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02/08/2013

Un chemin sans fin

A l'ouest de Kyoto, au pied des collines, bordant un ruisseau d'eau claire, serpente le chemin des philosophes. La voie fût ainsi nommée en hommage à Nishida Tikaro qui s'y promenait, et donc y travaillait, rejoignant la cohorte des philosophes marcheurs (Aristote qui se promenait avec ses élèves, Kant et ses marches quotidiennes, Rousseau au bord des lacs d'Annecy et de Genève, Heidegger dans les Monts de Bavière, Nietzsche, dans l'Engadine, ...). Mais les poètes les plus inspirés étaient également de grands marcheurs, Rimbaud ou Holderlin par exemple. Et tout marcheur qui se respecte se surprend à être à la fois philosophe et poète. Ce qui accroît son champ de vision.

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Tous ceux qui marchent reviennent à la nature première de l'homme : le nomadisme. Car l'homme sédentaire est une création moderne qui trouve son aboutissement dans l'homme assis à son bureau. Heureusement pour les toqués de la technologie, et ils ne sont pas rares au Japon, la technologie est redevenue mobile ce qui permet au moins de prendre l'air. Conseillons Montaigne à ces salary men : "Mes pensées dorment si je les assis".

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Suivons donc Montaigne et revenons au chemin des philosophes : "Philosopher c'est être en route" disait Karl Jaspers. Une fois la route prise, le rêve vient plus facilement au marcheur qu'au dormeur.

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Le rêve est-il prémonitoire, explicatif, illustratif, dépourvu de sens, fantasme, inconséquence, refoulement, défoulement, exutoire, envie, plaisir...? Mais nous sommes au Japon, ne l'oublions pas, pays non pas des contraires mais de la dialectique, de la synthèse et de ses belles créations. On voudrait qu'il ne finisse jamais le chemin des philosophes.

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01/08/2013

Ne pas oublier d'oublier

Au détour d'un corridor, d'un tatami, d'une porte coulissante, d'un bosquet, d'un chemin que les arbres, mousses et rochers accueillent, la surprise vous guette. Car si les temples japonais sont lieux de méditation, ils sont également conçus pour dérégler vos repères, perturber vos habitudes et au sens premier de l'expression, vous faire perdre la raison. Car il faut se perdre, mais se perdre vraiment pour se retrouver.

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Comme partout ici, c'est le dialogue entre les éléments qui importe, plus que les parties ou le tout. Ainsi, devant le Pavillon d'or on repense à Mishima pour qui le temple puise sa force dans la sensualité de l'étang. Comment dire plus simplement que l'individu est indétachable de l'environnement dans lequel il vit ?

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Ce matin je lisais Christian Garcin à propos du jardin zen de Ryôan-ji : dans ce jardin 15 rocs, mais où que l'on soit assis, on ne peut jamais en voir que 14. Garcin racontait le sentiment de honte qu'il éprouvât à se mettre sur la pointe des pieds, en bout de jardin, pour apercevoir les 15 : "...honte de m'être conduit comme un Occidental sceptique et raisonneur, un petit malin qui veut à toute force démontrer qu'il peut avoir raison face à une règle ancienne, traditionnelle, établie". Il est vrai que pour prendre plaisir à la règle, il faut mettre son ego dans sa poche, et pour apprécier les jardins zen aussi.

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Plus que l'ego d'ailleurs, ce sont les trois humiliations de Freud qu'il nous faut oublier avant de plonger dans les jardins zen : l'homme n'est pas le centre de l'univers, l'homme est un animal et sa volonté est incapable de gouverner chacun de ses actes. Une fois dépassé tout ça, cela va tout de suite mieux.

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31/07/2013

Papilles

Les juristes savent que l'on juge rapidement le niveau de démocratie d'un pays en consultant son code pénal. Celui du Japon, qui date de 1907 même s'il a évolué depuis, était considéré comme l'un des plus progressistes du début du siècle. Tel serait toujours le cas s'il ne persistait à faire une place à la peine de mort. Mais on pourrait également apprécier le degré de raffinement d'un pays à sa gastronomie. Même si en ce domaine l'abolition de la mort de l'animal n'est pas pour demain.

