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25/05/2010

Peut-on tout dire en formation ?

Les formateurs prennent souvent la précaution d'annoncer en début de session : tout ce qui est dit ici est confidentiel et ne saurait être rapporté à l'extérieur. Liberté de parole donc. Tout échange en formation suppose-t-il, voire impose-t-il, que le secret soit la condition de la confiance et que chacun s'engage au silence ? prononcer le voeu serait ainsi la marque de la déontologie du formateur. Le secret qui nous lie est le garant de notre liberté.

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Rodin - Etudes pour Le Secret - 1910

L'analyse juridique n'emprunte pas cette voie. Le salarié en formation est au travail et lorsqu'il est hors temps de travail (DIF par exemple) il demeure dans un rapport contractuel. Il est le consommateur, l'entreprise est le client. Et le client a un droit de retour sur le contenu de la formation, sur les résultats de celle-ci et sur le niveau et comportement du salarié. Les tribunaux ont plusieurs foix affirmé que le salarié était évaluable à tout moment sous réserve que l'évaluation n'ait pas lieu à son insu. Mais alors, le salarié pourra-t-il pendant la formation faire état de dysfonctionnements au sein de son organisation, de pratiques peu professionnelles voire de non-respect de certaines règles ? oui et pour une raison simple : l'envoi en formation vaut liberté d'expression. L'employeur qui finance une formation à un salarié ne peut en même temps lui demander de ne pas s'exprimer sur son contexte professionnel. Raisonnons par analogie : la Cour de cassation a déjà sanctionné un employeur qui avait reproché à un salarié ses propos critiques lors d'un entretien d'appréciation. Impossible de demander à la fois à un salarié de s'exprimer et de lui reprocher de le faire (sauf injures ou dénigrement). Impossible d'envoyer un salarié en formation en exigeant de lui le silence,  sa parole est donc libérée. Il peut par conséquent  être rendu compte à l'employeur, au client, du comportement du salarié mais également du formateur dont on se demande parfois si ce n'est pas à son profit que le secret était institué. Sortir du modèle de la formation initiale de l'enseignant seul  maître dans sa classe, se faire évaluateur et être soi-même évalué : voilà qui conduit à moins de déontologie en guise de paravent et plus de professionnalisme.

18/05/2010

Exemples de dernières phrases

Au pompier qui était à ses côtés pendant son dernier trajet suite à l'AVC qui lui sera fatal, Yves Montand déclara : "J'aurai bien vécu, j'en ai bien profité". On ne sait si cette phrase lui tint lieu de consolation, elle a en tout cas peu à voir avec le consolamentum des cathares. J'ai souvenir, avec beaucoup d'émotion, de la dernière phrase de Michel Despax, Professeur de droit du travail et de droit de l'environnement à l'Université de Toulouse qu'il présida, offerte à sa femme alors que la rupture d'anévrisme terminait son oeuvre : "Nous sommes peu de chose". Le nous et non le je, l'humilité et non le profit personnel, bref l'humanisme véritable.

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Renoir - Les baigneuses - 1919

Alors qu'il venait de terminer Les baigneuses, il avait 78 ans, Renoir déclara : "Je crois que je commence à y comprendre quelque chose".  Il venait de peindre la terre à l'époque où elle était le paradis des Dieux. Il s'éteint dans la nuit. L'exemple est souvent à prendre chez ceux qui ne se présentent pas comme tels.

04/05/2010

Voir c'est croire

La formule est fréquente, je l'ai toujours trouvée indigente : "Je suis comme Saint-Thomas, je ne crois que ce que je vois". La phrase recèle deux fausses évidences et une vérité non assumée. La première fausse évidence est de limiter la réalité à  ce que l'on voit. La vue n'est qu'un de nos sens et pas toujours le plus fiable. Proust, qui avait la subtile connaissance des cinq sens, nous le montre en une phrase :

"Quand par les soirs d'été le ciel harmonieux gronde comme une bête fauve et que chacun boude l'orage, c'est au côté de Méséglise que je dois de rester seul en extase à respirer, à travers le bruit de la pluie qui tombe, l'odeur d'invisibles et persistants lilas."

Sont ici sollicités l'ouïe, l'odorat, le temps, le goût et l'esprit. Quoi de plus réel que ces invisibles lilas.

