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31/03/2008

Le droit frein aux licenciements ?

La négociation sur la modernisation du marché du travail repose en grande partie sur le rôle du droit du travail dans la gestion de l’emploi. Trop de droit tuerait l’emploi selon les confédérations patronales, pas assez de droit affaiblirait le salarié et l’emploi selon les organisations syndicales. D’où le donnant-donnant : plus de facilités pour rompre le contrat de travail contre plus de droits pendant et après le contrat. C’est en partie sur cet équilibre qu’a été construit l’accord du 11 janvier 2008.

Il est tentant de confronter ces postulats à quelques réalités chiffrées. La dernière note sur le marché de l’emploi publiée par la DARES le 25 mars dernier, nous indique que le nombre d’inscriptions à l’ANPE suite à un licenciement pour motif économique est d’environ 14 500 par mois, alors que 50 000 inscriptions font suite à un licenciement pour motif personnel. Soit une moyenne annuelle de 200 000 licenciements économiques et 600 000 licenciements pour motif personnel. Sur une population active de 16 millions de salariés dans le secteur privé, on arrive à 5 % de salariés licenciés chaque année.

Encore faudrait-il pondérer ces chiffres bruts : nombre de licenciements ne donnent pas lieu à inscription à l’ANPE (préretraites, emploi retrouvé sans délai, dispense de recherche d’emploi par l’ANPE pour les salariés âgés qui sont exclus des statistiques, etc.). Mais même en s’en tenant aux chiffres bruts la thèse selon laquelle le droit empêcherait le licenciement ne correspond pas à la réalité observée.

Pour mieux comprendre les enjeux réels de la négociation, il faut se reporter au rapport  du Ministère de la Justice publié en octobre 2005 sur les conflits du travail. Basé sur une analyse exhaustive de l’activité des conseils de prud’homme,  il nous apprend que 2,5 % des licenciements économiques donnent lieu à contentieux contre 22,5 % des licenciements pour motif personnel. Soit environ 200 000 conflits du travail nouveau chaque année.

On comprend mieux au regard de ces chiffres, l’objectif poursuivi par l’accord du 11 janvier 2008 lorsqu’il créé la rupture conventionnelle homologuée : il s’agit non pas de rendre la séparation plus facile mais d’en sécuriser les conséquences juridiques. Sont visés à titre principal : les licenciements demandés par les salariés qui souhaitent quitter l’entreprise tout en bénéficiant de leurs droits sociaux et les séparations négociées transformées en licenciement avec transaction pour « désocialiser et défiscaliser » les sommes versées aux salariés.

Si l’accord du 11 janvier 2008, sur ce point doit être défendu, on aurait pu souhaiter que les vrais objectifs soient clairement annoncés en lieu et place de vieilles lunes qui ne résistent pas à l’examen de la réalité.

29/03/2008

Le DRH sorcier

C’était le temps des start-up frénétiques. Des énergies groupées autour de tréteaux envahis d’anarchique informatique. C’était à la fin des années 90. Les business plans se faisaient et se défaisaient à toute heure du jour et de la nuit. Chaque idée était évaluée à l’aune du jackpot : était-ce celle  avec laquelle on allait rafler la mise ou bien ne s’agissait-il que d’une banalité érigée en martingale ? l’imagination n’était pas au pouvoir, elle était dans des bureaux étroits et encore enfumés peuplés de jeunes gens fiévreux. Sur France-Info, Jean-Pierre Gaillard s’étranglait en annonçant les cours de bourse : l’économie naissante de l’immatériel dépassait en capitalisation boursière l’économie industrieuse qui n’en pouvait mais.

En ces temps d’euphorie, nichés au cœur de la bulle internet, des DRH emportés par l’élan d’innovation ont voulu eux aussi s’essayer au jeu : on se souvient des tables de ping-pong dans les salles de réunion, des matelas par terre pour la sieste et la nuit, des fêtes au travail dans l’utopie du travail vécu comme une fête.

