02/02/2009
Primum vivere, deinde philosophari
Par deux décisions sans lien apparent entre elles rendues le même jour, la Cour de cassation fait un peu de pédagogie sur l’application du droit. Dans une première affaire, elle considère qu’un cadre dirigeant ne peut avoir cette qualité du seul fait qu’il est désigné comme tel par un accord collectif : il faut vérifier si ses conditions réelles d’emploi remplissent les conditions de la définition légale du cadre dirigeant à savoir un large pouvoir, une rémunération parmi les plus élevées et une liberté quasi-totale d’organisation de son temps (Cass. soc., 13 janv. 2009, n° 06-46.208). Dans la deuxième affaire, un administrateur de société avait conclu un contrat de travail avec cette même entreprise. Contrat nul dit la Cour d’appel car conclu avant la création de la société. Erreur répond la Cour de cassation, l’existence d’un contrat de travail dépend uniquement des conditions dans lesquelles se réalise la prestation et non de la dénomination donnée à la convention ou de la date de signature du contrat (Cass. soc., 13 janv. 2009, n° 07-40.077). On pourrait appeler cela un retour à la réalité. Dans les deux cas, la Cour de cassation nous rappelle que le fait prime et que faire du droit c’est d’abord observer la réalité avant d’aller se perdre dans les règles.
Blaise Cendrars aimait la réalité, et c’est en elle qu’il allait se perdre avant d’écrire livres et poèmes. Etre capable de côtoyer toutes les classes sociales avec le même plaisir, de voyager en cabine de luxe sur un transatlantique ou de bourlinguer en fond de cale sur un cargo, être à la fois un gentlemen et un voyou, un poète et un engagé de la première heure dans la première guerre mondiale…bref éprouver le plaisir total de la vie n’a jamais empêché la pensée de se développer, bien au contraire. Vivre c’est penser à condition, comme le rappelle la Cour de cassation, de le faire dans le bon ordre : primum vivere, deinde philosophari.
11:43 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cadre, cendrars, delaunay, cour de cassation, contrat de travail
30/10/2008
Rupture conventionnelle : le Quizz
La rupture conventionnelle du contrat de travail pose quelques questions, pas toujours exclusivement juridiques. En voici 6 :
- Quelle est la différence entre une rupture conventionnelle et une transaction ?
- Après l’homologation de la rupture conventionnelle, est-ce que le salarié est privé de tout recours contentieux ?
- Quel contrôle l’URSSAF peut-elle opérer sur la rupture conventionnelle ?
- Peut-on conclure une rupture conventionnelle en cours de procédure de licenciement (après l’entretien préalable par exemple et avant notification) ?
- Peut-on mettre une clause dans la rupture conventionnelle qui interdit aux parties de saisir les prud’hommes sur toute question concernant le contrat de travail après sa rupture ?
- Que peut faire l’employeur si un salarié souhaite conclure une rupture conventionnelle et réalise moins bien son travail pour forcer l’accord de l’employeur ?
00:05 Publié dans QUIZZ's | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : rupture conventionnelle, transaction, licenciement, contrat de travail
29/10/2008
Clause de mobilité et mutation discrétionnaire
La tentation peut être grande d'inclure dans le contrat de travail des clauses qui imposent par avance des obligations aux salariés. Par exemple, la clause de variation d'horaires ou la clause de mobilité. Dans deux décisions récentes, la Cour de cassation rappelle que de telles clauses ne constituent pas un blanc seing pour l'employeur. Dans la première affaire, une salariée travaille à Marseille. Elle a dans son contrat une clause prévoyant la possibilité de déplacements de longue durée. Au cours d'un congé parental à temps partiel, son employeur lui demande de venir effectuer une mission de longue durée sur Paris. Suite au refus de la salariée, il la licencie. Licenciement injustifié dit la Cour de cassation. Les juges doivent vérifier si la mise en oeuvre de la clause contractuelle ne portait pas une atteinte au droit de la salariée à une vie personnelle et familiale et si une telle atteinte pouvait être justifiée par la tâche à accomplir et était proportionnée au but recherché (Cass. soc., 14 octobre 2008, Stéphanie M. c/ Pricewaterhouse Coopers Développement SA). Une clause de mobilité, de même, ne confère pas à l'employeur un droit de mutation discrétionnaire : l'entreprise doit justifier l'intérêt de la mesure prise.