La seconde fausse évidence est de se fier à l'expérience personnelle plus qu'à toute autre. C'est pourtant celle avec laquelle nous avons le moins de distance, celle qui comporte le plus de risques de biais. Il est facile de constater qu'il est plus simple d'éduqer les enfants d'autrui que les siens. Accessoirement, c'est aussi ce regard extérieur et distancié qui justifie, outre son expertise, le recours à un consultant.

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Roland Penrose - L'île invisible (voir c'est croire) - 1937

La vérité non assumée, tient à la formule je ne "crois" que ce que je vois. Elle affirme donc que voir est une croyance. Et avec raison car si nous ne faisions que voir, nous ne pourrions jamais connaître mais seulement reconnaître. La vision d'une pyramide si je n'en ai jamais vu et si l'on ne m'explique ce qu'elle est ne m'apprendra rien, pas même qu'il s'agit d'une pyramide. Si je ne fais que voir, il s'agit donc bien de croire.
Et l'on pourrait alors prendre le contrepied de Saint-Thomas et considérer que pour connaître, il faut d'abord observer en tentant de se libérer de toute croyance, en se défiant de soi-même, en sollicitant autrui et en faisant travailler tous ses sens. En réalité, Saint-Thomas est un feignant.

31/03/2010

Lumières

Le tableau est souvent présenté comme l'un des plus mystérieux qui soit. Que regarde le Gilles de Watteau ? que vous dit l'oeil de l'âne ? pourquoi les quatre personnages ont-ils tous une expression différente ? d'où vient cette profondeur de Gilles dont le visage tout entier a la qualité du sourire de la Joconde ? Si vous passez par le Louvre, oubliez la Joconde, mais visitez la belle ferronière puis dirigez-vous vers le Gilles, vous ne serez pas dérangé. Le tableau exprime tout l'art du 18ème siècle et des Lumières : de la peinture, du théâtre, de la philosophie, du roman, tout ceci est présent dans ce tableau tragique et joueur, profond et léger, lumineux et obscur. Ce tableau qui réunit tous les contraires en un éclat de génie bouleversant.

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Watteau - Gilles - 1712

Pour peindre un tel tableau, il faut être encyclopédiste, résolument, profondément et définitivement. Encyclopédiste cela signifie avoir la volonté de faire des liens entre ce qui habituellement n'est pas relié. Mais l'encyclopédisme se perd. Pierre Lacame, Directeur Général de la Fondation Charles Léopold Mayer dresse ce constat sur l'Université à l'occasion de la parution des thèses primées par le journal Le Monde et ses partenaires : "donnez des moyens à la recherche publique et nous fabriquerons les élites dont la société a besoin pour se comprendre et se développer. Personne n'y croit plus sérieusement. Il faudrait que l'université soit en mesure de produire des élites capables de s'affronter à la complexité des défis des sociétés du XXIe siècle, et c'est largement incompatible avec un enseignement à dominante disciplinaire ; capables d'un aller et retour constant entre pratique et théorie, et l'enseignement n'y pousse guère ; capables de contester la pensée de leurs professeurs et c'est risqué pour un jeune thésard".
Bref, il y a urgence pour un retour à l'encyclopédisme et aux Lumières afin d'éviter que chaque nouvelle thèse ne soit, comme le disait Raymond Aron, un moyen de tout savoir sur quasi  rien à force de n'être qu'un traitement purement disciplinaire de spécialiste d'une question n'intéressant que les spécialistes. Réfléchir sur des questions posées par la société, aborder ces questions de manière pluridisciplinaire, penser contre ses maîtres et contre soi-même, voilà le projet. Vite, Fiat Lux.

En complément, une interview d'Egar Morin sur le même sujet, parue dans Le Monde.

24/03/2010

Pédagogie de la contradiction

Certains s'émeuvent d'entendre siffler la Marseillaise ou insulter le drapeau français. Jamais en retard d'une réaction au fait divers monté en épingle, le Gouvernement fait voter une loi réprimant pénalement l'outrage au drapeau. Signalons à ces pourfendeurs que de l'autre côté de l'Atlantique, si l'on s'enorgueillit du drapeau national que l'on affiche volontiers à sa fenêtre, on s'enorgueillit également de la liberté de chacun de le brûler s'il le souhaite, comme le défend la Cour suprême qui a régulièrement invalidé les lois des Etats visant à interdire de brûler la Star Spangled Banner.