Lors d’une réunion, un DRH d’une start-up dont la croissance donnait le vertige,  me remit sa carte professionnelle. Sous son nom, à la place de sa fonction, je pus lire cette appellation : « sorcier ». Je pensai à Gauguin.

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Gauguin - Le sorcier d'Hiva Oa - 1902
 
 

Revenant à notre discussion, je ne résistai pas à lui demander le pourquoi de cette mention. Il me répondit qu’il avait invité les salariés à se définir à travers un totem animal, sans doute des réminiscences d’une enfance scout, et que les fonctions avaient été remplacées par des noms d’animaux. L’entreprise était donc peuplée de lions, de renards, d’aigles, de loups, de dauphins et autres fières bestioles. Bien évidemment, les poules, pintades, moutons, cochons ou ânes faisaient moins recette. Son tour venu, il n’avait pu identifier le totem de la fonction ressources humaines (vos idées sont les bienvenues en commentaire), et s’était replié sur l’image du sorcier. Sorte de Noé mythique régnant sur le monde animal dont lui seul possède les clés.

Je me suis alors souvenu de Magritte et de son autoportrait en sorcier.

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L’homme aux quatre bras, qui sait se démultiplier pour effectuer plusieurs tâches à la fois ou bien le silencieux sorcier tahitien qui fascine et dont le silence est lourd de secrets.

Sorcier ? et pourquoi pas ? après tout, les points de comparaison ne manquent pas : la solitude attachée à la fonction, son ambivalence (le sorcier est à la fois souhaité et craint), le recours à des recettes ou méthodes dans lesquelles la persuasion tient  toute sa place, des effets de gourou que l’on peut effectivement rencontrer …à première vue l’image semblait pertinente.

A première vue seulement. Car en matière de ressources humaines, point de recette mystérieuse infaillible, pas de potion magique ni d’onguents guérisseurs, peu de gourou si l’on veut des effets durables, pas de savoir mystérieux et exclusif, pas de manipulation mais du management, pas de solitude de la fonction bien au contraire un travail avec tous et le moins possible d’ambivalence dans le positionnement. A la réflexion, il n’est pas exclu que le sorcier soit le contre-modèle absolu du DRH : éviter la DRH magique, celle qui relève de l’incantation et de l'expertise secrète est sans conteste une des clés de la réussite.

 

Modèle de passeport formation

L'ANI du 5 décembre 2003 a créé le passeport formation qui doit permettre aux salariés de conserver trace des formations suivies, des emplois occupés et des compétences acquises. Utilisable pour la recherche d'emploi, pour un bilan de compétences ou pour une VAE, le passeport formation a une finalité pédagogique, montrer que la compétence a une valeur, et une finalité pratique : permettre au salarié d'avoir des outils personnels de pilotage de son parcours professionnel.

Le Comité paritaire national de la formation professionnelle (CPNFP) a élaboré, en empruntant largement au CV européen, un modèle de passeport formation qui peut être distribué aux salariés soit à leur demande, soit à l'initiative de l'entreprise si elle souhaite une implication plus importante des salariés dans la gestion de leur emploi et de leurs compétences.

PasseportFormation.pdf

28/03/2008

La GPEC : une obligation juridique

La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences est une réalité juridique. La loi et la jurisprudence, notamment depuis 2002, ont contribué à façonner le régime des obligations des entreprises dans ce domaine. Le champ de responsabilité de l'employeur couvre trois risques : l'employabilité, la santé et la performance.

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Concernant la sécurité de l'emploi, l'obligation de GPEC comprend l'obligation d'anticipation (dimension prévisionnelle en liaison avec la négociation obligatoire sur la GPEC dans les entreprises de plus de 300 salariés), l'obligation d'adaptation (le salarié doit avoir les compétences requises par rapport à son emploi) et l'obligation de reclassement (en cas de mise en cause de l'emploi, l'enteprise doit permettre le reclassement interne ou externe - voir ma note du 5 mars 2008 : la Cour de cassation par une décision du 23 octobre 2007 sanctionne une entreprise qui en 12 et 24 ans d'ancienneté n'a fait suivre que trois jours de formation à deux salariées, ne leur permettant pas de maintenir leurs compétences par rapport au marché du travail).
 
