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18/09/2013

Le droit et la justice

Si l'image retient souvent l'attention des hommes, ce sont les femmes qui réagissent plus spontanément au discours qui l'accompagne. Lorsque j'affirme que le droit et la justice sont deux champs distincts, je n'ai jamais rencontré, et je ne crois guère au hasard, que des protestations féminines pour tenter d'argumenter en sens inverse. Soit, dans une acceptation judiciaire de la justice, en me rappelant que les tribunaux sont là pour faire respecter la loi, soit, dans une optique plus philosophique, pour affirmer que toute règle a un fondement moral. J'apprécie toujours que l'on me porte la contradiction, mais en l'occurence les arguments ont du mal à porter.

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Lucas Cranach - La justice - 1537

Concernant les tribunaux, ils veillent moins à l'application du droit qu'ils ne tranchent des litiges. L'horizon du juge c'est moins la règle, qui n'est jamais qu'un moyen, que de démêler une situation et d'y apporter une solution. Pour l'approche philosophique, si la règle peut être, ou avoir été, porteuse de morale, il n'en reste pas moins qu'elle est avant tout une règle technique et que l'esprit des lois est plus souvent dans l'usage que l'on en fait que dans la règle elle-même. Un texte, lorsqu'il a été adopté, échappe à ses auteurs et devient une norme technique que chacun va tenter d'interpréter et d'utiliser au mieux des intérêts qu'il défend. Inutile dès lors de se réfugier derrière la règle. Chacun est responsable personnellement de l'usage qu'il fait du droit. Et c'est pourquoi, judicieusement, Lucas Cranach n'a surtout pas bandé les yeux de la justice.

17/03/2008

La compétence, c'est choisir

 Bien sur, le serpent dans l'arbre pourrait être un indice. Mais pourquoi Adam s'en méfierait-il ? la nature autour de lui n'est pas hostile et les animaux sont tous bienveillants. Le lion cohabite avec l'agneau, les humains sont de manière évidente au milieu des animaux, la nature est luxuriante, nulle crainte, nulle menace, nul danger n'habite ce tableau. Il faut connaître la fin de l'histoire pour voir dans le serpent le messager du désastre.

 Pourtant, Adam semble pris d'un doute : l'interdit  est présent dans son esprit, le seul interdit du paradis. 

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Mais dans un contexte de bonheur, de paix, de tranquillité, l'interdit paraît bien anodin. S'agit-il vraiment de transgresser et de défier Dieu ? pas vraiment. Bercé par le contexte paradisiaque, Adam n'est plus en capacité de mesurer, d'imaginer, la conséquence de l'acte. Eve en sait-elle plus ? son regard pourrait le suggérer mais sans qu'il ne soit possible de trancher clairement : excès de confiance ? volonté de défier le pouvoir divin ? volonté de sortir de l'ennui du quotidien du paradis au risque de basculer dans l'inconnu ? goût du jeu ? difficile de prêter une véritable intention à Eve, par contre sa détermination est évidente au regard des hésitations d'Adam.
 
On connaît la suite : Adam croquera la pomme, déclenchant la colère divine. L'acte sera jugé comme une rébellion insupportable contre la soumpission requise à Dieu, sur un seul point certes, mais tout de même. Un acte, une seconde, et l'humanité toute entière se retrouve à jamais chassée du paradis.
 

Si l'on veut bien considérer que la compétence est une capacité à agir en situation ou, pour le dire autrement, qu'il n'y a de compétence que dans l'action, alors on admet qu'à un moment donné se pose la question fondamentale du choix. Que faire ?  l'expérience, les connaissances, la compétence in fine ramenées à une question binaire : faire ou ne pas faire. Ce choix constitue une mise sous tension de l'individu qui, lorsqu'il est confronté à une situation qu'il n'a jamais rencontrée et qu'il doit résoudre sans mode d'emploi préétabli, est, comme Adam, mis en demeure de choisir sans être certain de maîtriser tous les paramètres de la situation tant au niveau du diagnostic que des conséquences. Et pourtant il faut bien choisir, renoncer à le faire serait déjà un choix.

L'évolution des contenus des emplois, l'importance de la dimension relationnelle et comportementale, la rapidité des évolutions techniques et organisationnelles ont sans doute multiplié les confrontations de l'individu avec des situations inconnues. Sans doute faut-il chercher là une des causes de la montée du stress au travail. Cette évolution appelle deux remarques. La première est que l'organisation doit prendre sa part dans le traitement de ces situations en n'abordant pas la question de la compétence uniquement du point de vue individuel mais également du point de vue collectif et de l'agir ensemble. Une fois cette condition remplie, la deuxième remarque est qu'il serait paradoxal de s'offusquer d'avoir un prix à payer pour la liberté.