23/09/2011
Flou trop artistique
Les juges toulousains préfèrent la réalité du travail au flou des généralités. Ils le rappellent à l'occasion d'un contentieux portant sur le support d'évaluation de salarié, utilisés par la société Airbus. Dans ce support, il est notamment demandé aux managers d'évaluer leurs collaborateurs. Jusque-là, tout est normal ou presque. Mais dans la liste des critères d'évaluation, figure 'le courage managérial" que l'entreprise définit comme "prendre des décisions justes et courageuses dans l'intérêt d'Airbus et en assumer pleinement les conséquences". Par cette précision, l'entreprise pensait plier l'affaire. Désolé, c'est trop court ou plus exactement trop flou.
Gegout - 2006 - Klimt-Poppyfield avec nu
Avec de tels items, la porte est ouverte à toutes les subjectivités, tous les jugements de valeur et au final l'appel à des notions qui n'ont pas cours. Ce n'est pas la première fois que les juges rappellent ce qui devrait être une évidence : évaluer un salarié ce n'est pas évaluer une personne mais son travail. Airbus doit donc revoir sa copie pendant que le juge, satisfait, peu retourner dans les champs profiter de l'été indien.
02:36 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : evaluation, entretien individuel, entretien
Commentaires
oui, évaluer un salarié ce n'est pas évaluer une personne mais son travail et pour aller plus loin c'est évaluer ses compétences ce qui implique de s'appuyer sur une méthode d'évaluation des compétences et un cadre de référence précis et défini. Méthode qui permet d'éviter au maximum écueils et subjectivités. Dans la même veine les outils d'évaluation de l'éducation nationale devrait poser questions aux professeurs. Si j'en crois les fiches trouvés dans les cahiers de ma fille qui est en 4ème elle sera évaluée sur 30 compétences pour quatre thèmes d'étude dans l'année et pour chaque matière. Ces compétence sont par exemple: être autonome, être curieux et motivé. On ne peut être autonome s'il nous manque des connaissances ou des savoir faire pour exécuter une action. On peut don être autonome dans certain cas et pas dans d'autre. On peut très bien exécuter une tache sans pour autant se montrer curieux et motivé il suffit de savoir faire. Il me parait bien difficile donc d'évaluer les élèves sur des critères aussi flou et des compétences qui n'en sont pas.
Écrit par : Duffort | 23/09/2011
Bonjour,
Merci de votre contribution. Le propre de la compétence est d'être corrélée à une situation de travail ou plus largement d'activité. Il n'y a donc pas de compétence "en général" mais uniquement référé à des situations concrètes. C'est d'ailleurs ce qui permet de faire la différence avec les connaissances, la compétence étant la manière dont on les mobilise DANS UNE SITUATION DONNEE. C'est pourquoi l'évaluation des salariés, comme celle des élèves, devrait avant tout porter sur la maîtrise de situations identifiées et non sur des capacités génériques que tout le monde possède à des degrés divers et mobilise de manière différente selon les cas. Le gamin curieux et motivé par le rugby peut être totalement passif et désintéressé lorsqu'on lui demande de jouer au football : c'est pourtant assurément un garçon intelligent !
Plus sérieusement, toute entrée générique dans les compétences est une garantie absolue si l'on souhaite faire n'importe quoi.
Cordialement
jpw
Écrit par : jpw | 24/09/2011
Bonjour
Je ne peux que soutenir cette approche de l'évaluation, outillée et portant sur les situations concrètes de travail. Quant à l'Education Nationale, elle ne peut, étant dédiée au développement des capacités de notre belle jeunesse, permettre aux élèves de maîtriser des compétences au sens où nous l'entendons dans la sphère professionnelle. Mais que sont les mots si l'on ne leur donne du sens ?
Pour en revenir à l'entreprise et à ses pratiques, quelques questions me viennent. Est-il possible d'éradiquer la subjectivité dans l'évaluation ? Certainement, il est nécessaire de la limiter et les évaluateurs devraient bien réfléchir à leurs implications personnelles avant de porter ce jugement de valeur sur le travail de leurs collaborateurs. En ont-ils les moyens ? En cette période de crise, les pressions sur les salariés sont de plus en plus fortes et peut-être les managers, trop pressés par leurs autres responsabilités, ne prennent-ils plus le temps de réfléchir à leur posture, de questionner leur pratique et leur comportement vis-à-vis des hommes et femmes de leurs équipes ?
La France, nation d'ingénieurs... Notre culture managériale est là : Mais l'ingénierie obéit à une logique relativement simple au regard de la complexité que revêt le travail avec les personnes humaines. Quand une machine tombe en panne, on la répare et elle redémarre. Quand un salarié ne fait plus le travail attendu, que fait le manager ?
Écrit par : Vern | 27/09/2011
Je signale qu'aux USA quand on évalue un collaborateur, ce n'est pas obligatoirement pour lui accorder (ou lui refuser) une augmentation de salaire. On l'évalue pour lui dire s'il fait toujours l'affaire ou s'il doit quitter l'entreprise.
La compétence est certes celle d'une personne dans une situation de travail mais à contrario chacun sait que certains salariés recrutés à un moment X de la vie de l'entreprise peuvent désormais ne plus être à leur place dans cette même entreprise.
Le travail dans les prochaines années risque de changer plus vite que les humains et tout le projet du salariat qui était de fixer (souvent pour 40 années) une personne dans une organisation, tout ce projet salarial vieux de 100 ans est désormais remis en question.
La mobilité (intellectuelle, géographique, fonctionnelle, professionnelle..) devient une des premières qualité professionnelle et le prototype même du salarié qualifié d'autrefois sera de plus en plus remis en question.
Les salariés doivent désormais faire preuve d'intelligence émotionnelle, de créativité, d'inventivité, de capacité de remise en question (d'eux même comme de leur organisation), d'impertinence... notre vieux droit du travail ne peut le comprendre et les juges devront eux aussi intégrer qu'à force d'enserrer le travail dans un cadre ultra contraignant ils contribuent à pousser le travail loin de nos rivages hexagonaux.
Écrit par : cozin | 27/09/2011
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