Concernant la santé, l'employeur a l'obligation de veiller à ce que le salarié ait les compétences nécessaires pour travailler en sécurité. A défaut, sa responsabilité est engagée, y compris au plan pénal (voir ma note du 13 mars 2008).
 
Enfin en matière de performance, l'employeur doit vérifier que le salarié dispose, a priori, des compétences nécessaires pour exercer les activités qui lui sont confiées et atteindre les objectifs qui lui sont fixés. A défaut, nulle insuffisance professionnelle ne saurait lui être reprochée ni un bonus refusé ou diminué.
 
Ces trois domaines de responsabilité, emploi-santé-performance, devront être abordés avec le salarié lors de l'entretien annuel et/ou de l'entretien professionnel.
 
Faute d'avoir géré les compétences de ses salariés, et d'avoir une traçabilité de cette gestion, la responsabilité de l'entreprise pourra être engagée en cas de sinistre : licenciement économique, accident du travail ou maladie professionnelle ou défaut de performance. Ce n'est que si l'entreprise a rempli toutes ses obligations que la responsabilité pourra être transférée sur le salarié. 

27/03/2008

Consultation du CE sur la formation avant le 30 septembre

L'accord du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail prévoit dans son article 7 qu'afin de renforcer la cohérence entre les éléments d'anticipation mis en lumière dans le cadre de la GPEC et la mise en oeuvre du plan de formation de l'entreprise, les deux réunions de consultation du comité d'entreprise sur l'exécution du plan de formation de l'année précédente et sur le projet de plan de l'année à venir doivent respectivement intervenir avant le 1er octobre et le 31 décembre de l'année en cours.

Un projet de décret élaboré par le Gouvernement fixe en conséquence au 30 septembre, et plus au 15 novembre, la date de première consultation du comité d'entreprise. Les documents d'information doivent être envoyés trois semaines auparavant. Cette consultation portera donc sur le bilan de l'année 2007 complet et de l'année 2008 (premier semestre) ainsi que sur les orientations de la politique de formation de l'entreprise, dont la politique de DIF. La seconde consultation avant le 31 décembre 2008 portera sur les projets pour l'année 2009.

Deux rappels complémentaires :

- l'obligation de consulter n'est pas une obligation de faire. L'entreprise peut annoncer une politique à parfaire ou un plan de formation à compléter en cours d'année dès lors qu'il n'est pas entièrement établi en fin d'année. Rien n'impose donc à l'entreprise d'avoir bouclé un plan de formation avant la fin de l'année ; 

- l'entreprise n'est pas quitte avec les deux consultations qui constituent des obligations minimales. Toute décision de portée collective prise en cours d'année dans le domaine de la formation professionnelle suppose une consultation préalable du comité d'entreprise au titre de ses compétences générales (C. trav., art. L. 432-1). Ainsi une évolution du plan de formation en cours d'année impose une consultation supplémentaire du comité d'entreprise.

25/03/2008

Il n'y a pas d'évidence

A première à vue, le tableau est porteur d'une contradiction : le texte surprend. L'objet représenté semble bien correspondre à ce que le texte voudrait qu'il ne soit pas.

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Un temps de réflexion toutefois suffit. A défaut, Matisse peut nous aider qui disait : " je ne peins pas une femme, je peins un tableau". Magritte nous indique en effet les trois niveaux d'appréhension de la réalité : l'objet, sa représentation et le commentaire.
 
Tout audit peut travailler sur ces trois niveaux : les faits, leur représentation pour chacun et les commentaires qui en résultent.  A distinguer sans confondre, le diagnostic gagnera en qualité.
 

24/03/2008

Une évaluation qui laisse des traces

La généralisation des entretiens d'évaluation et/ou des entretiens professionnels introduit une traçabilité sur l'appréciation et plus globalement sur la gestion des compétences des salariés. Cette traçabilité est opposable à l'entreprise lorsqu'elle met en cause les capacités professionnelles du salarié.