00:05 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : clause de mobilité, mutation, contrat de travail, licenciement
28/10/2008
Rupture conventionnelle : modèles
La rupture conventionnelle du contrat de travail permet de sécuriser le processus de rupture et d'éviter tout risque de contentieux ou presque. Le presque réside dans le fait que le salarié peut plaider le vice de consentement et tenter de démontrer que son accord lui a été extorqué. Pour totalement sécuriser le processus, il est conseillé :
- de tenir deux entretiens et d'acter dès le début de la procédure que l'on engage des discussions en vue de la rupture du contrat de travail ;
- de remettre au salarié une notice d'information sur ses droits afin qu'il puisse négocier en toute connaissance de cause (comme dans toute négociation, le processus de négociation doit être loyal et débute par une remise d'information pour que les parties soient placées sur un pied d'égalité) ;
- de signer une convention de rupture distincte du formulaire d'homologation. En effet, ce formulaire est incomplet et ne permet pas de régler toutes les questions posées par la rupture et la fin du contrat.
00:05 Publié dans SERVEZ-VOUS | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : rupture conventionnelle, contrat de travail, modèle de rupture, procédure
24/10/2008
Travail à domicile
Le domicile du salarié est un lieu privé qui ne saurait être à la disposition de l'employeur. Les tribunaux font une application régulière de ce principe qui nous fournit une base précise pour trancher différents litiges. Deux viennent régulièrement devant le juge. Le premier concerne la possibilité même de travailler à domicile. Une telle possibilité ne peut que résulter d'un accord, tant pour décider d'utiliser le domicile privé comme lieu de travail, que pour décider que dorénavant le travail du salarié s'effectuera dans l'entreprise. Même en présence d'une clause de mobilité, dès lors qu'il est convenu qu'une partie du travail s'effectuera à domicile, il ne peut être revenu sur cette disposition que par accord (Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-43.592). Le télétravail doit ainsi être mis en oeuvre par accord avec le salarié et ne peut être supprimé que par accord avec le salarié.
00:05 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : travail à domicile, contrat de travail, indemnité, salarié
06/10/2008
Stagiaires à l'essai
La loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 fait produire des effets à la période de stage réalisée en entreprise en cas d'embauche ultérieure : "En cas d’embauche dans l’entreprise à l’issue du stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d’études, la durée de ce stage est déduite de la période d’essai sans que cela ait pour effet de réduire cette dernière de plus de la moitié, sauf accord collectif prévoyant des stipulations plus favorables "(art L1221-24 du C. trav).
Cette disposition pose deux questions : doit-on appliquer cette disposition indépendamment de l'emploi sur lequel est embauché le stagiaire et pendant quel délai cette règle s'applique-t-elle ?
Pour la première question, le texte ne prévoit pas, comme pour l'embauche après un CDD ou un contrat d'intérim, une prise en compte uniquement en fonction de l'emploi occupé. Ce qui est logique car un stagiaire n'occupe pas un emploi, il ne peut donc pas y avoir analogie avec les CDD ou l'intérim. On considère ici que la connaissance de la personnalité du stagiaire permet de raccourcir la période d'essai de moitié. Après un stage de six mois, la période d'essai ne peut être que de deux mois en cas d'embauche sur statut cadre et de quatre mois en cas de renouvellement (au lieu de 4 ou 8 mois).
00:05 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : stage, stagiaire, période d'essai, contrat de travail, droit du travail
03/10/2008
Mettre fin à l'essai
La loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 modifie les règles de calcul de la période d’essai, mais introduit également un préavis légal qui doit être respecté en cas de rupture par l’une ou l’autre des parties. La durée de ce préavis n’est pas identique pour l’employeur et le salarié : si ce dernier doit un préavis de 48 h, ramené à 24 h dans les 8 premiers jours de l’essai, l’employeur doit un délai de 24 h si le contrat a moins de 8 jours, 48 h entre 8 jours et un mois, deux semaines après un mois de présence et un mois après trois mois de présence. Pour un cadre qui aurait une période d’essai de quatre mois, il faudrait donc prendre la décision au bout de trois mois pour l’informer de la poursuite ou non du contrat. Ce qui réduit d’autant la durée de la période d'essai
Toutefois, l’article 1221-25 qui fixe ces durées précise que la durée du préavis ne peut avoir pour effet de prolonger la période d’essai. Si je préviens le cadre 15 jours avant la fin du contrat, celui-ci n’est pas prolongé pour autant. Quid alors du non-respect du préavis ? s’il n’a pas pour effet de prolonger le contrat, il faut considérer que, comme tout préavis du par l’employeur qui n’est pas exécuté il doit être payé. Dans ce cadre, l’entreprise conserve le droit de rompre le contrat jusqu’à la fin de la période d’essai, mais si la date de la décision ne permet pas le respect du délai de prévenance, le salarié a droit à un préavis payé qui demeure sans effet sur le contrat. En pratique, le cadre prévenu à 15 jours du terme de la période d’essai que son contrat n’est pas poursuivi aura droit à 15 jours d’indemnité pour tenir compte du délai de prévenance d’un mois. Le prix de la décision tardive.
