En 1869 paraît à compte d'auteur un ouvrage qui va dynamiter, quelques années plus tard et après sa "redécouverte" par André Breton et Philippe Soupault, la littérature. L'ouvrage, composé de 6 chants (les chants, comme dans la Divine Comédie de Dante) s'intitule les Chants de Maldoror, il est signé du Comte de Lautréamont pseudonyme d'Isidore Ducasse. L'ouvrage est effrayant mais faut-il y voir seulement une blague potache à la Alfred Jarry, Maldoror n'étant qu'un avatar noir du Père Ubu ? peut-être s'il n'y avait "Poésies". Ce court ouvrage placé à la fin des Chants de Maldoror et qui semble en inverser toutes les valeurs. "Poésies" que Breton recopie à la bibliothèque nationale, après Rémy de Gourmont, et qui confère à l'ouvrage sa véritable portée. "Poésies" dont la lecture enchaînée à celle des Chants perturbera davantage le lecteur que la simple lecture des horreurs de Maldoror. Confronté à son inverse, le texte prend toute sa mesure.
Jean Benoit - Le bouledogue de Maldoror
Cet exercice d'inversion, Jean-Paul Jacquier, l'excellent animateur du non moins recommandable site Les clés du social (http://www.clesdusocial.com/) s'y est livré à propos d'un rapport remis en février dernier au Premier Ministre à propos du Bien être au travail. Les rapporteurs, dont on notera qu'ils ont interrogé moultes dirigeants mais peu d'intéressés, formulent dix propositions. Concluant que s'il y avait lieu de proposer c'est que l'action faisait défaut, Jean-Paul Jacquier nous livre les dix propositions inversées, ce qui donne :
Les directions générales et leurs conseils d'administration ne s'impliquent pas dans les questions de santé au travail
Les managers de proximité ne prennent pas en compte la santé des salariés
Il n'existe pas dans les entreprises d'espaces de discussion
Les partenaires syndicaux ne sont pas impliqués dans la construction des conditions de santé au travail
La mesure des conditions de santé au travail n'est pas engagée
Les managers ne sont pas formés et préparés à la conduite d'équipes
Les collectifs de travail sont réduits à l'addition d'individus
Les projets de réorganisation n'intègrent pas l'impact humain
Les entreprises ne se préoccupent pas des impacts extérieurs de leur activité, notamment sur les fournisseurs
Les salariés en difficultés ne sont pas accompagnés mais laissés seuls face à leurs problèmes
Comme pour Maldoror, c'est la proposition inversée qui nous délivre la clé du message. Vous pouvez également lire le rapport ci-dessous.
Jean Benoit et Mimi Parent en 1948
Petit hommage à Jean Benoit, auteur du fameux bouledogue de Maldoror, dont l'oeil pétillant et l'esprit libre vivent toujours et menacent les infirmières de leur éternelle vigueur.
Commentaires
Pourquoi les entreprises ne se préoccupent-elles guère de la santé mentale et du bien être de leurs salariés ? (mais dans les administration c'est pareil)
tout simplement parce que l'Etat providence a déresponsabilisé l'ensemble des acteurs sociaux.
La sécu est la soupape de sécurité et la bonne à tout faire d'organisations devenues toxiques mais qui avancent comme elles peuvent sur les flots agités de la mondialisation.
Les français sont les rois de la bricole au travail (on le voit avec la façon dont ils abordent la formation tout au long de la vie) mais leur amateurisme et leurs approximations se paient de plus en plus cher au niveau économique (et bientôt au niveau social).
Écrit par : cozin | 24/03/2010
Je ne suis pas certain que l'on puisse imputer à la sécurité sociale le faible intérêt des entreprises pour la santé au travail, le problème étant antérieur même à la création de la sécu. Quant à la bricole, en bon latin j'ai tendance à la considérer avec bienveillance voire plus. La compétence existe tout de même dans ce pays. Par contre, je pense qu'une certaine culture rationaliste et scientifique qui caractérise la formation des élites et des dirigeants d'entreprises prépare bien mal à la prise en compte du facteur humain, par nature irrationnel, peu prévisible et ingérable. Ce ne sont pas quelques heures de management et de ressources humaines noyées au milieu d'approches mathématiques qui vont changer grand chose.
Écrit par : jpw | 24/03/2010
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