Dans une décision récente, la Cour de cassation (Cass. soc., 20 févr. 2008, n° 06-40.085) relève qu'un entretien d'évaluation contenant des appréciations positives a été réalisé avec un salarié moins bien payé que ses collègues. Le salarié ayant présenté des demandes de réajustement de salaire à l'entreprise puis saisi les prud'hommes sur la base du principe à travail égal, salaire égal, l'entreprise a été sommée de justifier l'écart de rémunération avec les autres salariés. Elle a avancé que le salarié avait des difficultés à travailler en équipe et qu'il était d'une susceptibilité excessive. Argument irrecevable selon la Cour de cassation dans la mesure où aucune évaluation n'était intervenue postérieurement à l'évaluation élogieuse. L'écart de salaire n'étant justifié par aucun élément objectif, il devait être rattrapé.

Cette décision illustre la difficulté que peut avoir une entreprise en cas de contentieux lorsque le contenu des entretiens d'évaluation soit ne correspond pas à la réalité, soit n'a pas consigné précisément toute la réalité. La traçabilité générée par les processus d'entretiens individuels ne tolère donc aucune approximation, ce qui n'a rien d'évident si l'on se réfère aux modalités selon lesquelles ces entretiens sont parfois réalisés.

21/03/2008

Trophés du DIF 2008

DEMOS organisait, jeudi 20 mars 2008, la deuxième édition des Trophées du DIF. L’occasion de faire le point sur les  évolutions du dispositif et sur les projets de réforme en cours. Sur le bilan il ressort que le développement quantitatif se poursuit, mais surtout que l’appropriation du DIF progresse et que nombre d’entreprises et de salariés ont une maturité importante sur le dispositif qui, articulé à l’entretien professionnel et aux périodes de professionnalisation, permet de véritablement travailler sur des parcours de formation. Peut être relevé également le nombre significatif d’entreprises qui utilisent le DIF pour développer l’appétence des salariés, notamment les moins qualifiés, pour la formation.

Sur les réformes en cours, les partenaires sociaux présents (CGT, FO, MEDEF) ont exprimé leur souhaite d’aller au bout du travail de bilan et d’évaluation avant d’engager véritablement une négociation qui ne devrait pas aboutir avant l’automne, la loi venant ensuite. Sur le fond, l’unanimité semble constituée sur le fait d’avoir plutôt un acte II de la réforme de 2003-2004 plutôt qu’une « réforme de la réforme ». Comme indiqué déjà sur ce blog, les fondamentaux sont en place et s’il faut bien évidemment faire évoluer le système de manière permanente, il faut prendre garde aux effets de table rase qui ne sont souvent que des effets de manche.

En complément, les résultats de l’enquête DEMOS, Kelformation, 20 Minutes et l’AEF auprès des entreprises et des salariés, et mon intervention sur le DIF, outil d’innovations juridiques.

 Enquête DIF – DEMOS.ppt

TropheesDIF2008-JPW.ppt

 

20/03/2008

Modele de BIAF

La remise d'un bordereau individuel d'accès à la formation aux salariés recrutés sous contrat à durée déterminée est une obligation....depuis 1990. Mal remplie par les entreprises, cette obligation n'est pourtant pas très contraignante, bien au contraire : il s'agit d'informer le salarié des possibilités d'accès à un financement pour une formation, un bilan de compétence ou une VAE à l'issue de la réalisation du contrat de travail. Cette obligation ne créé aucune obligation financière spécifique pour l'entreprise, qui doit de toute façon cotiser à hauteur de 1% des sommes versées aux salariés en CDD pour financer ces différents droits. Et elle permet au salarié qui ne reste pas dans l'entreprise suite à un CDD d'avoir des opportunités d'orientation ou de formation. Le BIAF doit être remis en début de contrat.

 Le modèle de BIAF ci-dessous a été élaboré par le Fonds Unique de Péréquation (FUP) en février 2008.

