Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/01/2016

C comme....COMPETENCE

La compétence, ou la fée électricité

 La définition la plus synthétique (quoi que fée électricité n’est pas très long) et la plus juste de la compétence a été donnée par un toulousain, Pierre Villepreux (pour ceux qui feraient remarquer que Pierre Villepreux n’est pas né à Toulouse, répétons qu’être toulousain est un état d’esprit). Il définit la compétence en deux mots : l’intelligence situationnelle.

Deux mots, deux dimensions. La première, l'intelligence de la situation. Etre compétent c'est d'abord poser le bon diagnostic sur la situation pour en déduire l'action à conduire. Rapidité et fiabilité du jugement sont les piliers de la compétence qui permettront l'acte juste, dont il sera nécessaire de maîtriser la technicité, sans laquelle il n'y a guère de liberté d'agir. Et quant à l'action, Pierre Villepreux a toujours été persuadé que le beau jeu était également le plus efficace (ceux qui ne goûtent pas le rugby pourront vérifier dans à peu près n’importe quel sport que le geste le plus efficace est souvent le plus beau : l’esthétique du geste est aussi une esthétique de l’efficacité).

COMPETENCE (FEE ELECTRICITE).jpg

De cette première dimension concluons, comme aurait pu le faire Sartre, que l’on n’est jamais compétent, et libre d’exercer sa compétence, qu’en situation et que la compétence n’existe pas en dehors des situations dans lesquelles elle trouve à s’exprimer.

La deuxième dimension de l'intelligence situationnelle, c'est de se savoir en situation. De ne pas être dominé par le rôle que l'on joue, de ne pas en être dupe, mais de le jouer professionnellement. Et donc d'avoir le recul nécessaire à la réalisation impliquée et distanciée de l'action, car l'engagement ce n'est pas nécessairement de mettre ses tripes sur la table (ah les coups de tête contre les murs dans les vestiaires pour se motiver…), mais au contraire de savoir en toute lucidité ce que l'on fait et pourquoi on le fait.

L'engagement est une volonté qui se sait volonté. C'est en cela que Villepreux est profondément Sartrien : les joueurs sont libres et exercent cette liberté par leurs choix qui sont nécessaires, ils agissent et font les choix en situation, ils sont ce que sont leurs actes car le faire est révélateur de l'être. Et comme Sartre, Villepreux pense que l'homme est à inventer chaque jour.

09/01/2016

C comme...coaching

La vérité n’est pas dans un seul rêve, mais dans beaucoup de rêves

(Pier Paolo Pasolini)

Laissons les coachs à leurs débats pour savoir s’il est nécessaire ou non de psychanalyser le coaché pour faire un bon coaching. Faut-il entrer dans les rêves de la jeune fille, dans beaucoup de ses rêves, pour l’accompagner ? Laissons la question en suspens et remontons un peu le temps.

Nous sommes en 1818, Joseph Jacotot, révolutionnaire exilé devient lecteur à l'Université de Louvain, chargé d'enseigner la littérature française à des étudiants flamands. Il ne parle pas plus le flamand que ses étudiants n’entendent le français.

Pour dénouer la situation, Jacotot déniche une édition bilingue de Télémaque qu'il fait remettre aux étudiants, leur demandant d'apprendre le texte français en s'aidant de la traduction, puis de lire l'ensemble du livre pour être capable d’en faire le récit en français. Cette rédaction servit d’évaluation. Notons au passage qu’évaluer n’est pas refaire ce que l’on a appris mais peut prendre la forme d’une production jamais réalisée (ici, soupir désespéré et scandalisé des étudiants français : mais on ne peut pas avoir en évaluation quelque chose que l’on a jamais fait…).