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Le travail de tout cuisinier débute au marché. Qui n'aime pas les étals ne peut prétendre cuisiner. Et comment résister au plaisir de la dégusation en passant ? après la mise en bouche, le passage à table s'impose.

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Les meilleures surprises ne sont pas dans les guides. Elles se dévoilent au détour d'une rue, l'appel d'une enseigne, le sourire d'une serveuse ou d'un client, l'atmosphère qui telle une senteur de printemps, pleine de promesse, gagne le trottoir et vous  attrape au gosier pour ne plus vous lâcher. Il faut entrer !

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Poisson cru avec salade piquante, potiron rôti au jambon sec, purée de choux poivrée, omelette au thé et coulis de tomate, poulpe à la sauce douce sur salade amère.

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Les mêmes avec du poulet caramélisé sous les herbes folles, suivis de travers de porc moelleux dans leurs jus accompagnés d'un méli-mélo de salades. Allez, avec le décalage il va être temps de passer à table !

30/07/2013

Du boulot pour le Sphinx

Le hasard les regroupa un instant sur un bout de trottoir, comme une illustration des trois âges de la vie tels que les envisagèrent les Pères du désert : la connaissance de soi, la connaissance de l'autre et le cheminement vers Dieu.

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Le plus jeune est assis, replié sur lui-même, dos à la rue, sans souci du monde extérieur.  L'adulte est debout, face au monde, cherchant avec son portable la relation à l'autre. Le plus âgé chemine. Il va sans regarder la route, le chemin qu'il suit n'est pas celui du trottoir. Pour tous les trois, la réalité est celle de leur pensée, très loin de l'arrêt de bus. En quelques annnées, l'homme qui marche sera devenu l'homme qui communique puis l'homme assis qui voyage sans bouger. Le Sphinx et Oedipe vont devoir réviser leur dialogue.

29/07/2013

Faire corps avec son travail

Si l'on associe l'idée que l'on se fait des japonais au travail, avec l'effervescence de tout marché en quelque point du globe, on se dit que le marché aux poissons de Tokyo doit être un spectacle extraordinaire : valse des boîtes, des couteaux, de la glace, hystérie des enchères, chorégraphie des livreurs, courses folles des chariots que leurs conducteurs propulsent dans les allées sans considération pour le chaland. On en salive d'avance. Oui mais voilà, c'est tout de même les vacances et lorsque l'on arrive sur place, rien, plus de bruit, pas d'agitation, quelques retardataires qui terminent au jet d'eau le grand nettoyage. Et le silence de l'après.

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Ah si, en voilà tout de même un, travailleur. Enfin on le suppose comme on suppose qu'il apprécie ce temps de nonchalance, soustrait au rythme trépidant des petits matins.

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Mais en fait on en sait rien. Comme la position semble avoir du succès, peut être s'agit-il d'un rite, d'une tradition locale ou d'une politique de santé publique.

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Quoi qu'il en soit, tout le monde n'est pas au même régime si l'on en croit cette réunion, où l'on ne sait pas très bien si le chef est en train de parler, si tout le monde fait une microsieste, s'il s'agit d'un brain storming à haut niveau de concentration, si tout le monde vient de s'apercevoir que le dossier remis n'est pas le bon mais fait comme si, ou bien si chacun a dissimulé au milieu de ses dossiers une poésie de Jérome Leroy écrite sous un citronnier grec.

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Toujours est-il qu'après cette séance intense, le corps aura besoin de quelques assouplissements pour se remettre de cette très mauvaise posture. Conseillons aux réunionneurs de suivre l'exemple de ce chauffeur qui fait corps avec son camion. Le travail, c'est quand même mieux lorsqu'on le personnalise.

