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13/10/2010

Pas de motif, un seul motif

Le droit du travail oblige parfois l'employeur à motiver ses décisions, notamment en matière disciplinaire ou de licenciement. Mais ce principe n'est pas général et certaines décisions, qui pourtant font grief au salarié ce qui justifierait, sur le principe, qu'il puisse en connaître les raisons, n'ont pas à être motivées. Pourquoi cette différence ? avançons une explication sans avoir vérifié si elle ne comportait pas de contre-exemple. Deux lois relativement récentes ne font pas obligation à l'employeur de motiver sa décision qui doit pourtant être écrite. Elles nous permettent peut être de comprendre pourquoi certaines décisions n'ont pas à être motivées : parce qu'il n'existe qu'un seul motif possible. L'unicité du motif est un thème cher à Jean-Pierre Balagué, peintre toulousain.

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Jean-Pierre Balagué - Sans titre - 2004

La loi du 25 juin 2008 a réformé le droit de la période d'essai en prévoyant une rupture possible par l'employeur sous la seule condition de respect d'un préavis mais sans motivation. Pourquoi ? parce que le seul motif possible de la rupture d'une période d'essai est une évaluation négative des compétences du salarié dans son travail, ce qui est l'objet même de la période d'essai (C. trav., art. L. 1221-20). Si le salarié prouve que d'autres motifs sont à l'origine de la rupture (motif économique notamment ou motif non inhérent à l'appréciation de ses capacités), la rupture sera considérée comme abusive. Un peu antérieure, la loi du 4 mai 2004 a introduit dans le code du travail le droit individuel à la formation (DIF) conçu par les partenaires sociaux. Ce droit nécessite un accord entre l'employeur et le salarié pour pouvoir être mis en oeuvre. Si l'employeur refuse une demande de DIF il n'a pas, légalement, à motiver ce refus. Pourquoi ? parce que le seul motif de refus possible est un désaccord sur la formation choisie par le salarié. Il n'est en effet pas question pour l'employeur de nier le DIF mais simplement d'en négocier la mise en oeuvre. Dès lors, en cas de refus, inutile pour le salarié de s'entêter à représenter des demandes similaires. Mieux vaut inverser la proposition et demander à l'employeur quelles sont les formations pour lesquelles il est prêt à accepter une demande de DIF. Ce qui renverra l'entreprise à l'obligation de décider d'une politique de DIF qu'elle doit présenter tous les ans au comité d'entreprise. Certaines conventions collectives imposant la motivation, les entreprises ont tout intérêt à s'en tenir au motif légal. En effet, un refus fondé sur une absence de budget ou un refus de financement de l'OPCA pourrait être criticable car étranger au seul motif légalement prévu. Et l'on constate qu'absence de motivation ne signifie donc pas totale et discrétionnaire liberté de décision.

Commentaires

Bonjour,

A mon avis, il ne faut aucun doute qu' un refus de DIF ne peut être l'expression que d'un désaccord sur le choix de l'action de formation. Reste à savoir ce que l'on entend exactement par "action de formation" car il est probable que la jurisprudence considérera que cette notion va bien au-delà du simple choix du "thème" de la formation stricto sensu (par exemple choix de l'organisme voire le coût de la formation jugé excessif).

Mais en tout cas, on est bien d'accord la-dessus : un motif étranger au choix de l'action de formation doit être considéré comme illégal. On est ici bien au-delà de la discrimination ou l'abus de droit...

Vous avez raison d'insister sur le fait qu'il ne faut pas confondre motif et motivation...Parce que cette confusion est souvent faite.

Ce n'est pas parce que l'employeur est, sauf accord en sens contraire, dispensé de faire connaître les motifs qui l'animent que ceux-ci ne doivent pas être légaux...

Et à supposer que l'employeur indique des motifs dans sa lettre de refus - qu'il y soit ou non obligé - faire état d'une absence de budget est à mon sens faire preuve d'une maladresse assez stupéfiante...

Car, non seulement le motif en soi est illégal mais l'employeur se coupe l'herbe sous le pied en fournissant lui-même la preuve qu'il a l'intention de ne pas en accorder du tout de DIF dans son entreprise !

Quand on sait que le nombre d'heures cumulées et non utilisées dans une entreprise peut devenir extravagant, associé au fait que nombre de salariés ont atteint leur maximum légal, ne pas prévoir un budget adéquat risque vite de devenir problématique, si les circonstances font qu'on lui demande des comptes...

On peut critiquer cette possibilité de "veto" (mais qui n'en est pas vraiment un) mais elle se justifie non pas parce que c'est l'employeur qui assume à titre principal le financement (CDD mis à part) mais parce que le législateur a mis à sa charge une obligation générale de veiller à l"employabilité" du salarié.

C'est en raison de cette responsabilité qu'il doit veiller à ce que les fonds disponibles pour la formation doivent être utilisés au mieux et ce dans l'intérêt du salarié avant tout...C'est d'ailleurs ce que dit très clairement l'article L6321-1.

On peut penser qu'il s'agit d'une forme de tutelle ou de curatelle assez "désagréable"...Mais c'est une lecture des textes qui me paraît très convaincante.

Écrit par : Bruno Callens | 14/10/2010

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