mois. L'air nonchalant n'entame pas la portée du regard, l'allure ne dénote pas avec la fonction mais uniquement avec sa conception dépassée et nombre de stéréotypes.

 

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A l'heure où les entreprises s'interrogent sur les moyens de promouvoir la diversité et de parvenir à l'égalité professionnelle, une partie de la réponse au moins paraît simple : systématiser l'emploi de femmes là où on est pas habitués à les voir et arrêter les recrutements de femmes sur les six métiers qui occupent 60 % d'entre elles (employées d’entreprise et de la fonction publique, services aux particuliers et aux entreprises, ouvrières non qualifiées de l’industrie, institutrices, professions de santé, activités sociales). Et trouver normales les absences pour congé maternité. Carme Chacon s'apprête d'ailleurs à prendre le sien.

 

15/05/2008

Valoriser l'action et non agir pour se valoriser

Le dos s'allonge infiniment, la réalité de le beauté est renforcée par son irréalité. L'Odalisque ne nous tourne pas le dos, elle nous le montre sans ostentation, sans provocation, avec un naturel qui n'a d'égal que le surnaturel de la chute de reins. Montrer sans faire voir. Tout le génie d'Ingres. Laissons lui la parole :"La touche, si habile qu'elle soit, ne doit pas être apparente : sinon elle empêche l'illusion et immobilise tout. Au lieu de l'objet représenté elle fait voir le procédé, au lieu de la pensée elle dénonce la main ».

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Ingres - La Grande Odalisque - 1804

 

L'action en ressources humaines doit avoir le souci de ne pas mettre en avant le procédé, ou le processus, mais le résultat, pas le moyen, mais la fin, pas le chemin, mais le port. Les outils doivent s'effacer au profit de la finalité et le responsable ressources humaines au profit des autres acteurs. En formation, par exemple, l'action de formation s'effacera derrière l'objectif recherché, comme pour l'évaluation de la performance, le support d'entretien s'effacera devant le contenu du dialogue. Agir sans laisser de trace et en ayant la volonté de ne pas en laisser : voilà l'exigence d'Ingres pour parvenir à la réalisation de l'oeuvre. Dernier des classiques et premier des modernes, Ingres mérite que l'on porte attention à ses leçons. 

14/05/2008

Ne pas former tue

 La protection de la santé des salariés fait l'objet d'une sévérité accrue de la part des tribunaux, notamment depuis 2002 et la réforme de la législation relative à la santé au travail. 

La responsabilité de l'entreprise  peut être engagée, en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle,  soit au plan civil soit au plan pénal notamment lorsque l'accident est grave a fortiori lorsqu'il est mortel.

 

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 La cour de cassation, dans un arrêt en date du 15 janvier 2008 rappelle la responsabilité de l'employeur en ces termes : 

"La cour d'appel qui relève notamment, au titre des manquements à l'origine de l'accident, que la notice d'utilisation que la prévenue reconnaissait avoir eu en sa possession soulignait la nécessité impérieuse, pour le conducteur de la nacelle, d'une formation à la sécurité spécifique à ce type de matériel, et que la victime de l'accident n'avait pas bénéficié de la formation qui lui aurait permis de se rendre compte du péril qu'il y avait à déplacer la nacelle en tournant le dos au sens de marche de l'engin, comme elle l'avait fait, et à remplacer « au pied levé », avec l'autorisation de son employeur, le salarié devant lui apporter, aide et assistance par un parent, intérimaire électricien, dont le concours avait été inadapté, a justifié sa décision (condamnation pour homicide involontaire)." (Cass. crim., 15 janvier 2008, n° 07-80.500).

Si la formation n'est pas le seul moyen de prévention des risques, elle en constitue un des moyens privilégiés. Rappelons qu'une partie des activités de formation de l'entreprise doit constituer une réponse au diagnostic en matière de santé qu'est le document unique d'évaluation des risques professionnels. A défaut, la responsabilité de l'entreprise en cas d'accident sera quasi-systématiquement retenue. 

13/05/2008

Dernier jugement avant réforme

Depuis presqu'un an, un flot de productions vient nous dépeindre le champ de la formation professionnelle : les sénateurs, le comité d'orientation sur l'emploi, l'IGAS, le comité d'analyse stratégique, Attali bien évidemment dans son programme présidentiel d'après l'élection...autant d'avis autorisés sur le fonctionnement, mais surtout les dysfonctionnements du secteur de la formation professionnelle.

Les partenaires sociaux ne pouvaient être absents de cette vague évaluative. Ils ont donc conduit, avec les cabinets Barthélémy et Jean-Marie Luttringer, qui ont bien voulu m'associer à leur travail sur la partie Professionnalisation et Parcours, ainsi qu'avec Ambroise Bouteille et KPMG, une évaluation de l'accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003.