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26/07/2013

Le soleil ne s'est pas couché

C'est un peu le principe lorsque l'on part vers l'Est : on avance plus vite que le temps, et si l'on fait le voyage par le Nord (côte nord de la Russie puis descente à travers la Sibérie) on échappe à la nuit. Et lorsque l'on arrive au pays du soleil levant, en fait il ne s'est pas couché. Mais après le sevrage printanier, 36 heures de soleil consécutives, ce n'est pas de trop. Surtout quand on est aussi bien accueilli. Les grues font un salut de bienvenue.

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D'autres clins d'oeil sont plus discrets, mais bien présents.

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Sous l'effet du soleil, on se demande si l'hallucination ne rôde pas : ce ne sont pas les quatre garçons dans le vent sur le passage d'Abbey Road ? Non, juste des salary men pressés qui ne remarquent plus l'immeuble qui se gondole au soleil.

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Mais en matière d'hallucination, il est fort probable que le meilleur reste à venir.

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09/11/2012

Un parcours à étapes

Certes rien ne presse, vous avez jusqu'au 17 mars, mais ne manquez surtout pas l'exposition consacrée à Van Gogh et Hiroshige à la Pinacothèque. Les peintures de Van Gogh sont, comme toujours, flamboyantes et inspirées, mais en l'occurence elles constituent une excellente mise en bouche avant d'admirer les estampes d'Hiroshige. Peintre du voyage, Hiroshige a notamment peint les 50 étapes du parcours qui relie Tokyo (Edo à l'époque) à Kyoto. Le parcours comme un carnet de voyage, une carte routière, une oeuvre d'art, un temps de contemplation où le chemin est plus important que l'arrivée. Car un voyage a une unité, sa vérité propre, inscrite dans le temps de sa réalisation. Et celui qui parvient au terme du voyage n'est jamais exactement celui qui fit le premier pas.

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Dans les estampes d'Hiroshige, chaque étape ne prend sens qu'en ce qu'elle est un moment du parcours. Et c'est en embrassant l'ensemble de la marche que l'on peut prendre conscience des transformations que le cheminement opère sur le marcheur.

Si les partenaires sociaux et les pouvoirs publics souhaitent que les parcours professionnels, et leur sécurisation, ne restent pas que des mots, alors il devient urgent de donner au parcours une réalité tangible, d'en reconnaître l'unité et de ne pas se contenter d'en gérer les étapes. C'est dans son ensemble que le parcours doit pouvoir être appréhendé, géré, financé, accompagné. Tel est le sens de la chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF qui invite les partenaires sociaux à franchir le Rubicon à l'occasion des négociations en cours sur la sécurisation de l'emploi. Parce que là, il y a urgence.

À LA RECHERCHE DU PARCOURS.pdf

13/07/2012

Qui sait ?

L'homme de gauche, qui dort les bras croisés sur sa mallette, s'est peut être levé très tôt. Il a sans doute parcouru en train puis en métro des distances longues au milieu de banlieues improbables de villes longues. Il est arrivé tôt à son travail qu'il a entrepris sur un rythme intense. Les dossiers sont complexes, les exigences multiples, l'énergie nécessaire immense. Il n'a guère pris le temps de manger. Il a fini tard. Puis il a marché jusqu'au métro et repris le chemin long qui le mène à son appartement étroit. Il est tard, c'est le dernier métro, il dort. Rentré chez lui, il saluera son épouse puis ira se coucher.