COACHING.jpg

Le rêve de la jeune fille qui rêve qu'elle rêve

Le travail de rédaction se révéla d'un niveau comparable à celui d'étudiants français. Joseph Jacotot découvrit ainsi qu'il était possible d'enseigner sans donner d'explications, par un travail de questionnement, de mise en situation, de production. Là où le maître savant explique et déverse son savoir, le maître ignorant questionne et oblige l'élève à s'enseigner lui-même, postulant ainsi l’égalité des intelligences.

Pourquoi faire croire aux parents qu'ils ne peuvent accompagner leur enfant dans la préparation d’un examen s’ils ne connaissent pas eux-mêmes la discipline ? Il suffit de bien vouloir y consacrer du temps et de poser des questions. Il ne s’agira jamais que d’un renversement du « pourquoi ? » enfantin qui place les parents devant leur ignorance mais les pousse souvent à s’instruire pour apporter réponse. Le maître ignorant est celui qui rend l’autre savant en lui demandant de l’enseigner.

 Voilà pourquoi il est possible d’être un grand entraîneur sportif sans avoir été un grand sportif soi-même, ou un excellent coach pour permettre de développer des compétences que l’on ne possède guère.

Sur le sujet, on lira avec profit : Jacques Rancière, Le maître ignorant, 10/18, sept. 2004. 

08/01/2016

C comme...CERTIFICATION

Des salariés label rouge

 Exit l’apprentissage, la formation, l’acquisition, l’appropriation…bienvenue la certification. Nous aurons dorénavant des formations certifiantes, des organismes certifiés et des salariés aux compétences garanties. L’horizon de la formation est devenu celui de la certification.

 La voie nouvelle est pavée de bonnes intentions : exigence d’évaluation des acquis, de maîtrise des processus et de valorisation des résultats pour l’impétrant qui aura franchi tous les obstacles.

CERTIFICATION.jpg

La vie en rose

Mais il arrive que le revers de la médaille soit moins rose que l’avers et ouvre droit le chemin vers l’enfer. Celui de l’individu mesuré, ajusté, formaté, garanti premier choix, qui néglige l’apprentissage pour se caler sur les critères d’évaluation, qui perde la liberté, le droit à l’erreur et à l’expérimentation que comprend toute formation, pour se caler sur l’obtention de la certification. La voie sera étroite entre la standardisation normalisée et le bachotage généralisé.

Et si l’on parvient à éviter ces écueils, il faudra encore affronter quelques dangers : celui de la bureaucratie et du contrôle prenant le visage de la qualité ou de la rigidification des modes de production de la formation pour satisfaire aux exigences de la certification.

 Propos un peu négatif ? Vous pouvez le penser mais deux siècles d’expérience en matière de diplôme n’ont pas permis d’établir que les formations certifiantes soient par nature plus pertinentes ou plus performantes que les autres. Puisse l’avenir me donner tort.

07/01/2016

B comme...Bilan de compétences

La boule à facettes

 Miroir mon beau miroir, fais miroiter mes aptitudes et compétences, met en lumière les facettes de ma personnalité, révèle les potentialités que si peu connaissent et dont je finis par douter…Dis moi que je suis atypique joli miroir et recouvre de cohérence ma trajectoire personnelle, conforte mes représentations positives et dissous les pensées critiques, guide moi sur le chemin de la reconnaissance et contribue à mon épanouissement.

Sinon vous pouvez aussi essayer l’horoscope de Marie-Claire : moins cher et plus rapide.

Bien évidemment, je caricature. Mais c’est en partie cette vision d’un bilan égocentré et pyschologisant qui a conduit à la mise en place du conseil en évolution professionnelle censé réaliser un travail de diagnostic plus technique sur les compétences des bénéficiaires et prendre en compte la réalité de l’environnement économique et social, d’où sa régionalisation, dans la construction des projets.

Même si, comme l’indique un conseiller d’un des opérateurs retenus : « Avec cinq entretiens individuels par jour, la réalité économique et sociale régionale elle devient un peu lointaine…».

