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16/03/2009

Repentir tardif

Le délai pour contester un licenciement est passé au mois de juin 2008 de 30 ans à 5 ans. Même si le raccourcissement est spectaculaire, il paraît de peu de portée tant les contentieux interviennent traditionnellement très rapidement après la fin du contrat de travail. Tel n'était pas le cas dans une affaire jugée le 4 février 2009 : trois ans après avoir démissionné, un salarié demande à ce que cette démission soit requalifiée en licenciement aux torts de l'employeur, la démission ayant été causée par le défaut de paiement de commissions. L'employeur fit valoir dans le contentieux que le repentir du salarié était bien tardif. S'il avait vraiment eu des griefs, il les aurait exprimé plus rapidement : la demande devait être jugée comme infondée car tardive et uniquement fondée sur le désir d'obtenir des dommages et intérêts indus.

 

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Miss Tic - Repentir-Rementir

Pour la Cour de cassation, le délai de trois ans ne peut être un argument valable : le juge doit vérifier s'il existait, ou non, des griefs précédant la rupture ou existant au moment de la rupture. Tel était bien le cas en l'espèce, le salarié ayant présenté de nombreuses réclamations, non satisfaites, pour obtenir le paiement de commissions. En présence de réels motifs de litiges existant au moment de la rupture, le juge qui admet leur bien fondé doit procéder à la requalification.

La décision du salarié d'entamer un contentieux, dès lors qu'elle demeure dans les délais de prescription, lui appartient et ne saurait être jugée comme rapide ou lente : à chacun son rythme. Quelques heures peuvent parfois paraître des siècles, admettons qu'en l'espèce ces trois années auront paru bien courtes au salarié.

30/01/2009

Gérer la famille du salarié

Les entreprises se trouvent placées depuis quelques mois devant une injonction paradoxale : le code du travail leur demande de ne pas prendre de décision concernant les salariés en considération de leur situation familiale, faute de quoi la discrimination serait avérée (C. trav., art. L. 1132-1). Mais la cour de cassation n’a de cesse de nous rappeler que l’employeur ne doit pas porter atteinte au droit du salarié à une vie personnelle et familiale. Au mois d’octobre dernier, il a été jugé qu’une clause de mobilité était inapplicable à une salarié en congé parental (Cass. Soc., 14 octobre 2008). Le 19 janvier dernier, la même cour considérait qu’une veuve ayant deux enfants à charge ne pouvait se voir imposer une mutation en application d’une clause de mobilité. Dans les deux cas, il est demandé à l’entreprise de justifier si la contrainte est légitime et proportionnée au but recherché. On comprend la volonté de la Cour de cassation de protéger les salariés de toute mesure arbitraire et de limiter les abus de droits des employeurs. Par contre, on peut sur le plan juridique avoir quelques interrogations sur ce que recouvre le droit à une vie personnelle et familiale.

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Le Greco - Sainte Famille

Le droit étant fait de qualifications et de définitions, il faut se demander ce qu’est une vie personnelle et familiale « normale », c’est-à-dire qui peut faire référence pour le juge. Lorsque l’on constate que la famille de référence, la sainte famille, comprend une mère vierge, un fils qui est le père de sa mère, et un père qui ne l’est pas (pauvre joseph comme dirait Moustaki) on découvre qu’il ne fallait pas attendre les familles recomposées pour s’interroger sur ce qui peut constituer la norme en ce domaine !

Le plus gênant dans ce affaires est peut être que, sous couvert de protéger le salarié, on invite l’employeur à s’intéresser à sa situation de famille…ce qui lui est par ailleurs interdit. Mais si je dois tenir compte dans mes décisions de gestion de la situation familiale du salarié, il est difficile d’imaginer que je vais m’en désintéresser au moment de l’embauche. L’enfer, on le sait, est pavé de bonnes intentions, en voici une nouvelle illustration. La logique voudrait que si l’employeur ne peut s’intéresser à la vie privée et familiale du salarié, ce dernier ne puisse à son tour l’invoquer dans le cadre de son contrat de travail. Dans ce domaine plus que dans d’autres peut être, toute exception au principe fait disparaître le principe lui-même.