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Jérome Bosch - Le jugement dernier (détail) - 1504
Cette évaluation dément bien des idées reçues : elle démontre notamment que la formation se développe à un rythme soutenu, que la réforme de 2003-2004 est en cours d'appropriation et que s'il faut faire évoluer le dispositif, ce n'est pas d'une réforme nouvelle dont il a besoin mais d'un approfondissement de la réforme initiée il y a 5 ans. En matière sociale, comme dans d'autres domaines, c'est la réforme permanente qui est le plus sur moyen de ne rien changer.
 
En document joint, la synthès de l'évaluation réalisée par les partenaires sociaux.

 

12/05/2008

Vanités et responsabilité

Le 16ème siècle aimait les vanités, ces tableaux dans lesquels quelques symboles du temps qui passe, sablier, crâne, fleurs se fânant, etc, rappellent à l’homme, souvent d’ailleurs aux puissants, l’inexorable de leur condition. Sic transit gloria mundi. Voir dans les vanités une culpabilisation judéo-chrétienne serait un contresens absolu. Plutôt un rappel à l’humilité ou la revanche de la science sur la foi. Coleridge : « Je m’étais à peu près fait à l’idée de n’être qu’une apparition ». On notera que les vanités ont surtout trouvé leur source dans la peinture flamande, davantage empreinte d’austérité protestante que du dolorisme chrétien.

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Jan Sanders Van Hemessen - Vanité - vers 1535-1540
 

Serait également un contresens la traduction de la vanité comme un relativisme absolu : l’homme n’étant qu’un instant entre deux néants, qu’importent ses actes quotidiens.

Nous pouvons plutôt voir dans la vanité une liberté et une responsabilité, les deux allant toujours de pair : liberté car la fin n’est pas en jeu, elle est connue. Responsabilité, par respect pour la condition humaine. Certains ont développé la thèse que ce sont ces valeurs qui ont fondé le capitalisme rhénan (Max Weber notamment).

La vanité ne peut être notre accompagnatrice quotidienne mais elle  ne doit pas pour autant disparaître de notre horizon. Dans le domaine des ressources humaines, elle nous rappelle que la prise de décision ne peut être simplement ramenée à sa nature contractuelle, à l’échange économique lié au contrat de travail. Elle peut engager l’individu au-delà, comme nous le démontrent les suicides au travail. Comme les vanités, ces actes ne peuvent guider notre action quotidienne, ils demeurent des actes d’exception,  et ne doivent générer ni culpabilité inutile ni  être renvoyés trop rapidement au domaine de l’intime. lls doivent nous rappeler notre liberté et notre responsabilité au sein des organisations.

 

 

09/05/2008

Le chef d'entreprise, le gestionnaire paie et l'ingénieur

Le chef d’entreprise est en colère. Des erreurs dans la paie lui ont été signalées par des salariés alors qu’il avait investi dans un outil de gestion de la paie et il doit ajouter  le coût du consultant qui vient rechercher les causes du mal…bref, du temps, de l’énergie et de l’argent pour rien.

Pour rien ? c’est l’objet de la discussion avec le consultant. L’emploi du gestionnaire paie est manifestement sous-dimensionné. Peu qualifiée et peu rémunérée, la personne qui gère la paie est dépassée et démotivée. Le consultant explique au chef d’entreprise que l’emploi doit être revalorisé et le profil revu. Cette préconisation n’améliore pas l’humeur du chef d’entreprise. D’où le dialogue qui suit :

« - je ne peux pas mettre plus de moyens sur un poste improductif. Je préfère augmenter mes gars sur les chantiers qui font tourner la boutique et dont je vends le travail ;

- que représente la masse salariale dans votre entreprise ?

- 60 % des charges de fonctionnement, qui se montent à quatre millions d’euros ;

- lorsque vous devez faire un devis qui dépasse 150 000 €, vous imposez que deux ingénieurs y travaillent, est-ce que vous trouvez cohérent de payer à peine plus que le SMIC quelqu’un qui gère 2,4 millions d’euros de dépenses ?

- vu comme cela, je pourrai y réfléchir, mais en gérant la paie, il ne me rapporte rien ;

- la satisfaction et la confiance des salariés sur la paie, la garantie que toutes les dépenses sont justifiées, l’absence de contentieux et de risque URSSAF, l’optimisation de la gestion des sommes exonérées socialement et fiscalement, la capacité à vous conseiller sur les moyens de distribuer le plus de revenu disponible à moindre coût, la veille réglementaire et votre tranquillité d’esprit qui vous permet de vous consacrer à votre métier …ce n’est pas rien, et si ce l’était, supprimez le poste ;

- …peut être que je vais y réfléchir ».