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L'homme du milieu, qui dort les mains croisées sous sa sacoche, s'est peut être levé tôt. Son bagage est lourd. A l'intérieur, des instruments de mesure du bruit. Il travaille pour la Mairie et mesure l'intensité des bruits lorsque des habitants se plaignent de pollutions sonores. Il est en jean car son travail se déroule essentiellement dehors. Aujourd'hui, il mesurait les bruits près d'un chantier puis il a déjeuné de quelques makis sur une place arborée. Il a mesurée le bruit des feuilles des grands arbres que le vent secouait. Il a été surpris par le nombre de décibels. Il a été surpris aussi par une jeune fille qui riait en le regardant faire et plus encore quand il s'est aperçu que s'était sa petite amie. Elle l'a entraîné pendant une heure dans un love hôtel. Culpabilisé d'avoir abandonné son travail pendant un temps, mais secrètement heureux de s'être offert ce luxe inouï, il est retourné à la mairie. Puis il a accompagné ses collègues de bureau dans plusieurs bars et ils ont bu du saké. Il est sorti juste à temps du dernier bar pour prendre le dernier métro. Maintenant il dort.

Le troisième homme fait semblant de lire, mais il dort aussi. A-t-il travaillé ou a-t-il fait semblant également toute la journée ? c'est lui qui a pris la photo et m'a raconté l'histoire de ses deux covoyageurs qu'il croise tous les matins. Mais au final, il m'a indiqué qu'il ne savait plus très bien si c'était celui de gauche ou celui du milieu qui mesurait les bruits, ou si ce n'était pas un troisième qui n'est pas sur la photo. Il se demande même s'il n'a pas rêvé cette histoire. Qui sait ? et vous, en regardant la photo, vous savez ?

03/01/2012

Futurisme

En 2012, le futur a toujours de l'avenir

 

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1907-2012

 

EN 2012

Le CABINET WILLEMS CONSULTANT

 

VOUS SOUHAITE DE BELLES DECOUVERTES

ET DE CONTINUER A APPRENDRE

18/03/2011

Utopie désirable

Frédéric Charles est un journaliste Suisse qui vit depuis trente ans au Japon. Correspondant de Radio France et divers autres medias, il est très connu en Suisse, sous son véritable nom qui est Georges Baumgartner, et depuis peu un peu partout ailleurs, sous son pseudo de journaliste qui est donc Frédéric Charles. Il se préparait à intervenir au Grand Journal de Canal plus. Et puis la question de Denisot : "Mais Frédéric, pourquoi restez-vous au Japon ?". La réponse fuse: "parce que pour moi c'est le pays de l'utopie du désirable".

Les utopistes a en croire leurs comptenteurs, ont la tête dans les étoiles, des théories pour compagnes et le rêve comme horizon. Bien sur. Et il y aurait de l’autre côté les réalistes, qui connaissent la mesure des choses, à qui on ne la fait pas, qui ont les deux pieds sur terre (pratique non ?) et qui professent sentencieusement, avec la conviction de celui qui est du bon côté du manche. Ils ne remarquent pas, les réalistes, qu’ils sont souvent un peu grincheux et aigris, que leur manière de rappeler régulièrement qu’il ne faut pas demander l’impossible sent  l’impuissance et la capitulation, que la réalité est un mur auquel se cognent surtout ceux qui y croient. La défiance leur tient lieu de conviction et l’humanisme est un luxe de riche au ventre plein. Pas une utopie à la mode de ce tableau de Tarbell dans lequel le jeu des regards trace un espace de connivence utopique entre les personnages et entre eux et nous.

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Emdund Charles Tarbelle - Au verger - 1891

Les réalistes ont quitté le Japon. Ils savent que catastrophe il y aura. Partout et toujours. Repli. Sur soi évidemment. leur dernier mot ?

Frédéric Charles n’a pas quitté le Japon. Il n’est pas réaliste. Pourtant il décrit ce que vivent les Japonais. Il décrypte leur silence, leur calme, leur peur qu’ils tiennent en lisière. Lorsqu’il ne s’agit plus de gestes sans importance, lorsqu’il s’agit de prendre véritablement position, lorsqu’il s’agit de s’engager, pas de surprise les utopistes sont toujours là, les réalistes ont déserté. Au nom du principe de réalité. On sait avec qui on souhaiterait être ami. Et on comprend au passage que le vrai professionnel vit personnellement un peu au-delà de sa compétence. Merci monsieur Frédéric Charles.