30/12/2008

Faute d'amour

On se souvient de l’affaire Gabrielle Russier, il y a tout juste quarante ans, cette enseignante condamnée à la prison pour avoir été amoureuse d’un de ses élèves, mineur, comme l’ont raconté le film d’André Cayatte avec Annie Girardot, les chansons de Charles Aznavour, Serge Reggiani et Anne Sylvestre. Jugement sans appel d’une société fermée que Mai 68 s’efforçait d’ouvrir ? temps révolu où le jugement moral pesait le plomb ? passé si lointain qu’il en paraît peu croyable ? voire. Sans doute cette affaire n’est-elle pas revenue en mémoire des juges de la Cour d’appel de Paris qui ont le 30 octobre 2007, mais la décision vient d’être publiée ce mois ci seulement par la Revue de Jurisprudence Sociale, approuvé le licenciement d’un professeur de danse coupable d’avoir écrit des lettres d’amour à une de ses élèves (CA Paris, 30 octobre 2007, n° 05-3486).

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Fragonard - La déclaration d'amour

Que nous disent les juges pour justifier le licenciement de ce professeur pour faute grave ? que « la teneur et la fréquence des lettres dénotent une attention particulière dépassant le cadre de ses fonctions » et encore que ces lettres étaient de nature «  à susciter le trouble dans l’esprit d’une enfant mineure, ainsi que crainte et inquiétude chez sa mère et discréditer l’association employeur ». Un psychanalyste ferait sans doute son miel d’un tel tableau dans lequel rien ne manque : la jeune fille mineure tentatrice, celle qui fait toujours peur aux hommes, la mère inquiète, l’employeur qui joue le rôle du père absent…n’en jetez plus ! constatons simplement qu’aujourd’hui comme il ya quarante ans l’amour non conventionnel demeure une faute. Pour le progrès, voyez le 18ème siècle et Fragonard, vous serez en avance.

19/11/2008

Le voile et le dévoilement

La Cour d’Appel de Douai vient d’annuler l’annulation du mariage pour cause de virginité dissimulée, remettant ainsi en  cause la décision du TGI de Lille qui a suscité tant de commentaires. Cette volte face  démontre que le juge n’est pas toujours très à l’aise avec la religion, et le juge du travail n’échappe pas à la règle. En la matière il est partagé entre deux principes : celui de permettre à chacun le libre respect de ses opinions et de veiller à ce que la religion ne soit pas source de discrimination et celui de considérer que la religion à l’inverse ne peut permettre au salarié de revendiquer des avantages particuliers ou de se soustraire à certaines obligations et surtout qu'elle n'a pas sa place sur le lieu de travail.

Sur cette voie étroite, il a par exemple été décidé récemment par un juge belge que : « La liberté de manifester sa religion n'est pas absolue ; des restrictions sont possibles lorsque les pratiques religieuses sont de nature à provoquer le désordre. L'usage interne à une société commerciale, interdisant au personnel en contact avec la clientèle le port de certaines tenues vestimentaires ne cadrant pas avec la neutralité et plus précisément le port du voile religieux, repose sur des considérations objectives propres à l'image de marque de l'entreprise commerciale. Un tel usage, qui s'applique à l'ensemble des travailleurs ou d'une catégorie de travailleurs, n'est pas discriminatoire. » (Cour du travail de Bruxelles - 15 janvier 2008).

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Gustave Moreau - Salomé et la danse des sept voiles

Les juges, en France, ont une position similaire. Le licenciement d’une salariée portant le voile a été jugé légitime lorsqu’elle est en contact avec la clientèle ou lorsqu’il s’agit d’un signe ostentatoire assimilé à du prosélytisme, interdit sur les lieux de travail. A l’inverser, le porte du voile ne pose pas de problème particulier pour une salariée qui fait du télémarketing ou lorsque le port du voile était déjà effectif et a pu être constaté lors du recrutement sans susciter de réaction particulière de la part de l’employeur.

Et pour ceux qui pensent que, comme Salomé, il serait préférable de toujours enlever le voile, rappelons cette décision qui a fait les délices de générations d’étudiants : le licenciement pour faute d’une salarié travaillant en chemiser transparent et sans soutien-gorge pour cause de perturbation de la bonne marche de l’entreprise. Fragile entreprise !