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Balthus - Le peintre et son modèle
 
Quelle est la part du modèle dans la production du tableau ? 

 

07/05/2008

De la meilleure manière de travailler

« Plutôt que de dresser un modèle qui serve de norme à son action, le sage chinois est porté à concentrer son attention sur le cours des choses pour en déceler la cohérence et profiter de leur évolution..bref, au lieu d’imposer son plan au monde, il s’appuie sur le potentiel de la situation »

La citation est de François Jullien, extraite du Traité de l’efficacité.

S’agit-il d’un énième conflit entre le réaliste et l’idéaliste ? entre le pragmatique et l’idéologue ? pas vraiment. Il s’agit plutôt d’une question de méthode, les objectifs pouvant être identiques. 

D’un côté, le modèle dont sont issus le Concorde, le char Leclerc ou le Rafale. Sur le papier des produits sans équivalents techniques, à l’arrivée trois bides commerciaux absolus. Au départ, l’idée que si le produit est idéal, son succès est assuré. La preuve est faite que non. Soyons juste, ce même raisonnement a également produit le TGV ou l’A380.

D’autre part, l’adaptation permanente à la demande : le modèle Benetton. Zéro stock, une flexibilité absolue de la production, des capacités de réaction rapides, le suivi de la demande au jour le jour.

 

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Zao Wou-ki - 1968 

 

Dans un autre domaine, la qualité, on pourrait également opposer la qualité issue des bureaux d’études qui fixent des processus qu’il faut impérativement respecter, héritage de Taylor et de l’approche scientifique du travail avec son « one best way », et cette autre manière de faire qui part du terrain, des boîtes à idées, des cercles qualités ou réunions d’équipes qui, par capillarité, conduisent à une progression générale par « petits pas ». Deux manières de faire que l’on pourrait peut être essayer de concilier plutôt que de les opposer. Car contrairement à ce que défend François Jullien, la Chine n'est pas notre miroir opposé que la mondialisation nous permet de découvrir : Alexandre le Grand et Marco Polo vivaient déjà à l'heure de la mondialisation et le dialogue des cultures n'a jamais vraiment cessé.

06/05/2008

Les managers français ont mauvaise presse

 C’est dans le numéro du mois de mai de Liaisons Sociales magazine (voir l'article en pièce jointe ci-dessous) : plusieurs enquêtes témoignent d’un désaveu de la culture manageriale à la française. Trop éloigné du terrain, peu enclin à la remise en cause car définitivement légitimé par sa position hiérarchique, son diplôme ou son salaire, peu rompu au travail de groupe, peu partageur d’une information qu’il considère comme une des clés de son pouvoir, pas vraiment support de ses collaborateurs…le manager français paraît empêtré dans un ensemble de lacunes rédhibitoire. On pourrait se demander si les travaux qui conduisent à ces conclusions ne sont pas excessivement négatifs et quelque peu caricaturaux.
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Max Ernst - Ubu Imperator - 1923

On ne peut toutefois s’empêcher de les mettre en relation avec une étude conduite il y a quelques années qui indiquait qu’en France 75 % des dirigeants des 200 entreprises les plus importantes sont issus des grandes écoles (Polytechnique, Mines, HEC, ENA…). En Allemagne, 75 % des dirigeants des 200 entreprises les plus importantes sont issus de la promotion interne. On conviendra que le mode de management ne peut être tout à fait le même.

Les gros défauts du management à la française.doc

05/05/2008

Les illusions du budget formation

 

S’il fallait encore démontrer que l’approche fiscale de la formation n’apporte aucune valeur ajoutée, cinq exemples pourraient l’illustrer du point de vue de la gestion budgétaire :

Un DRH s’alarme de l’inflation des dépenses formations depuis 2005 : plus 20 % en moyenne sur les trois dernières années par rapport aux années précédents, cela fait beaucoup. En fait, l’entreprise n’a rien changé à ses pratiques mais elle comptabilise désormais les actions d’adaptation au poste de travail qui n’étaient pas imputables jusqu’en 2004 ;

Le responsable formation doit réduire ses dépenses de formation. Il décide d’arrêter les formations internes avec des groupes importants et organise des intras, moins nombreux, avec des groupes plus réduits. Son budget se réduit en volume de salaire, par contre il progresse en achat de formation. Au total, les dépenses déclarées ont baissé, mais en fait les charges supplémentaires liées à la formation, les achats, ont augmenté.