BIAF.pdf

Management jardinier

Le jardinier est satisfait de son travail. Les fleurs s’épanouissent au soleil printanier, leurs couleurs se mêlent harmonieusement pour démontrer une fois de plus que la nature imite l’art et que le hasard des pousses vaut bien le talent du peintre. Sous les premiers rayons de soleil qui écartent les nuages clairs, la belle promeneuse n’y résiste pas. Est-ce donc pour ce résultat que le jardinier déploya tant d’efforts et de patience ?

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En  ce jour de printemps,  Renoir illustre l’expression emprunté à Guy Le Boterf de « Management jardinier » ou d’écologie du développement des compétences. En ces temps où la psychologisation des rapports de travail tient le haut du pavé, il peut être bon de rappeler que l’on ne fait pousser des fleurs et que l’on ne créé de beaux jardins  ni en leur intimant tous les matins de pousser, ni en leur faisant de quotidiennes déclarations amoureuses. Le plus sur moyen de s’offrir le plaisir de la floraison est de préparer le terrain, de travailler le milieu, de connaître les variétés plantées, de corriger si nécessaire l’apport des éléments naturels, rajouter de l’eau ou protéger des pluies surabondantes, de mettre à l’abri du gel ou du vent, de savoir tailler quand il le faut et biner au moment propice, toutes choses qui réclament attention véritable, connaissance de l’écosystème et cohérence des décisions. Et admettre que même si toutes ces conditions sont remplies, le succès n’est pas toujours assuré. S’il survient, il n’en sera que plus beau, et la promeneuse plus émerveillée.

 

18/03/2008

Enseigner ce que l'on ignore

EN 1818, Joseph Jacotot, révolutionnaire exilé devient lecteur à l'Université de Louvain et se retrouve chargé d'enseigner la littérature française à des étudiants flamands dont il ne parle pas la langue et qui manient bien mal le français. Jacotot trouve une édition bilingue de Télémaque qu'il fait remettre aux étudiants leur demandant d'apprendre le texte français en s'aidant de la traduction, puis de lire l'ensemble du livre pour être capable de le raconter en français. Le travail de rédaction demandé en évaluation de l'enseignement se révéla d'un niveau comparable à celui d'étudiants français. Joseph Jacotot découvrit ainsi qu'il était possible d'enseigner sans donner d'explications, par un travail de questionnement. Enseigner ce que l'on ignore c'est questionner sur tout ce qu'on ignore. Là où le maître savant explique et déverse son savoir, le maître ignorant questionne et oblige l'élève à s'enseigner lui-même. Pourquoi faire croire aux parents qu'ils ne peuvent aider leur enfant à préparer le bac puisqu'ils sont ignorants en mathématiques ? le questionnement permet deux vérifications : l'élève est-il capable de dire ce qu'il a compris, le travail qu'il a conduit a-t-il été fait avec suffisamment de sérieux et de rigueur. La vérification de la cohérence ne nécessite donc qu'attention et logique de la part du maître ignorant. Par contre, la vérification du résultat supposera effectivement une expertise. Je peux demander à un étudiant de m'expliquer ce qu'est la formule mathématique qu'il me montre, comment elle se décompose, pourquoi ce chiffre, que signifie ce symbole, comment s'exprime l'équation, à quoi correspond le résultat, comment est-il certain que ce résultat est juste, à partir de quoi peut-il le vérifier, etc. Le quoi et le pourquoi, issus du questionnement enfantin, n'ont plus à démontrer leur redoutable puissance et les parents savent bien que le "parce que" ou le "c'est comme cela" ou la fin de non recevoir  du "tu m'agaces avec tes questions" ne peut véritablement masquer la non-maîtrise du sujet abordé et le travail que nécessiterait de pouvoir répondre. L'enfant ignorant instruit ses parents par ses questions prétendûment naïves, pourquoi les parents ne pourraient-ils instruire leurs enfants lorsque ceux-ci sont plus savants ?