 

30/10/2008

Rupture conventionnelle : le Quizz

La rupture conventionnelle du contrat de travail pose quelques questions, pas toujours exclusivement juridiques. En voici 6 :

- Quelle est la différence entre une rupture conventionnelle et une transaction ?

- Après l’homologation de la rupture conventionnelle, est-ce que le salarié est privé de tout recours contentieux ?

- Quel contrôle l’URSSAF peut-elle opérer sur la rupture conventionnelle ?

- Peut-on conclure une rupture conventionnelle en cours de procédure de licenciement (après l’entretien préalable par exemple et avant notification) ?

- Peut-on mettre une clause dans la rupture conventionnelle qui interdit aux parties de saisir les prud’hommes sur toute question concernant le contrat de travail après sa rupture ?

- Que peut faire l’employeur si un salarié souhaite conclure une rupture conventionnelle et réalise moins bien son travail pour forcer l’accord de l’employeur ?

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Rupture du barrage de Malpasset (Var)  - 1959

Les réponses aux six questions dans le document ci-dessous.

29/10/2008

Clause de mobilité et mutation discrétionnaire

La tentation peut être grande d'inclure dans le contrat de travail des clauses qui imposent par avance des obligations aux salariés. Par exemple, la clause de variation d'horaires ou la clause de mobilité. Dans deux décisions récentes, la Cour de cassation rappelle que de telles clauses ne constituent pas un blanc seing pour l'employeur. Dans la première affaire, une salariée travaille à Marseille. Elle a dans son contrat une clause prévoyant la possibilité de déplacements de longue durée. Au cours d'un congé parental à temps partiel, son employeur lui demande de venir effectuer une mission de longue durée sur Paris. Suite au refus de la salariée, il la licencie. Licenciement injustifié dit la Cour de cassation. Les juges doivent vérifier si la mise en oeuvre de la clause contractuelle ne portait pas une atteinte au droit de la salariée à une vie personnelle et familiale et si une telle atteinte pouvait être justifiée par la tâche à accomplir et était proportionnée au but recherché (Cass. soc., 14 octobre 2008, Stéphanie M. c/ Pricewaterhouse Coopers Développement SA). Une clause de mobilité, de même, ne confère pas à l'employeur un droit de mutation discrétionnaire : l'entreprise doit justifier l'intérêt de la mesure prise.

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Mutation - Gwenael Gaudard

Dans une autre affaire, un "conducteur de chien" (autrement dit un vigile accompagné) avait dans son contrat une clause de mobilité horaire. Travaillant de nuit, il est affecté à un poste de jour qu'il refuse. Il est licencié. A tort dit la Cour de cassation : quel que soit le contenu du contrat de travail, le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit, ou l'inverse, est toujours une modification du contrat de travail qui suppose l'accord de l'intéressée (Cass. soc., 14 octobre 2008, Joël M. c/ISS Sécurité). Là encore, la clause du contrat est inefficace, preuve que l'on est pas toujours engagé par ce que l'on a signé.
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Mutation - Marie-Claire Fernandez

02/10/2008

Rupture conventionnelle….il ne faut pas transiger

La nouvelle rupture conventionnelle se met en place, plus d’un millier de rupture auraient déjà été homologuées par les DDTEFP au cours du mois de septembre. Mais l’appropriation de l’outil n’est pas encore totale. Notamment, la distinction entre rupture conventionnelle et transaction. Deux points méritent d’être précisés. Le premier est qu’il ne peut y avoir de transaction portant sur la rupture du contrat de travail lorsque celle-ci a été conventionnelle. La transaction ayant pour objet de régler un litige, elle serait nécessairement nulle si elle portait sur un accord, tout en permettant au salarié de contester ensuite la validité du consentement puisqu’une transaction a été nécessaire postérieurement à la rupture conventionnelle. Une transaction faisant suite à une rupture conventionnelle ne pourrait donc porter que sur l’exécution du contrat de travail, et non sa rupture, ce qui conduirait inévitablement à qualifier les sommes versées à titre d’indemnité transactionnelle de salaire.