Bilan de compétence.jpg

Jeunes femmes rouges toujours plus belles (F.H. Fajardie)

Sous couvert d’une approche plus technique, dont on ne niera pas la nécessité, il ne faudrait toutefois pas oublier que faire un bilan de compétences c’est aussi prendre le temps d’écire, ou réécrire, sa propre histoire, de mettre de l’humain sur un travail on ne peut plus engageant. Pourquoi le storytelling serait-il réservé aux politiques ?

Au final, est-on véritablement certain qu’il fallait priver les salariés de la possibilité de réaliser un bilan de compétences dans le cadre du compte personnel de formation ? Sous-couvert de faire leur bonheur, malgré eux comme souvent, on les a surtout privés de leur boule à facettes.

06/01/2016

B comme...Big Bang

Repartir sans cesse de zéro est la meilleure manière d’y rester

 Le quinquennat est sans doute la pire des réformes institutionnelles de la Vème République, raccourcissant encore un temps politique déjà frénétique. Depuis son instauration, nous sommes donc soumis à la réforme quinquennale expérimentée en 2004, approfondie en 2009 et renouvelée en 2014. Saurez-vous trouver la date de la prochaine ?

Positivons, une remise de l’ouvrage sur le métier tous les 5 ans, ce n’est jamais que le rythme des bilans de santé de la sécurité sociale. C’est même une échéance plus longue que la révision automobile.

La différence, c’est qu’une révision n’est pas une reconstruction et que la qualité de la révision tient essentiellement à la qualité du diagnostic. Si l’on poursuit la métaphore, on relèvera que pour les automobiles, le diagnostic n’est confié ni au constructeur ni au réparateur. On attend toujours un diagnostic sérieux sur les effets, et pas seulement le fonctionnement, du système de formation depuis 40 ans.

BIG BANG.jpg

Le zéro et l'infini

Que l’on nous explique comment les salariés se sont adaptés aux changements d’organisation, de technologies, de méthodes, de rythmes, de produits, de services, de comportements clients, de relations professionnelles, etc. Et quelles sont les activités qui ont connu du développement, de l’innovation, de la créativité, de l’inventivité, de la performance, du succès, etc. Et combien de salariés ont changé de métier, d’emploi, d’activité, ont développé leur compétence, ont obtenu des certifications, etc. Et quelle est la part de la formation dans tout cela. Et quelles leçons on peut en tirer pour la rendre plus performante encore. Parce qu’à faire des diagnostics qui tournent à l’infini à l’intérieur du système on finit par ne voir ni la lune ni même le doigt qui la montre.

 Et avec un diagnostic bâclé et une table rase systématique, il faut vraiment aimer la roulette et les jeux de hasard pour croire encore à la réforme.

05/01/2016

A comme...AUTOFORMATION

On est ce que l’on fait

 

Comme on le sait, on n’est pas formé, on se forme. Le verbe former est intransitif.

Mon père était cuisinier. Ou plutôt il était serveur, a racheté le restaurant à son patron et a embauché des cuisiniers. Des bons, et des moins bons. Jusqu’au jour où il a décidé de passer derrière les fourneaux. Il avait observé, bénéficié de quelques conseils, parcouru des livres de cuisine et il a pratiqué. C’était un excellent cuisinier.

Six mois avant de débuter mon activité de consultant, je ne savais pas de quoi ce métier était fait, et avait à peine conscience qu’il existait. J’ai été formé par mes clients, ils continuent et moi aussi.

Autoformation.jpg

Où sont les femmes ?(Patrick Juvet)

Lorsque je vois mon gamin réaliser des activités nouvelles, je lui demande comment il a appris. Il me répond parfois « avec la maîtresse », ou « avec les copains » ou « en regardant la tablette », mais le plus souvent il lance un peu bravache : « tout seul ». Intransitif je vous dis.

04/01/2016

A comme.....artisanal

Vite et bien, deux fois bien

 Cet organisme de formation est un des poids lourds du marché. Une croissance à deux chiffres pendant des années et ce signe qui ne trompe pas : on ne connaît plus tous ceux qui travaillent pour le groupe et l'on ne sait jamais, dans les couloirs, si l'on croise un client ou un salarié.