 

Sur le sujet, on lira avec profit : Jacques Rancière, Le maître ignorant, 10/18, sept. 2004. 

 

 

 

 

17/03/2008

La compétence, c'est choisir

 Bien sur, le serpent dans l'arbre pourrait être un indice. Mais pourquoi Adam s'en méfierait-il ? la nature autour de lui n'est pas hostile et les animaux sont tous bienveillants. Le lion cohabite avec l'agneau, les humains sont de manière évidente au milieu des animaux, la nature est luxuriante, nulle crainte, nulle menace, nul danger n'habite ce tableau. Il faut connaître la fin de l'histoire pour voir dans le serpent le messager du désastre.

 Pourtant, Adam semble pris d'un doute : l'interdit  est présent dans son esprit, le seul interdit du paradis. 

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Mais dans un contexte de bonheur, de paix, de tranquillité, l'interdit paraît bien anodin. S'agit-il vraiment de transgresser et de défier Dieu ? pas vraiment. Bercé par le contexte paradisiaque, Adam n'est plus en capacité de mesurer, d'imaginer, la conséquence de l'acte. Eve en sait-elle plus ? son regard pourrait le suggérer mais sans qu'il ne soit possible de trancher clairement : excès de confiance ? volonté de défier le pouvoir divin ? volonté de sortir de l'ennui du quotidien du paradis au risque de basculer dans l'inconnu ? goût du jeu ? difficile de prêter une véritable intention à Eve, par contre sa détermination est évidente au regard des hésitations d'Adam.
 
On connaît la suite : Adam croquera la pomme, déclenchant la colère divine. L'acte sera jugé comme une rébellion insupportable contre la soumpission requise à Dieu, sur un seul point certes, mais tout de même. Un acte, une seconde, et l'humanité toute entière se retrouve à jamais chassée du paradis.
 

Si l'on veut bien considérer que la compétence est une capacité à agir en situation ou, pour le dire autrement, qu'il n'y a de compétence que dans l'action, alors on admet qu'à un moment donné se pose la question fondamentale du choix. Que faire ?  l'expérience, les connaissances, la compétence in fine ramenées à une question binaire : faire ou ne pas faire. Ce choix constitue une mise sous tension de l'individu qui, lorsqu'il est confronté à une situation qu'il n'a jamais rencontrée et qu'il doit résoudre sans mode d'emploi préétabli, est, comme Adam, mis en demeure de choisir sans être certain de maîtriser tous les paramètres de la situation tant au niveau du diagnostic que des conséquences. Et pourtant il faut bien choisir, renoncer à le faire serait déjà un choix.

L'évolution des contenus des emplois, l'importance de la dimension relationnelle et comportementale, la rapidité des évolutions techniques et organisationnelles ont sans doute multiplié les confrontations de l'individu avec des situations inconnues. Sans doute faut-il chercher là une des causes de la montée du stress au travail. Cette évolution appelle deux remarques. La première est que l'organisation doit prendre sa part dans le traitement de ces situations en n'abordant pas la question de la compétence uniquement du point de vue individuel mais également du point de vue collectif et de l'agir ensemble. Une fois cette condition remplie, la deuxième remarque est qu'il serait paradoxal de s'offusquer d'avoir un prix à payer pour la liberté.

13/03/2008

L'insuffisance de formation à la sécurité est une faute pénale

La Cour de cassation est vigilante en matière de protection de la santé des salariés. Suite à un accident du travail du à la remise en marche du tapis d'une ligne de conditionnement d'aliments pour animaux par un salarié alors qu'un autre salarié réalisait des opérations de maintenance, la Cour suprême a décidé que la cause de l'accident résidait, notamment, dans l'insuffisante formation des salariés au maniement de la machine.

 L'employeur, qui n'a pu produire à aucun moment la preuve de la mise en oeuvre de son obligation de former les salariés à la sécurité de leur poste de travail doit donc être pénalement sanctionné au titre du délit de blessures involontaires (Cass. crim., 6 novembre 2007 ; RJS n° 3/08, mars 2008).