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Rupture - copyright : Brisedemer

Le deuxième point concerne les effets de la rupture conventionnelle. Elle n’a pas les effets d’une transaction valide et n’interdit pas un contentieux ultérieur qui peut porter soit sur la rupture elle-même, et il faudra alors que le salarié démontre un vice du consentement pour remettre en cause la rupture, soit l’exécution du contrat de travail, une demande de paiement d’heures supplémentaires par exemple, puisque la rupture conventionnelle n’est pas un accord global qui clôt la relation de travail mais uniquement une manière d’y mettre fin par accord mutuel. Même s’il est possible de régler le sort de certains droits (clause de non-concurrence, crédit DIF, …) dans le cadre de la rupture, elle ne peut être assortie d’une clause générale indiquant que dans le cadre de la rupture le salarié considère qu’il est rempli de ses droits et qu’il renonce par avance à toute action. Une telle formule conduirait directement à la nullité de l’accord de rupture requalifié en transaction…non valide. Conclusion : soit la rupture conventionnelle, soit la transaction, mais pas les deux.

30/09/2008

La vraie nature d'Internet

Le Code du travail ne traite pas directement d'Internet, de sa nature et du régime qui lui est applicable. Les contentieux se multiplient pourtant sur le contrôle par l'entreprise de l'usage que fait le salarié d'Internet. Pour pouvoir trancher les conflits qui se présentent à eux, les juges ont retenu la double nature d'Internet. En premier lieu, il s'agit d'un outil professionnel et il revient donc à l'employeur d'en fixer les usages, les modalités d'utilisation et de contrôler le respect de ces règles. C'est en application de ce principe qu'il a été jugé le 2 juillet dernier qu'un employeur pouvait licencier pour faute grave un salarié faisant un usage personnel et abusif d'Internet, l'entreprise ayant la possibiltié de contrôler les fichiers stockés sur son disque dur ainsi que ses connexions même en dehors de la présence du salarié (Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 06-45.800).

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Philippe Cottin - Correspondance

En second lieu, Internet permet l'échange de courriers et relève donc des règles relatives à la correspondance. Comme pour les courriers postaux, il est admis qu'un salarié puisse recevoir des messages privés sur son lieu de travail, sous réserve d'abus ou d'excès. Ces courriers identifiés comme privés bénéficient du secret de la correspondance. Ce ne sont donc que les fichiers et/ou courriers explicitement identifiés comme personnels que l'employeur ne peut consulter hors la présence du salarié mais qu'il peut lui demander d'ouvrir en cas de doute sur leur nature, éventuellement sous contrôle d'huissier (Cass. soc., 18 octobre 2006).
Pour le juge de la relation de travail, Internet est donc un outil professionnel qui peut être utilisé marginalement pour des correspondances privées, avec un contrôle professionnel sur l'utilisation générale et un contrôle aux garanties renforcées uniquement pour la partie strictement identifiée comme privée.

03/09/2008

Nullité et réintégration

Quelle est la différence entre un licenciement bâclé et dépourvu de motif, et un licenciement régulier sur le fond et sur la forme ? le coût. Notre droit traduit en effet par le versement de dommages et intérêts le non-respect des règles sans donner au salarié la possibilité d’imposer la poursuite du contrat de travail rompu de manière injustifiée. Ce qui peut se traduire par l’adage : tout employeur prêt à y mettre le prix peut se séparer de n’importe quel salarié.

Ce principe souffre toutefois une exception en cas de nullité du licenciement. Dans un tel cas, le salarié a le choix entre l’indemnisation et la réintégration dans l’entreprise que le juge peut imposer.


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Christian Balbine - Les âmes mortes, réintégration - 2006

La nullité ne se présume pas. Elle intervient uniquement dans les cas prévus par la loi. Le salarié pourra obtenir la nullité d’un licenciement en cas de plan de sauvegarde de l’emploi nul, en cas de licenciement pendant un congé maternité ou un congé pour accident du travail ou maladie professionnelle, en cas de harcèlement moral (licenciement de la victime ou de l’auteur de la dénonciation des faits plutôt que du coupable), en cas de licenciement non autorisé d’un salarié protégé ou encore en cas de licenciement discriminatoire comme vient de la juger la Cour de cassation (Cass. Soc., 9 juillet 2008, n° 07-41.845) précisant que l’obligation de réintégration s’impose à l’entreprise et non au groupe. D’où la multiplication de contentieux qui visent à démontrer que la réalité du motif est une discrimination (âge, sexe, opinions, race, nationalité, mœurs, état de santé, handicap…) plutôt que de contester le motif allégué.