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Keith Haring - Drapeau américain

Autre conception de l'identité, basée sur la liberté et la responsabilité et non sur l'identité de comportements. Il pourrait pourtant en aller autrement dans le pays de Voltaire qui affirmait : "Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'au bout pour que vous puissiez le dire". Il faudrait pour cela considérer que mon contradicteur n'est pas forcément mon négateur et que la rhétorique et la dialectique balisent le chemin de la connaissance mais aussi la voie de la négociation individuelle et collective.

16/03/2010

Exercice pédagogique

Petit exercice pédagogique à partir d'un article du Code du travail. Il s'agit de l'article L. 6323-12 relatif à la mise en oeuvre du DIF. Cet article précise : "Les actions de formation exercées dans le cadre du DIF se déroulent en dehors du temps de travail. Toutefois, une convention ou un accord collectif de branche ou d'entreprise peut prévoir que le droit individuel à la formation s'exerce en partie pendant le temps de travail". Cet article pose un principe : le DIF se fait hors temps de travail, et une exception, partielle et conditionnée par un accord collectif. En l'absence d'accord collectif, une lecture littérale conduit à conclure qu'il n'est pas possible de faire du DIF sur le temps de travail et qu'en tout état de cause, le DIF intégralement réalisé sur le temps de travail est impossible car non prévu. C'est ici que le droit, matière curieuse, échappe à la littéralité et se construit autour de principes et non de textes lus. Comme les objets de Magritte, qui prennent un autre sens en changeant d'univers, les textes du Code du travail demandent à être lus avec une mise en perspective.

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Magritte

Plusieurs accords collectifs ont, lors de la mise en oeuvre du DIF, prévu une réalisation de la formation intégralement sur le temps de travail. Ces accords de branche ont été présentés pour extension au Ministère du travail, qui les a étendus au motif qu'il était plus favorable pour le salarié de suivre le DIF sur le temps de travail. Mais alors, si la solution est plus favorable, l'accord nécessaire pour prévoir du DIF sur le temps de travail n'est pas un accord dérogatoire. Il n'est donc pas indispensable. Et l'on peut convenir librement avec un salarié que le DIF peut s'exercer intégralement pendant le temps de travail. Soit faire en toute légalité ce que l'article L. 6323-12 n'envisage pas. Mais bien sur, au nom du principe de faveur. On ne le répètera jamais assez : faire du droit ce n'est ni lire ni citer des textes, c'est produire un raisonnement juridique à partir de textes et de principes. Comment savoir si l'on a raison ? en droit, celui qui prend la décision a toujours raison...sous le contrôle du juge.

Et pour terminer le lapsus du jour : la responsable ressources humaines me parle d'un dossier qu'elle doit présenter "aux affaires sont sales...". Je suppose qu'aux affaires sociales, il ne se passe pas que du très joli, joli.

02/03/2010

Libre cours

Dans les rues de Grenade, elles accompagnent vos déambulations. Au détour d'une rue, d'un passage, d'un angle de mur les peintures murales s'amusent de votre surprise et vous proposent clins d'oeil et ouvertures de champs.

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Fatiguée de rencontrer des réponses, j'ai décidé de changer mes questions

Pourquoi Grenade ? autant qu'il m'en souvienne la ville a toujours été un théâtre ouvert et disponible aux graffeurs et les peintures font partie de l'identité de Grenade, comme un écho aux habitations trogoldytiques du Sacromonte. Juste pour se souvenir que peindre les murs est immémorial et profondément humain.
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Les mots se perdent irrémédiablement

Pourtant, la peinture murale fait débat à l'occasion de la condamnation d'un artiste qui a peint un mur sans autorisation municipale, car ici aussi il est des autorités qui considèrent que la liberté doit avoir ses espaces autorisés. En réponse, on voit chez les commerçants des affichettes "Ici nous soutenons les graffitis".
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En souvenir de Chimène peut être ? et parce que le rêve est ce qui rend la réalité possible. Rappelons qu'en France également la peinture murale est un délit.
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On connaît les termes classiques du débat : de la peinture murale artistique pourquoi pas dans les endroits qui s'y prêtent,  mais ces signatures graffitées qui envahissent l'espace et n'expriment aucun talent, non. Petit problème : la créativité ne s'exprime ni à jour ni à lieu fixe. Et le n'importe quoi peut être le chemin qui mène à l'oeuvre.
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Mais comme il fut un temps où les coquineries de Miss Van dérangeaient les autorités toulousaines, peut être cette liberté de laquelle tout peut surgir fait elle peur. Faut-il avoir perdu son âme d'enfant pour craindre qu'en laissant libre cours à leur imagination quelques peintres ne transforment le monde en une libre cour récréative.