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Mark kostabi - Use your illusion - 1990 - D'après Raphaël

Un responsable formation verse 100 000 € à son OPCA. Celui-ci paie directement aux organismes de formation pour 150 000 € de formation. L’entreprise peut déclarer sa dépense : 100 000 € versés à l’OPCA. Si le même responsable formation avait acheté pour 150 000 €, totalement remboursés par l’OPCA, il n’aurait rien pu déclarer. Le versement à l’OPCA est une dépense en soi qui peut être déclarée quels que soient les remboursements de l’OPCA, alors que l’achat de formation n’est une dépense que si elle reste à la charge de l’entreprise.

Une entreprise organise une formation qui coûte 1 000 € + 1 000 € de salaire chargé + 200 € de frais de déplacement. L’année suivante elle refait la même formation mais hors-temps de travail. Les dépenses passent à 1 000 € de coût pédagogique + 200 € de frais + 250 € d’allocation formation (qui remplace le salaire). La dépense déductible n’est plus de 2200 € mais de 1450 €. Alors qu’en fait les dépenses réelles (en flux ou trésorerie) ont augmenté passant de 1200 € à 1450 €. La différence vient du fait que les salaires peuvent être déclarés alors qu’ils sont en tout état de cause payés qu’il y ait formation ou non.

Une entreprise organise une formation et remplace les salariés pendant la formation. Le coût des remplaçants n’apparaît pas dans les dépenses formation de l’entreprise. Pourtant il s’agit d’un coût supplémentaire important.

Conclusion : la déclaration fiscale ne permet pas de gérer le budget réel et les statistiques qui en sont issues ne nous apprennent rien sur les véritables dépenses de formation des entreprises. Une raison supplémentaire de supprimer l'obligation fiscale.

En matière de formation, il est conseillé de disposer de trois budgets :

  • Un budget d’achat qui recense l’intégralité des dépenses supplémentaires générées par la formation pour leur montant réel (coûts pédagogiques, allocation formation, frais de déplacement pour leur montant réel, coûts de remplacement) ;

  • Un budget temps (exprimé en heures ou en jours) qui fixe le temps pendant lequel les salariés peuvent être absents de leur poste de travail pour les besoins de la formation. Pour l’absence, la bonne unité de compte n’est en effet pas l’euro mais le temps ;

  • Un budget de recettes qui met en face des dépenses les sommes que l’entreprise obtient, directement ou non, de la part de l’OPCA ou de toute autre structure qui peut financer les coûts de formation (Etat, conseil régional, autre collectivité, ASSEDIC, AGEFIPH, etc.). De manière surprenante, beaucoup d’entreprises n’ont pas de vision claire du ratio contribution/rétribution vis-à-vis de leur OPCA.

 

En ces temps de déclaration fiscale, ne perdez pas votre temps à du travail inutile : compiler des dépenses fiscales qui ne disent rien de la situation réelle de l’entreprise. Déclarez un peu plus que votre obligation légale puis consacrez votre énergie à une vraie gestion budgétaire.

 

02/05/2008

Comment faire du droit ?

 Pour illustrer la chronique du jour, un cavalier bleu, qui traverse la campagne au galop. La lumière semble matinale : a-t-il aperçu de nouveaux horizons, de nouveaux chemins qui justifient la cavalcade ?

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Kandinsky - Le cavalier bleu - 1903  
 

Laissons un instant le cavalier à sa course et poursuivons la chronique du jour. Le nouveau Code du travail est donc arrivé. Mais pour pouvoir l'utiliser il faut faire du droit. Comme toute discipline le droit a ses méthodes, ou plutôt sa méthode puisqu'il n'y a qu'une seule manière de faire du droit. Cette méthode tient en quatre étapes :

- l'analyse des faits ;

Et non, faire du droit ce n'est pas se précipiter dans les textes pour chercher où peut bien se trouver la réponse à la question que l'on se pose. C'est d'abord répondre à la question : de quoi s'agit-il ? quels sont les faits caractéristiques de la situation que l'on souhaite traiter. A quoi peut se réduire la situation ? on l'aura compris, il s'agit d'analyser, de synthétiser et de caractériser. S'agissant de droit ou privilégiera les faits matériellement incontestables.