25/08/2008

La fuite en avant

Le Gouvernement a publié le 21 août dernier un bilan de la loi TEPA : 40 % d'heures supplémentaires en plus au premier trimestre 2008 par rapport au premier trimestre 2007, six millions de salariés concernés, 8 milliards d'euros distribués aux entreprises et aux salariés. Un succès donc.

L'anecdote qui suit ne peut, bien évidemment, être mise en balance avec le bilan chiffré, mais elle est bien réelle : devant une commission de surendettement, un salarié expose sa situation difficile. La commission pense trouver une solution, il suffirait d'augmenter un peu les revenus pour améliorer la capacité de remboursement et rendre viable un plan d'étalement des dettes acceptables. Contact est pris avec l'employeur : est-il possible sinon d'augmenter le salarié du moins de lui procurer du travail supplémentaire ? l'employeur conciliant accepte de jouer le jeu. Il est confié au salarié des activités de maintenance qu'il n'effectuait pas jusque-là, payées en heures supplémentaires dans le cadre de la loi TEPA. Tout est donc parfait, sauf que...

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Patrick Jude - La fuite en avant - 1986

Sauf que l'employeur fait ses comptes : l'heure supplémentaire ne lui revient pas très cher, en demandant à tous ses ouvriers de faire de la maintenance en heures supplémentaires, il peut supprimer un poste de technicien d'entretien et réaliser des économies tout en ayant plus de souplesse pour les activités de maintenance. Le technicien de maintenance est donc licencié pour motif économique suite à la réorganisation de l'entreprise et aux économies réalisées. Il est encore trop tôt pour savoir si le technicien en question ira un jour devant la commission de surendettement. Mais une histoire isolée ne saurait ternir le bilan de la loi TEPA qui, on le sait, est un succès et non une fuite en avant.


22/07/2008

Séparabilité

Le terme, d'habitude utilisé en mathématiques où il n'est pas synonyme de séparation, a été utilisé par Laurence Parisot qui faisait de la possibilité de rompre plus facilement la relation de travail un objectif. Les partenaires sociaux sont arrivés sur ce point  à  un accord le 11 janvier 2008, que la loi de modernisation du marché du travail vient de consacrer. La dernière pierre est apportée à l'édifice par la publication au journal officiel du 19 juillet d'un arrêté fixant le modèle de Rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée que devront utiliser les négociateurs d'une telle rupture.
 
Rappelons les avantages du dispositif : l'employeur et le salarié peuvent librement convenir de mettre un terme à leur relation, l'entreprise devra verser une indemnité de rupture au minimum égale à 1/5ème de mois de salaire par année d'ancienneté et au plus égale à deux ans de salaire (cette indemnité bénéficiant d'exonérations sociales et fiscales car n'ayant pas le caractère de salaire), la rupture doit avoir été convenu après un ou plusieurs entretiens, respecter un délai de rétractation de quinze jours pour chacune des parties et faire l'objet d'une homologation de la part du Directeur départemental du travail. Rien ne s'oppose donc à la séparation, préférons le terme à celui, impropre, de séparabilité dès lors que les parties en conviennent.
 
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La séparation d'Hector et Andromaque - Sculpture de Giorgio de Chirico (photo : Guesswhoandwhere) 
 
J'ai déjà signalé (voir note du 13 juin 2008) que cette forme de rupture pouvait constituer un faux-ami : l'entreprise peut s'inquiéter des files d'attente qui pourraient se former devant le bureau du DRH pour venir expliquer que la motivation est en train de baisser lentement mais surement et qu'une rupture assortie d'indemnités permettrait de régler gentiment la question, les salariés pour leur part peuvent craindre une détérioration de leur situation dans l'entreprise sauf s'ils veulent bien entrer en pourparler pour une séparation amiable. Le dispositif est si largement utilisable qu'il ne sera pas surprenant, comme souvent en matière sociale, que le pire et le meilleur se cotoient.
 