 Cette décision impose aux entreprises d'articuler fortement leur plan de formation avec le diagnostic résultant du document unique d'évaluation des risques professionnels. En effet, des formations doivent être organisées pour prévenir les risques d'accident du travail ou de maladie professionnelle pouvant résulter de l'exercice, par les salariés, de leurs fonctions.

 Si la formation n'est pas la seule disposition à prendre (il est également reproché au chef d'entreprise de n'avoir pas établi un process de travail identifiant les bonnes pratiques), elle est indispensable lorsque la situation de travail peut présenter des risques sérieux pour la santé des salariés.

 

 

12/03/2008

Pas de débit d'office des compte épargne formation

La Cour de cassation a rendu le 16 janvier 2008 un arrêt qui pourrait sans grand peine être transposé au DIF. Dans une entreprise ayant mis en place, par accord d'entreprise, un compte épargne formation en complément des formations au poste de travail, l'employeur a décompté d'office les formations suivies par les salariés lors de la mise en place du progiciel SAP. La Cour a considéré que des comptes individuels ne peuvent être débités que pour des formations demandées par les salariés. Tout débit d'autorité constitue donc un trouble manifestement illicite (Cass. soc., 16 janvier 2008, n° 07-10.095).

 

La solution s'appliquerait bien évidemment  dans les mêmes termes pour le DIF : le DIF ne peut être consommé pour des formations déployées par l'entreprise en accompagnement de ses projets. De même, il ne saurait y avoir de débit d'office des compteurs DIF en l'absence de toute demande ou accord du salarié. 

 Précisions si nécessaire que l'accord du salarié ne peut être donné qu'avant le suivi de la formation et non après.

Si l'on voulait le formuler autrement, on pourrait indiquer que les formations qui sont imposées au salarié (soit par la réglementation, soit par l'employeur) ne peuvent relever du DIF. Et que d'une manière plus générale, le DIF supposant l'accord du salarié, aucun retrait d'office n'est légitime. Attention donc au retrait d'heures DIF du compteur alors que le salarié n'a pas formellement donné son accord pour le suivi de la formation dans le cadre du DIF. 

10/03/2008

La théorie c'est pratique

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Le paradoxe pourrait tenir lieu de fil conducteur au tableau du Caravage : voici un dieu au corps viril rendu de manière très réaliste dont le visage a des contours peu affinés et des traits féminins, l'abondance de mets et de vin, le nectar des dieux, ne suscite que lassitude ou ennui, la matéralité des draps et fruits s'oppose à la lumière oblique, toute spirituelle, qui traverse le tableau. L'ambigüité résultant de ce tableau n'est qu'une traduction de la tradition occidentale de raisonnement par oppositions binaires. Issue de la pensée platonicienne (le faux monde matériel opposé au vrai monde des idées) cette tradition a prospéré avec la pensée chrétienne (vie terrestre et vie céleste, corps pêcheur et esprit salvateur, etc.) et trouve donc à la renaissance une traduction picturale qui se déploiera ensuite chez les épigones du Caravage et au-delà.

Cette méthodique division duale du monde n'est pourtant pas un mode de pensée universel, comme en témoigne le tableau de Chen Hongshou, contemporain du Caravage, qui s'intitule "Parlant musique".

 

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 Ici le corps n'est que suggéré. Le drapé, contrairement à celui du Caravage, n'a rien de réaliste. Constitué de volutes improbables il rend compte de l'état intérieur du personnage abandonné à sa concentration. On l'aura compris, ici pas de division ou distinction : la représentation extérieure rend compte de la réalité intérieure. Le monde n'est pas deux, il est un.

La conception duale conduit à des raisonnements par opposition qui structurent nos modes de pensée de manière très profonde. Ainsi, l'inné et l'acquis, la raison et l'émotion, le fond et la forme, le corps et l'esprit, qui donneront les chirurgiens d'un côté et les psys de l'autre garantissant ainsi que la médecine ne s'intéresse que rarement à la totalité de l'individu,  etc.