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08:19 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : période d'essai, préavis, contrat de travail, rupture, modernisation marché du travail
29/09/2008
L'anomalie de la Tour Eiffel
Le contrat saisonnier se distingue du contrat à durée déterminée d'usage en ce qu'il porte sur des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs. Dans une décision du 17 septembre 2008, la Cour de cassation rappele la définition du travail saisonnier et refuse cette qualification à un chauffeur de carrière au motif qu'il est soumis à des variations climatiques. Elle avait déjà jugé, en décembre 2007, que la fabrication de pizzas surgelés ayant lieu toute l'année avec un pic d'activité à certaines périodes ne pouvait être une activité saisonnière (5 décembre 2007). La même décision avait été rendue à propos d'une usine de production de bière (9 mars 2005). La Cour de cassation refuse en effet que le simple pic d'une activité qui est continue sur l'année permette de conclure des contrats saisonniers et d'éviter le paiement de la prime de précarité (l'avantage du contrat saisonnier pour l'entreprise par rapport au surcroit d'activité est un coût inférieur de 10 % et la possibilité de ne pas avoir un terme précis).
Cette jurisprudence serait cohérente s'il n'y avait l'anomalie de la Tour Eiffel : en 1999 la Cour de cassation a estimé que le CDD conclu avec une caissière de la Tour Eiffel pour la période d'affluence des touristes était bien un contrat saisonnier. Or la Tour Eiffel est bien ouverte toute l'année avec des pics d'activité à certaines périodes. Pourquoi dès lors refuserait-on des contrats saisonniers aux grands magasins pour les périodes de solde ou à l'entreprise qui fabrique des climatiseurs et connaît des pics d'activité avant l'été ? si c'est parce que l'activité relève du secteur du tourisme, alors il fallait en conclure que l'entreprise devait faire un contrat d'usage, et non un contrat saisonnier. Concluons que l'affaire constituait un cas d'espèce...et qu'il s'agit d'une jurisprudence du siècle dernier qui a déjà beaucoup vieilli.
00:05 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : tour eiffel, texas, paris, cdd, saisonnier, contrat de travail
08/07/2008
Qu'est-ce qu'un contrat ?
Un peu de latin trouvé dans un recoin de souvenirs permet de répondre à la question: le droit romain distingue le negotium, le contenu du contrat, et l'instrumentum, le support du contrat. Autrement dit, ne confond pas le fond du contrat, ce sur quoi porte l'accord, et sa forme, par exemple l'écrit qui lui sert de support. Combien de salariés après des années passées dans l'entreprise me disent : "Vous vous rendez compte, je n'ai même pas de contrat !". Mais si. Mais pas écrit.
Le nouveau code du travail est sur ce point plus clair que l'ancien. Il précise : "Le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter" (art. L. 1221-1). Il en résulte que le contrat n'est pas nécessairement écrit, sauf lorsque la loi l'impose, ce qui est le cas pour les contrats à durée déterminée ou à temps partiel.
Demeure la question : puisque le droit nous laisse libre, que mettre dans un contrat de travail ? pour répondre, il faut considérer que le contrat est un triptyque.
La troisième partie est également informative. Elle rappelle les éléments de la relation qui ne sont pas contractuels et que l'employeur peut modifier unilatéralement : horaires de travail (sous réserve de ne pas déséquilibrer le contrat), contenu des fonctions (sous réserve de la qualification), remboursement de frais, moyens professionnels mis à disposition du salarié, etc.
00:05 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : contrat de travail, droit du travail, bacon, triptyque, modification, pouvoir, direction
03/06/2008
Modifier la qualification ou modifier les fonctions
Une salariée initialement embauchée en qualité d'assistante de direction a pris en charge la création du centre de documentation interne. A la suite de l'informatisation de son poste et de l'embauche d'un informaticien pour exercer les fonctions qu'elle occupait l'employeur lui a proposé de retrouver son ancien poste d'assistante. Devant le refus de la salariée, l'employeur la licencie pour faute grave.
Les juges du fond ont considéré que le licenciement était fondé sur une cause réelle, le changement de service ne constituant pas une rétrogradation, le contrat de travail de la salariée n'étant pas modifié aussi bien du point de vue statutaire que du lieu d'exercice de son activité ou de sa rémunération. Décision que censure la Cour de cassation qui retient qu'il appartenait aux juges de rechercher si le changement de fonction imposé à la salariée n'entrainait pas une diminution de ses responsabilités et l'accomplissement de tâches inférieures à sa qualification (Cass. soc., 18 avril 2008, n° 07-41.222).
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