Mais au moment de l'entrée en vigueur du dispositif, faisons le pari qu'à travers la rupture conventionnelle le législateur vient de réouvrir en grand la porte des préretraites ASSEDIC. Rendez-vous dans quelques mois pour en juger.
 

03/07/2008

Fumer nuit gravement à l'emploi

Dans une décision rendue le 1er juillet dernier, la Cour de cassation valide le licenciement pour faute grave d’un salarié fumant sur son lieu de travail (Cass. Soc. 1er juillet 2008, 06-46.421/1213, M. Patrick X c/ Sté Cartonneries de Gondardennes SA).

Les faits sont antérieurs au décret du 15 novembre 2006 : un salarié d’une cartonnerie a pendant de longues années pu fumer sur son lieu de travail. Suite à un arrêté préfectoral interdisant de fumer dans les locaux de l’entreprise, le règlement intérieur interdit de fumer sur les lieux de travail. Quelques mois plus tard, le salarié est surpris dans un local de repos avec une cigarette, qu’il refuse d’éteindre. Il est licencié pour faute grave.

Devant le conseil des prud’hommes, le salarié fait valoir trois arguments : son ancienneté et le fait qu’il avait toujours pu fumer, le refus de l’entreprise d’aménager un lieu fumeur ou de mettre en place des pauses permettant de sortir fumer et l’absence d’accompagnement de l’entreprise pour se défaire de l’addiction. Si les prud’hommes ont donné raison au salarié, la Cour d’appel puis aujourd’hui la Cour de cassation lui donnent tort et valident la faute grave.

 

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Sally Mann - Candy cigarette - 1989 

En premier lieu, les arguments du salarié ne pouvaient être retenus : l’ancienneté et le fait d’avoir pu fumer ne créent pas de droit à passer outre une interdiction légitime ; par ailleurs, l’entreprise n’a aucune obligation d’aménager les locaux ou le temps de travail pour permettre aux salariés de fumer : il n’y a pas de droit à fumer dans le cadre du travail ; enfin si l’entreprise est responsable de la santé des salariés au travail elle n’a pas à gérer des problèmes de santé publique et n’a pas particulièrement à accompagner les salariés dans le traitement d’une addiction. Rappelons que dans sa circulaire du 14 novembre 2006, le Ministère du travail considère qu’une action de sensibilisation aux dangers du tabac n’est pas une action de formation et ne peut faire l’objet d’un DIF.

En second lieu, la sévérité de la décision n’est que la contrepartie de la sévérité dont font preuve les tribunaux envers les entreprises. Ainsi, il a été jugé qu’un salarié exposé à un tabagisme passif dans l’entreprise au mépris des règles d’interdiction de fumer peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur pour protéger sa santé. Si le salarié qui fume commet une faute grave, l’employeur qui tolère les fumeurs commet une faute inexcusable au regard de ses obligations en matière de santé.

La cigarette, quel que soit son contenu, est bel bien bannie de l’entreprise, et les fumeurs avec. La solution est identique pour l’alcool. Pour les médicaments et le café, le juge ne s’est pas prononcé.

30/06/2008

Licenciements boursiers

L'expression revient fréquemment sous la plume des journalistes et parfois des responsables politiques. Les licenciements boursiers sont ceux auxquels il est procédé pour accroître les profits de l'entreprise au détriment de l'emploi et des salariés. Ces licenciements correspondent à l'exigence de l'actionnaire qui veut obtenir 15 % de rentabilité sur le capital investi au mépris d'un marché qui croît péniblement de 5 % par an, obligeant les dirigeants à réaliser des opérations exceptionnelles pour dégager des marges artificielles, intenables dans le temps. En d'autres termes, la pression financière immédiate obère toute gestion durable et sacrifie les intérêts des salariés. Si l'on ajoute le parachute doré du dirigeant qui a procédé aux opérations dans l'intérêt bien compris de celui qui le paye, le tableau est complet d'un capitalisme financier destructeur à l'opposé d'un capitalisme familial ou d'un capitalisme rhénan soucieux, eux, du moyen et long terme.

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Carsten Svennson - Peintre Danois

Que nous dit le droit du travail sur les licenciements boursiers ?