Et les ressources humaines dans tout cela ? laisser libre cours à la créativité des salariés en prenant parfois le risque du n'importe quoi ? allons, allons, l'entreprise n'est pas une cour de recréation, retournez à vos petits dessins pendant que nous accomplirons, nous, le grand dessein. J'y cours !

26/01/2010

Effet Pygmalion

Pygmalion, roi de Chypre et sculpteur, devient fou d'amour pour une statue de femme à laquelle Aphrodite donne vie et qui recevra ultérieurement le nom de Galatée. Tirée de la mythologie, la fable permet d'illustrer le pouvoir du regard sur autrui : l'amour du sculpteur parvient ainsi à donner véritablement vie à la femme de marbre. En pédagogie, l'effet Pygmalion a fait l'objet de nombreuses expériences dont la première a été conduite par Rosenthal en 1964. Dans une classe, des élèves sont soumis à un test qui est censé désigner les élèves à fort potentiel. En réalité, le test est factice et les élèves sont désignés de manière aléatoire mais signalés aux enseignants. L'année suivante, les résultats de ces élèves sont supérieurs de 20 % en moyenne à ceux des autres élèves. Le regard de l'enseignant, comme celui de Pygmalion, a donc le pouvoir de produire un résultat spécifique.

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Paul Delvaux - Pygmalion

Lorsque le législateur élabore une norme, il cède parfois à la tentation de tenter de limiter les possibilités de détournement ou de mésusage. Ce faisant, il porte sur l'utilisateur potentiel un regard de défiance qui ne manquera pas de produire ses effets : devant tant d'efforts, comment résister à la tentation et au plaisir, ludique ou sportif au  choix, de trouver la faille d'une construction qui se veut forteresse et que l'on se plaira à rendre château de sable. Mais laissons le  législateur a ses turpitudes et souvenons nous simplement que la nature du regard porté a parfois le pouvoir de donner vie.

09/12/2009

Formateur périphérique

« Vive les vacances ! Fini les pénitences ! Les cahiers au feu, la maîtresse au milieu ! ». On connait la comptine aux paroles cruelles, qui délecte d'autant plus les enfants. Elle marque le début des vacances et pourrait bien constituer le seul moment où l'enseignant se retrouve au centre. Les récurrents débats sur l'autorité du maître, le respect du à son savoir disciplinaire et sa fonction d'enseignant ramenée à celle de raconteur, avec plus ou moins de talent, à une assemblée muette qui doit faire son miel de l'interminable discours et avoir le plaisir de poser des questions qui font valoir le maître dans les quelques interstices qu'il veut bien laisser, ces débats donc devraient être dépassés. La place de l'enseignant ou du formateur n'est pas au centre, au milieu, mais à la périphérie. Tournant autour du groupe, il peut l'observer et voir chacun. Passant des commandes, engageant à produire, apportant des informations, livrant des connaissances, invitant à en découvrir d'autres, imaginant des apprentissages, réagissant aux initiatives, découvertes et productions, le formateur, le maître, le professeur ou l'enseignant, selon la terminologie qui vous convient, n'oublie pas qu'il est au service de chacun et de tous et qu'il est là pour développer l'autonomie et non apprendre à exécuter. Il sait qu'à chaque instant son savoir est relativement plus pauvre compte tenu de la production incessante des connaissances. Il sait qu'il ne peut  lutter avec la technologie et les bibliothèques pour les apports d'information. Il sait que son travail est pédagogie.

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Jacques Courtejoie - Sans titre

Jacques Courtejoie est un enseignant belge dans une école des Beaux-Arts. Il enseigne la photo. Ou plutôt enseignait. Car il consacre aujourd'hui l'essentiel de son temps à rephotographier en polaroïd des tirages multiples entreprosés qu'il retravaille ensuite à l'encre et à la peinture, puis qu'il épingle au fond du boîte noire tendue de velours. Tous ses fantasmes, tout son imaginaire et son visage également sont présents dans ses oeuvres à forte connotation autobiographique. Jacques Courtejoie s'est placé au centre de son oeuvre. Et même si ses travaux constituent des balises précieuses pour ses anciens étudiants, en se plaçant au milieu de manière logique et cohérente il a cessé d'être enseignant.