- la qualification ;

Opération de base du travail juridique. Le droit ne connaît pas la réalité et il ne l'appréhende qu'à travers des catégories ou qualifications dans lesquelles il est nécessaire de faire entrer les situations. Par exemple : pour rompre un contrat de travail pourra utiliser le licenciement, la démission, la rupture négociée, la mise à la retraite, etc. Pour faire évoluer la situation du salarié, deux qualifications possibles seulement : la modification du contrat ou la modification des conditions de travail. Etc. Toute situation entre nécessairement dans une qualification : il faut s'y faire le droit à réponse à tout. La preuve en est qu'aucun juge prud'homal ne refusera de juger en expliquant qu'aucun texte ne correspond à la situation. Si c'est le cas, il trouvera la qualification adéquate. Par exemple : pas d'internet dans les règles sociales ? on applique le droit de la correspondance privée. Le vide juridique, contrairement aux idées reçus, n'existe pas.

Pour cette deuxième étape de la méthode juridique, trois questions : quelles sont les qualifications possibles (ici il s'agit d'identifier leur liste exhaustive), à quoi correspond chaque qualification (qu'est-ce que c'est ?), quels en sont les indicateurs opérationnels (à quoi on la reconnaît ?). Par exemple : qu'est-ce que la modification du contrat de travail, à quoi la reconnaît-on ? ce qui permet ensuite de savoir si la situation de départ peut ou non entrer dans la qualification.

- le choix de la qualification ;

Ce choix peut avoir une double nature : il peut s'agir de choisir entre deux qualification qui pourraient toutes deux s'appliquer. Par exemple un salarié qui quitte l'entreprise pour prendre un emploi ailleurs sans prévenir l'employeur est à la fois démissionnaire et auteur d'une faute qui justifie un licenciement. Que vaut-il mieux ? prendre acte de la démission ou licencier pour faute grave ? le choix n'est pas qu'une affaire juridique. Il s'agit de peser, à tous points de vue, les avantages et inconvénients que l'on tirera de la situation. La seconde nature du choix est que la balance avantage/inconvénient peut parfois faire préférer la solution la moins assurée juridiquement, voire la solution qui n'est pas conforme au plan juridique mais qui va offrir plus d'intérêts que de désagréments pour des risques que l'on estime non rédhibitoires. Le droit n'est pas une science exacte qui conduit vers la bonne réponse : c'est une champ de liberté, et donc de responsabilité, qui exige de faire des choix.

- l'application de la règle correspondant à la situation ;

Cette dernière étape pourrait sembler la plus aisée. Il n'en est rien. Le droit étant de la littérature, la lecture de la règle, son interprétation et sa mise en oeuvre peuvent laisser place à des incertitudes que seul le juge est à même de lever. Faisons un raccourci : en droit du travail l'employeur a toujours raison dans sa manière d'appliquer la règle...jusqu'à ce qu'un juge lui dise qu'il a tort. Et si l'on prend la précaution de s'inquiéter de la position du juge par une analyse minutieuse de la jurisprudence, la faculté de celle-ci à opérer des revirements inattendus ne nous permettra pas de nous sécuriser à 100 %. Acceptons le, le droit ne nous offre que rarement des garanties totales en cas ce contentieux. Et le juge ne jugeant que des cas particuliers, le revirement ne lui posera guère de problème de conscience.

En conclusion nous constatons : que le droit a réponse à tout mais que l'on n'est sur de rien en choisissant une manière d'interpréter et d'appliquer les textes. Mais qu'il n'y aura que le juge pour dire, au final, si l'on avait tort ou raison.

Tout juriste doit respecter les quatre étapes ci-dessus pour garantir son raisonnement. Tout non juriste prendra soin de questionner l'expert sur cette base. Ne jamais demander : que dois-je faire ? mais toujours aller jusqu'aux 4 questions : comment caractériser la situation ? quelles qualifications envisageables ? quelle qualification conseillée et pourquoi ? quelle règle à appliquer avec quels risques d'interprétation différente en cas de contentieux ?

 Une fois la méthode acquise revenons au cavalier bleu de kandinsky : ce dernier était juriste. Il a donc du appliquer la méthode juridique  à de nombreuses reprises. En conclueriez-vous que, tel le cavalier bleu apercevant des horizons nouveaux, Kandinsky s'est détourné de sa carrière juridique pour emprunter les chemins de l'abstraction en peinture ? ou plutôt qu'il est possible de retrouver des éléments de la méthode dans le tableau ci-desous et que Kandinsky n'a pas totalement oublié sa culture de base  ?

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Kandinsky - Jaune rouge bleu - 1925 
 
Si l'on peut penser que dans ce tableau le soleil à rendez-vous avec la lune, il est aussi permis d'y voir avec la même rigueur que la méthode juridique, la démonstration que la peinture a réponse à tout, qu'elle peut être interprété de multiples manières et que le peintre a toujours raison...jusqu'à ce qu'un exégète lui démontre ce que lui même n'avait pas vu. Comme pour le droit, le risque est toujours présent.