L’actualité vient nous rappeler, à travers la condamnation le 28 juin 2008 de la société Recyclex (Ex Metaleurop) par le Conseil des Prud’hommes de Lens qui a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement de 495 salariés, que le droit sanctionne de longue date les licenciements boursiers. Quelques exemples :

- Une fermeture d’usine pour des raisons liées aux nuisances causées à l’environnement n’est pas légalement justifiée (Cass. soc., 13 février 2008, n° 06-44.358 F-D) ;
- Une délocalisation de France en Israël en raison d’incitations financières et fiscales attractives n’est pas un motif économique justifiant des licenciements (Cass. soc., 18 septembre 2007, n° 06-42.401 F-D ) ;
- La simple recherche d’une amélioration de la marge de l’entreprise par la réduction des coûts ne justifie pas des licenciements économiques (Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-47.376 F-P, Geslin c/Sté Catimini) ;
- Un regroupement de fonctions sur un lieu unique pour faire des économies n’est pas un motif de licenciement (Cass. soc.,21 mars 2006, n° 04-45.749 F-D) ;
- De même, le regroupement de la production sur un seul site ne justifie pas à lui seul des licenciements économiques (CA Chambéry, ch. sociale, 21 mars 2006, Fromageries Bell) ;
- Lorsqu’en l’absence de difficultés économiques, la finalité de la réorganisation est de bénéficier d'une réduction importante de charges sociales et de réaliser des bénéfices plus importants, les licenciements ne reposent pas sur une cause réelle et sérieuse (Cass. soc.,10 mai 2000, n° 98-41.066 D, Dedies c/Bertrand) ;
- La réduction des coûts salariaux sans nécessité économique ne peut fonder un licenciement qui ne peut reposer que sur la sauvegarde, et non l’amélioration, de la compétitivité (Cass. soc., 1er décembre 1999, n° 98-42.746 P, SA Miko c/Schaffer).

Ces multiples exemples nous démontrent que d’une part le droit s’est déjà saisi de la question et que d’autre part son traitement médiatique n’a pas grand-chose à voir avec les réalités juridiques : les licenciements boursiers sont bel et bien, et depuis longtemps, illicites.

03/06/2008

Modifier la qualification ou modifier les fonctions

Une salariée initialement embauchée en qualité d'assistante de direction a pris en charge la création du centre de documentation interne. A la suite de l'informatisation de son poste et de l'embauche d'un informaticien pour exercer les fonctions qu'elle occupait l'employeur lui a proposé de retrouver son ancien poste d'assistante. Devant le refus de la salariée, l'employeur la licencie pour faute grave.

Les juges du fond ont considéré que le licenciement était fondé sur une cause réelle, le changement de service ne constituant pas une rétrogradation, le contrat de travail de la salariée n'étant pas modifié aussi bien du point de vue statutaire que du lieu d'exercice de son activité ou de sa rémunération. Décision que censure la Cour de cassation qui retient qu'il appartenait aux juges de rechercher si le changement de fonction imposé à la salariée n'entrainait pas une diminution de ses responsabilités et l'accomplissement de tâches inférieures à sa qualification (Cass. soc., 18 avril 2008, n° 07-41.222).

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Yun - Refus (photographie retravaillée)
 
 L'analyse des juges est en fait la suivante : toute modification de la qualification d'un salarié est une modification du contrat de travail. Le passage du poste d'assistante de direction à celui de responsable du centre de documentation est une modification du contrat. Cette modification n'a pas été formalisée mais peu importe, une modification tacite est valable si elle est favorable au salarié. Lorsque l'entreprise demande à la salariée de reprendre ses anciennes fonctions, il s'agit de nouveau d'une modification de la qualification professionnelle. Peu importe que le salaire et le lieu de travail ne soient pas, eux, modifiés. Dès lors la salarié peut refuser ce retour arrière en estimant qu'il est moins favorable. Dans un tel cas, le licenciement ne peut avoir lieu pour faute, tout au plus pour la raison qui a conduit à proposer la modification mais jamais pour cause de refus de cette modification.
 

31/03/2008

Le droit frein aux licenciements ?