25/11/2009

En direct de l'inconscient

L'expression de chacun est une condition de la réalisation des formations. Et lorsque la liberté de s'exprimer est donnée en toute confiance et conscience, il arrive que soudainement ce soit l'inconscient qui prenne la parole et pousse un cri. Comme dès lors ne pas l'entendre ? oui mais comment faut-il l'entendre ? partage de quelques cris inconscients de ces jours derniers.

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Frantisek Drtikol - Le cri

L'amphithéâtre est bien rempli. Présentation de la réforme de la formation professionnelle. Le responsable de la formation de l'entreprise dit quelques mots introductifs et présente une action à venir, qui sera animée par une femme : "Elle viendra vous exploser la situation...euh vous exposer...ce lapsus n'est pas révélateur vous l'aurez compris". Nous avons surtout compris qu'il serait bon de relacher la pression, et que la situation était plutôt explosive.
Sortie de la cocotte minute amphithéâtrale et rencontre d'une autre responsable formation : discussion puis conclusion de la susdite : "Je vous quitte, il faut que je retourne au bourreau...". Même pour un bourreau de travail, le bureau n'est pas du plaisir tous les jours. Souhaitons-lui d'ouvrir l'espace et de lui laisser libre cours.
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Gilles Orly - Open Space - 2006

Dans un cycle de formation, je retrouve un groupe qui vit moyennement en commun, du moins est-ce l'apparence qu'il donne. Confirmation rapide par la prise de parole d'une stagiaire : "Pas la peine d'attendre Sylvie, elle arrive toujours en retard, on peut débuter...". L'animateur qui tente désespéremment de revisualiser Sylvie qu'il a pourtant vu le mois dernier cherche un appui : "Elle est dans quelle entreprise Sylvie ?", la réponse fuse : "Mais vous savez bien, c'est elle qui vient de France Téléconne...". Très bien, commençons donc et n'attendons pas, la dynamique de groupe ne devrait pas en souffrir.
Pour conclure, et rendre hommage au père de l'inconscient, Mr Freud qui ne voyait que sexe parlant dans les lapsus, cet innocent dialogue entre le Consultant et un DRH un peu âgé :
"- Vous avez déjà négocié le plan emploi senior ?
- Nous tenons la première réunion cette semaine, nous devrions conclure avant Noël...
- La population des seniors est importante chez vous ?
- Oui, nous avons une copulation assez âgée...".
Il n'entre pas dans les compétences du consultant d'interpréter cette dernière phrase, tout au plus peut-il proposer au DRH de contempler tranquillement des images tantriques  pour retrouver calme et sérénité. Belle journée à toutes et à tous.
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Temple de Devi Jadagamba - Inde

23/10/2009

Sérendipité

La trouvaille heureuse ou le hasard innovant, telle pourrait être la définition de la sérendipité. Même si le terme peut prendre des acceptions différentes selon les domaines, il traduit l'idée que l'on peut trouver ce que l'on ne cherche pas et que le hasard place parfois sur notre route des découvertes qu'il nous appartient de ne pas négliger. Il peut s'agir, par exemple, de diapositives qui ont supporté pluie, chaleur et froid dans un grenier et en ont profité pour offrir un festival de couleurs grace à une sarabande improbable de la gélatine.

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La loire à loisir - Photo jp willems

Ou encore d'une photographie errative de reflets dans un canal vénitien, par jeu dans un instant de disponibilité au temps, qui se transforme en tableau de Miro ouvrant des espaces poétiques inattendus.
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Les belles passantes - photo jp willems

Mais comment favoriser la sérendipité ? tout d'abord par l'action. Il n'y a de hasard que dans l'action. Ensuite par la disponibilité, encore faut-il voir et être prêt à voir ce que l'on n'attend pas. Enfin par la généralisation du singulier. Confronté à un évènement unique, il s'agit d'entrevoir la possibilité qu'il ait une portée autre qu'éphémère et de ne pas le réduire à l'instant de sa première production. Une action disponible et singulière, voilà qui est peut être l'explication de la phrase apparemment provocatrice de Picasso : "Je ne cherche pas, je trouve". A vous de jouer en profitant d'un week-end un peu plus long qu'habituellement. Une heure à perdre ? essayez la sérendipité.