Mais celui que je rencontre ce jour là je le connais bien. Il a fait sa carrière dans les plus prestigieuses entreprises, celles que tous les étudiants rêvent d'intégrer, et il poursuit son activité en animant, avec talent et brio, des formations manageriales. Il ne partage pas son expérience, il s'appuie sur son expérience pour permettre aux stagiaires de travailler la leur.

Artisanal.JPG

Babalou-Ayé, guérisseur artisanal

Ce matin là, il a une grande poche à la main et voit mon regard surpris : "J'ai un groupe en intra. Comme on n’a pas prévu de café d'accueil, j'ai pris ma machine à café et je suis passé chercher des croissants. Le groupe est super". Je souris. J'ai dans ma sacoche les amandes enrobées de chocolat que j'ai achetées ce matin pour les participants à la formation que j'anime. Je désigne sa cafetière :

"-Tu as toujours préservé un côté artisanal dans toutes tes fonctions ?

- Toujours ;

- En marge des process et sans systématisme ?

- Surtout rien de systématique. En fonction des moments, des situations, des individus. L'artisanal ce n'est pas l'industrie à petite échelle. C'est une autre manière de travailler."

Que les grandes organisations adoptent des procédures, quoi de plus normal : l'industriel ce n'est pas l'artisanal à grande échelle. Mais pour que la vie circule dans les méandres des méthodes et des processus, il faut laisser de l'espace à l'artisanal, veiller à ne pas restreindre son éclosion et encore plus résister à la tentation de l’organiser….même si l’on ne peut éviter une touche de systématisme : lorsque le groupe le mérite, et l’animateur également, on peut s’autoriser une dégustation de foie gras du Gers (ou landais voire aveyronnais) accompagnée d’un Mauzac de chez Plageolles, soit un splendide Gaillac artisanalement élaboré.

03/01/2016

A comme....ACTEUR

Le musicien compose, l'écrivain écrit, l'architecte dessine,

l'acteur lui il attend  (Jean Yanne)

Edgar Poe nous l’a appris avec la lettre volée, si l’on promène alentour un regard d’habitude, on ne voit rien. Lorsque nos représentations (par exemple : tout ce qui a été volé est dissimulé aux regards), prennent le pas sur l’observation, l’aveuglement est notre lot. Il faut toujours aller y voir de plus près.

 Approchons nous donc d’une évidence, d’un slogan récurrent de toute réforme de la formation : le salarié acteur de sa formation.

L’acteur est défini comme un protagoniste, celui qui joue un rôle dans une entreprise ou un événement. Il est dans l’action. Une autre manière de dire ce que l’on a constaté de longue date : l’individu n’est pas formé, il se forme. Acteur principal ou rien. Impliqué, actif, déterminé, parfait.

Acteur.jpg

William sur scène

Mais dans une pièce de théâtre ou un film, quelle est la place de l’acteur ? Il n’a pas écrit le texte, il n’a pas rédigé le script, il est dirigé par le réalisateur ou le metteur en scène, il rejoue autant de fois qu’on le lui demande, sa marque ne s’imprime que dans l’interprétation sous réserve que la direction d’acteurs lui laisse un peu de latitude.

 Voici la véritable figure de l’acteur : celui qui est dirigé et fait ce qu’on lui demande. Il y a de la docilité dans l’acteur qui n’est pas vraiment le symbole du sujet autonome faisant usage de sa liberté.

 Ceux qui pensent qu’être acteur signifie être responsable, et donc libre (ou réciproquement : libre donc responsable) devraient s’interroger sur ce lapsus collectif qui fait qualifier d’acteurs les salariés, par ceux-là même qui n’aspirent à rien d’autre qu’à les diriger. Acteur ? Un langage de réalisateur.