La négociation sur la modernisation du marché du travail repose en grande partie sur le rôle du droit du travail dans la gestion de l’emploi. Trop de droit tuerait l’emploi selon les confédérations patronales, pas assez de droit affaiblirait le salarié et l’emploi selon les organisations syndicales. D’où le donnant-donnant : plus de facilités pour rompre le contrat de travail contre plus de droits pendant et après le contrat. C’est en partie sur cet équilibre qu’a été construit l’accord du 11 janvier 2008.

Il est tentant de confronter ces postulats à quelques réalités chiffrées. La dernière note sur le marché de l’emploi publiée par la DARES le 25 mars dernier, nous indique que le nombre d’inscriptions à l’ANPE suite à un licenciement pour motif économique est d’environ 14 500 par mois, alors que 50 000 inscriptions font suite à un licenciement pour motif personnel. Soit une moyenne annuelle de 200 000 licenciements économiques et 600 000 licenciements pour motif personnel. Sur une population active de 16 millions de salariés dans le secteur privé, on arrive à 5 % de salariés licenciés chaque année.

Encore faudrait-il pondérer ces chiffres bruts : nombre de licenciements ne donnent pas lieu à inscription à l’ANPE (préretraites, emploi retrouvé sans délai, dispense de recherche d’emploi par l’ANPE pour les salariés âgés qui sont exclus des statistiques, etc.). Mais même en s’en tenant aux chiffres bruts la thèse selon laquelle le droit empêcherait le licenciement ne correspond pas à la réalité observée.

Pour mieux comprendre les enjeux réels de la négociation, il faut se reporter au rapport  du Ministère de la Justice publié en octobre 2005 sur les conflits du travail. Basé sur une analyse exhaustive de l’activité des conseils de prud’homme,  il nous apprend que 2,5 % des licenciements économiques donnent lieu à contentieux contre 22,5 % des licenciements pour motif personnel. Soit environ 200 000 conflits du travail nouveau chaque année.

On comprend mieux au regard de ces chiffres, l’objectif poursuivi par l’accord du 11 janvier 2008 lorsqu’il créé la rupture conventionnelle homologuée : il s’agit non pas de rendre la séparation plus facile mais d’en sécuriser les conséquences juridiques. Sont visés à titre principal : les licenciements demandés par les salariés qui souhaitent quitter l’entreprise tout en bénéficiant de leurs droits sociaux et les séparations négociées transformées en licenciement avec transaction pour « désocialiser et défiscaliser » les sommes versées aux salariés.

Si l’accord du 11 janvier 2008, sur ce point doit être défendu, on aurait pu souhaiter que les vrais objectifs soient clairement annoncés en lieu et place de vieilles lunes qui ne résistent pas à l’examen de la réalité.

24/03/2008

Une évaluation qui laisse des traces

La généralisation des entretiens d'évaluation et/ou des entretiens professionnels introduit une traçabilité sur l'appréciation et plus globalement sur la gestion des compétences des salariés. Cette traçabilité est opposable à l'entreprise lorsqu'elle met en cause les capacités professionnelles du salarié.

Dans une décision récente, la Cour de cassation (Cass. soc., 20 févr. 2008, n° 06-40.085) relève qu'un entretien d'évaluation contenant des appréciations positives a été réalisé avec un salarié moins bien payé que ses collègues. Le salarié ayant présenté des demandes de réajustement de salaire à l'entreprise puis saisi les prud'hommes sur la base du principe à travail égal, salaire égal, l'entreprise a été sommée de justifier l'écart de rémunération avec les autres salariés. Elle a avancé que le salarié avait des difficultés à travailler en équipe et qu'il était d'une susceptibilité excessive. Argument irrecevable selon la Cour de cassation dans la mesure où aucune évaluation n'était intervenue postérieurement à l'évaluation élogieuse. L'écart de salaire n'étant justifié par aucun élément objectif, il devait être rattrapé.

Cette décision illustre la difficulté que peut avoir une entreprise en cas de contentieux lorsque le contenu des entretiens d'évaluation soit ne correspond pas à la réalité, soit n'a pas consigné précisément toute la réalité. La traçabilité générée par les processus d'entretiens individuels ne tolère donc aucune approximation, ce qui n'a rien d'évident si l'on se réfère aux modalités selon lesquelles ces entretiens sont parfois réalisés.