05/10/2009

Retour d'expérience

Le Président du syndicat des pilotes d'Air France l'affirme, suite au rapport d'enquête qui incrimine les sondes Pitot dans le crash du vol Rio-Brésil du mois de juin dernier : "Il s'agit d'un échec collectif et d'une faillite totale du système de retour d'expérience". Le retour d'expérience est une pratique pédagogique très usitée en matière de sécurité ou de services à la personne. Il s'agit d'apprendre de tous les incidents constatés en conduisant une analyse méthodique de leurs causes. La pratique du retour d'expérience rappelle que l'expérience ne se transforme pas mécaniquement en compétence et qu'un travail d'analyse est nécessaire. Cette règle doit être utilement rappelée alors que certains voient en tout senior un tuteur potentiel.

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Max Ernst - Jardin Gobe-avions - 1935

Le deuxième enseignement, cruellement vérifié par le crash du vol d'Air France, est que le retour d'expérience n'a de sens que s'il est suivi de décisions. Comme tous les processus ressources humaines, c'est moins le processus qui importe que les décisions qu'il génère. Quel intérêt de savoir que 120 % du plan de formation a été réalisé, que 87 % des entretiens annuels se sont tenus, que tous les salariés ont fait l'objet d'une people review si aucune décision n'en est résulté concernant leur situation, les pratiques professionnelles, les contenus d'emploi ou encore les modalités d'organisation ou de fonctionnement de la structure ? comme souvent, des processus qui tournent à vide et dont on se satisfait de constater qu'ils existent. Tentons le retour d'expérience sur les décisions prises....suite à des retours d'expérience.

02/10/2009

La conne, la négative et la sachante

Rencontre d'une formatrice, échange sur nos pratiques. Jusque-là tout va bien, lorsqu'une marquise rencontre une marquise la logique conduit à des histoires de marquises. Et puis ce credo : "Moi quand je forme, il faut que la conne comprenne, que la négative adhère et que la sachante ne s'ennuie pas". Ai-je bien entendu ? oui. Voici la sainte trinité pédagogique déclamée avec foi et conviction. Fin de la discussion, en matière de Trinité, je préfère Max Ernst.

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Max Ernst - La Vierge corrigeant l'enfant Jésus
devant trois témoins : André Breton, Paul Eluard et le peintre

Peut-on avoir une conception de l'acte de formation plus tournée vers soi et non vers les autres ? comment, et surtout pourquoi, former si l'on part du postulat de la bêtise de certains participants ?  l'animation est ici ramenée au seul objectif de faire admirer le show du formateur. Pour le résultat on repassera. La substitution du théâtre à la formation semble fortement conseillée.
L'acte de former suppose de s'oublier un peu pour se mettre au service d'autrui, de l'objectif à atteindre, de l'autonomisation de l'apprenant. Le temps du formateur central qui diffuse le savoir appartient à un autre temps, n'en déplaise à quelques passéistes nostalgiques des blouses grises, du silence en classe hors la parole du maître, de l'autorité hiérarchique et de l'instruit instruisant les non-instruits. A l'époque du formateur périphérique et des modes d'apprentissages non plus bilatéraux mais multilatéraux (on apprend du travail que l'on fait, individuellement ou collectivement, accompagnés par le formateur), il n'y a vraiment plus de place pour la Trinité pédagogique de la conne, de la négative et de la sachante.

24/09/2009

Droit pédagogique et droit psychologique

En réponse au commentaire figurant sous la chronique d'hier, à savoir :"la clause d'exclusivité est nulle pour les contrats à temps partiel, mais quid des contrats à temps plein ?", un petit complément sur les clauses d'exclusivité. Pour les contrats à temps plein, la clause d'exclusivité est limitée à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et doit être strictement proportionnée à cet intérêt. Dès lors, l'entreprise doit justifier la clause d'exclusivité par un conflit d'intérêt réel : salarié occupant un poste à horaire fluctuant, sujétions importantes liées à des déplacements impliquant une grande disponibilité, dangerosité de l'activité excluant une activité complémentaire sur des plages horaires proches, régime d'astreinte rendant le salarié peu disponible, etc. Cette nécessité de justifier d'un intérêt particulier à protéger exclut donc les clauses générales d'interdiction d'une activité seconde qui s'appliquerait sans considération des deux activités. Par contre, elle légitime les clauses d'information obligatoire pour vérification d'un éventuel conflit d'intérêt. En réalité, la clause d'exclusivité telle qu'appréciée par la Cour de cassation n'est jamais que la mise en oeuvre de l'obligation de loyauté qui s'impose à tout salarié....clause ou pas. La clause n'est donc que du "droit pédagogique" autrement dit le rappel de ce qui devrait aller de soi. A ce titre, elle peut avoir son utilité à condition de ne pas la transformer en "droit psychologique" c'est à dire en clause abusive (interdiction de toute activité) qui serait nulle dans un contentieux mais dont on pense qu'elle peut tout de même faire hésiter le salarié qui l'a signée.

