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03/10/2014

Mal armée

La décision prise par la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) le 2 octobre nous amène à nous replonger dans le Code de la Défense où l'on peut lire ceci : "Les militaires jouissent de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens. Toutefois, l'exercice de certains d'entre eux est soit interdit, soit restreint". Magnifique enchaînement dialectique : vous jouissez de tous les droits mais pas de tous. Avouons-le, la contradiction n'était pas tenable. C'est ce qu'ont relevé les juges européens en considérant que la France ne pouvait purement et simplement interdire toute activité syndicale à un militaire. 

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Membres du syndicat créé par F.H Fajardie au sein de l'armée chinoise

La disposition censurée par les juges est la suivante : "L'existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical ainsi que l'adhésion des militaires en activité de service à des groupements professionnels sont incompatibles avec les règles de la discipline militaire.". Cette discipline n'étant pas explicite, on aurait tout de même aimé savoir quelle règle disciplinaire imposait qu'un collectif ne puisse défendre ses intérêts, on comprend aisément que dans la grande muette, il s'agit surtout de la fermer. Et bien les juges viennent de l'ouvrir. 

24/11/2010

Oui, mais elle est toulousaine

France Moulin est cette avocate qui a été condamnée dans le cadre de l'application de la loi Perben qui interdit la révélation d'information à des personnes susceptibles d'être mises en examen. Objet de polémiques, cette loi a été modifiée depuis. Mais le combat de l'avocate s'est porté sur un autre terrain, celui de la garantie des droits fondamentaux. Contestant le rôle joué par le Procureur de la République dans cette affaire, elle vient de faire juger par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) de Strasbourg que le Procureur, du fait de son lien hiérarchique avec l'exécutif, n'était pas une autorité judiciaire. La décision embarasse le Gouvernement, qui doit aujourd'hui soit retirer de multiples compétences aux Procureurs, soit couper le cordon ombilical entre le pouvoir et la justice. Et oui, les toulousaines aiment l'indépendance.

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Miss Van

La déclaration des droits de l'homme proclame en son article 16 que qui n'a pas de séparation des pouvoirs n'a pas de constitution. Pour Montesquieu, accueillons ici l'appui bordelais à la lutte permanente contre le pouvoir central, la séparation des pouvoirs était le gage de la liberté : sans séparation des pouvoirs, point de liberté.

La France connaît depuis l'élection du Président de la République au suffrage universel, et plus encore depuis le quinquennat qui met la majorité parlementaire dans la main du Président, une séparation relative des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif. Et les nominations judiciaires par le Président de la République maintiennent le lien entre l'exécutif et le judiciaire. Du reste, l'on sait que les parlementaires sont des godillots et les juges des petits pois (sont l'expression de l'actuel Président). Il serait nécessaire de s'en émouvoir, notamment en dénonçant le paradoxe de ceux qui brocardent l'assistanat tout en nous demandant de nous en remettre à un seul. S'il ne veut pas d'assistanat, que le pouvoir se replie et que la liberté se diffuse. A croire que la liberté et la démocratie sont acquises, on finit par s'endormir, heureusement qu'il y a des toulousaines pour nous réveiller  !

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Miss Van

Pour qui souhaite plus de détails, l'analyse de l'arrêt de la CEDH par le CREDOF

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19/04/2010

Justice, Vérité, Liberté

Enchâssées dans la façade de l'Abbaye de Westminster, les deux statues ne peuvent échapper au regard. Côte à côte, la Vérité et la Justice. La première a la chevelure flamboyante, le regard droit, le geste souple mais ferme. Elle est LA Vérité.  La seconde est plus humble, regard baissé plutôt que justice aveugle, gestes davantage retenus, cheveux tombant plutôt que s'affichant en défi. La justice connaît ses limites. Elle sait qu'il existe une vérité judiciaire mais qu'elle n'est pas la vérité. La vérité judiciaire est contingente, elle voudrait parfois paraître telle sa belle voisine, mais elle doit s'en tenir à rapprocher les faits du droit et à qualifier au regard des lois qu'on lui fournit. Bien sur la tentation est parfois trop forte et l'oeuvre prétorienne trop nécessaire pour qu'il soit possible de lui résister. Mais tout ceci n'est qu'exception et le juge ne peut se départir, au quotidien, de son rôle de serviteur de la loi.

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Abbaye de Westminster - Truth and Justice

Mais la loi elle-même ne peut prétendre à LA Vérité et il arrive que le juge soit amené à la contester. Je n'imaginai pas prendre un risque particulier en photographiant l'Abbaye de Westminster. Le Terrorisme Act, article 44, permet pourtant à un policeman de considérer tout photographe comme un terroriste potentiel en mission de reconnaissance hostile. Des affiches invitent même les passants à dénoncer toute personne photographiant de manière suspecte. La Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH, 12 janvier 2010, Gillan et Quinton c/Royaume-Uni) a condamné la pratique du Stop and Search, surnom de la procédure d'interpellation de l'article 44. Le journaliste de la BBC Jeff Overs a pourtant été interpellé récemment alors qu'il photographiait la Cathédrale Saint-Paul.
Voilà comment la lutte contre le terrorisme justifie 4 200 000 caméras qui en Grande-Bretagne suivent vos déplacements ainsi que des lois liberticides. Au pays de l'Habeas Corpus, le plus grave est sans doute que cela ne soulève que peu de protestations et encore moins de révolte. Lorsque la capacité de révolte disparaît, lorsque la peur fait perdre de vue la liberté, alors comme disait Primo Levi, le premier pas est fait sur la longue route qui conduit au Läger.