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Sophie Sainrapt (juriste et peintre) - Rires-Eros

Comme Sophie Sainrapt, juriste aux ressources picturales insoupçonnées, le droit a donc de la réserve : il peut ne pas être qu'une norme assortie de sanction mais également avoir un rôle pédagogique ou psychologique. Science incertaine matinée de littérature, le droit apparaît comme une technique pluridimensionnelle qui fait l'irritation de certains et le plaisir de quelques autres.

04/09/2009

Prendre sans attendre

Courte chronique de soir de déplacement, tenant en un principe : l'instruction comme la liberté ne se donne pas, elle se prend. Si vous avez reconnu Jacques Rancière, il s'agit pour vous d'une évidence, et si vous ne l'avez pas reconnu, cela peut ne rien enlever à l'évidence.

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Coldplay - Liberté guidant le peuple

Veillez donc à prendre, vous pourrez vous surprendre à vous éprendre !

03/09/2009

Eloge du mouvement

L'hyperactivité est considérée comme une qualité chez les présidents de la République et comme un défaut, voire une pathologie, chez les enfants. Sans doute faut-il distinguer le bougisme, la trépidation et la trépignation du véritable mouvement, celui dans lequel on peut s'établir et qui nous donne la satisfaction de la beauté du geste. Dans "La Montagne de l'âme", cette phrase de Xao Xingjian : "La vie n'a, à l'origine, aucun but : il suffit d'avancer. C'est tout !". Perdus dans la forêt, les frères du Petit Poucet sont condamnés à périr par immobilisme. La décision d'avancer les sortira d'affaire.

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Johannes De Flandres - Délivrance - 2009

Loin de moi l'idée de penser que celui qui n'avance pas recule. Comme le dit Jean-Marie Luttringer, faire demi-tour c'est déjà aller quelque part ! Les chercheurs pourraient nous enseigner que la découverte suppose que l'on ne sache pas précisément où l'on veut aller, sinon il ne s'agirait que de vérifier mais pas de découvrir. La véritable innovation suppose une certaine part d'errance. Voilà qui permet peut être de comprendre cette phrase de Rousseau dans Emile ou de l'Education : "Oserais-je exposer ici la plus grande, la plus importante, la plus utile règle de toute l'éducation ? ce n'est pas de gagner du temps mais d'en perdre". Si cette phrase vous demeure obscure ou vous paraît paradoxale, prenez le temps d'en perdre pour en trouver le sens.

02/09/2009

Un avenir ouvert

Dans une chronique précédente, j'évoquai le vieux Freud selon lequel tout serait joué dès l'âge de trois ans ! il ne manque guère de biologistes et neurologues pour essayer de démontrer scientifiquement, entendez avec des sciences dures et  non de vulgaires sciences humaines, qu'effectivement tout est joué. Le déterminisme biologique a la vie dure. Heureusement quelques voix font entendre une petite musique dissonnante avec ces discours fatalistes. Catherine Vidal est neurobiologiste à l'Institut Pasteur ce qui lui permet de connaître la plasticité du cerveau : "A la naissance, seules 10 % de nos connexions neuronales sont présentes. Le reste va se former ultérieurement en fonction des apprentissages et de l'expérience vécue. Le cerveau évolue tout au long de la vie...L'être humain n'est pas réductible à une machine cérébrale programmée dès le plus jeune âge".

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André Masson - L'escalier de l'être - 1969

La découverte du cerveau évoluant tout au long de la vie promet une longue vie à la formation tout au long de la vie et rend le concept encore plus opératoire. Elle envoie aux oubliettes les idées de nature prédéterminée ou de capacités préétablies. Si l'être humain est programmé, c'est avant tout pour apprendre. L'avenir est écrit....par nous.

31/08/2009

Apprendre collectivement

L’Etat consacre plusieurs millions d’euros à la garde individualisée des enfants, mais laisse aux collectivités locales et aux CAF le soin de financer les crèches. En matière éducative, la même logique conduit à affecter des moyens à l’aide individualisée aux élèves plutôt qu’à la réduction des effectifs en classe, qui favoriserait les pédagogies différenciées. Comme en d’autres domaines, l’individualisation demeure le reflexe, le collectif n’ayant vraisemblablement pas bonne presse. Il est vrai que, comme l’illustre le petit neveu de Watteau, le préceptorat peut avoir ses charmes et du charme.

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Watteau de Lille - Petite maîtresse et son précepteur

Il pourrait tout de même être fait quelques liens entre des actualités qui paraissent appartenir à des mondes différents. Les partenaires sociaux ont défini, dans l’ANI du 7 janvier 2009, un socle de compétences. Le projet de loi de réforme de la formation professionnelle retient de ce socle de compétences deux compétences clés : apprendre à apprendre et travailler en collectif. L’apprentissage en groupe ne permettrait-il pas de réunir ces deux objectifs et de développer ces deux types de compétences ? si le vieux Freud avait raison, «tout se joue dans les trois premières années », il y a urgence à ouvrir des crèches éducatives !

19/08/2009

Vive l'école moderne !

Il y a tout juste 100 ans, Francisco Ferrer était fusillé, debout et non à genoux comme le voulait l’usage, pour avoir participé à l’insurrection de Barcelone. Ses derniers mots furent : « Vive l’école moderne ».

Inspiré des idées d’Elisée Reclus et de Paul Robin, son projet pédagogique visait à introduire des méthodes actives d’enseignement basées sur la découverte et le lien étroit entre l’enseignement et les activités extérieures. Des écoles furent ouvertes en Espagne, aux Etats-Unis, ou encore en Suisse, à Lausanne où l’école Ferrer affichait le projet suivant : « L’instituteur de l’Ecole Ferrer a pour principe de constamment faire appel à la bonne volonté, à l’énergie, à l’attention, à la recherche, à l’observation même de l’enfant. Nous ne donnons pas de résultats tout faits. Nous ne présentons jamais une science parfaite, mise au point par les devanciers et devant être ingurgitée telle quelle. Nous faisons si possible tout trouver ». C’est qu’il s’agit de ne pas habituer à toujours croire et ne jamais rien savoir, comme le disait Rousseau, et ne pas faire de l’école le lieu d’un seul apprentissage, celui de la docilité.

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Man Ray - Juliet et Margaret

Rappelons que Man Ray fut élève de l’école moderne de New-York, le Ferrer Social Center. Faut-il faire un lien avec la liberté d’esprit, le jeu, l’envie d’expérimentation et de découverte qui anime toute son œuvre ? En tout cas, le centenaire est l’occasion de constater que le programme de Ferrer reste à mettre en œuvre : « un enseignement concret, pratique, vivant ; la coéducation des sexes ; pas de devoirs à la maison ; ni religion, ni politique dans les leçons, ni morale en préceptes ; ni punitions, ni récompenses ; appel constant à l’énergie propre de l’enfant ; consultation des parents ; collaboration des gens de métier ». Etudiants, lisez Ferrer pendant vos cours magistraux.

24/07/2009

Former pour l'éternité

Le Québec est un des berceaux de la recherche en pédagogie et en formation. Du coup, les libraires et bouquinistes regorgent d'ouvrages consacrés à l'éducation. Dans le lot : "Fantasme et formation", paru en 1975 chez Dunod (R. Kaes, D. Anzieu, L.V Thomas). On y apprend, notamment, que le désir de former procèderait d'un désir d'éternité, même s'il ne s'y réduit pas.

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Baie d'éternité - Québec - Fjord du Saguenay

Une ballade dans la baie d'éternité a sans doute assouvi le fantasme puisqu'au moins temporairement a disparu tout désir de former....jusqu'à la fin des vacances !

Très bel été à toutes et à tous. Quelques clins d'oeil alimenteront ce blog pendant les vacances. L'actualité y retrouvera sa place à compter du 24 août.....2009.