Dans le champ du travail et de la formation, cette opposition produit la conception et l'exécution, les fonctions supports et les fonctions opérationnelles, la formation et le travail, la théorie et la pratique.

Ce mode de raisonnement est bien évidemment très réducteur : on peut se former en travaillant, l'exécutant conçoit des manières de faire, les fonctions supports sont opérationnelles (heureusement pour elles), le travail est formateur et la théorie se nourrit de pratiques, ne serait-ce que par l'expérimentation, alors que la pratique s'appuie le plus souvent sur une conceptualisation préalable. En d'autres termes, le savoir conceptuel est indispensable à l'action, laquelle sert de base à la production de savoir conceptuel. 

Voyons des continuités et des cycles là où d'ordinaire on ne perçoit que de la distinction et de la séparation. Comment prévoir la météo sans la théorie du chaos ? par le savoir empirique ? mais il constitue lui-même une conceptualisation de multiples, voire ancestrales, observations dont on a tiré des lois générales.

Entre théorie et pratique, surtout si l'on veut travailler sur la compétence, il s'agit d'avantage d'articuler et d'associer que de diviser et d'opposer.

(Note : la comparaison entre le tableau du Caravage et celui de Chen Hongshou est empruntée à Jean-François Billeter et tirée de son ouvrage "L'art chinois de l'écriture", Seuil - Skira). 

07/03/2008

Du plan de formation au plan de professionnalisation

Les entreprises ayant des obligations de gestion des compétences et non de formation (voir note du 5 mars 2008 sur l’obligation de GPEC incluse dans le contrat de travail), on peut se demander pourquoi les entreprises font toujours des plans de formation et non des plans de développement des compétences ou, plus simplement, de professionnalisation.

Aujourd’hui, l’enjeu est clairement sur une traçabilité des compétences des salariés, et non des financements de la formation. Le passage à un plan de professionnalisation doit permettre de gérer non seulement la formation, mais également les autres actions mises en place pour développer les compétences.

Par ailleurs, les coûts de formation doivent distinguer les achats (dépenses supplémentaires générées par la formation) des temps de formation (consommation de jours qui ne sont pas consacrés à l’activité mais à la formation). Si dans le premier cas, l’euro est  une unité pertinente, dans le second cas ce n’est pas la valorisation financière du coût salarial qui représente l’effort de l’entreprise, mais le temps pendant lequel le salarié ne produit pas (admettons que par principe un salarié rapporte plus qu’il ne coûte et que donc la charge salariale ne dit rien du coût réel de la formation).

 PLAN DE PROFESSIONNALISATION.doc

06/03/2008

Faut-il réformer la réforme ? oui, mais préservons les fondamentaux

Une nouvelle réforme de la formation professionnelle est programmée pour la fin de l'année 2008. Il s’agira vraisemblablement moins d’une remise en cause que d’un approfondissement de la réforme initiée en 2003-2004 qu’il convenait bien de considérer comme le point d’un départ d’un nouveau système. Mais il importe dans ce mouvement de préserver les fondamentaux.

 La réforme de la formation a, en effet, posé trois piliers forts : l’obligation de GPEC incluse dans le contrat de travail et dont la responsabilité première incombe à l’entreprise (Art. L. 930-1 du Code du travail), le passage de la décision unilatérale à la négociation pour l’accès à la formation (substitution progressive du DIF au Plan) et la reconnaissance de la notion de parcours d’acquisition de compétences par la formation et le travail dans le cadre de la professionnalisation.

Ces trois principes constituent les fondations de la réforme et sont porteurs d’avenir.

L’obligation de gérer de manière anticipée les compétences de chaque salarié, en s’appuyant notamment sur l’entretien professionnel, fait écho à l’obligation de négocier un accord portant sur les dispositifs de GPEC en vigueur dans l’entreprise qui lui donne une dimension collective. Elle est cohérente avec l’obligation dessinée par la jurisprudence de fournir au salarié les moyens de la performance attendue et complète également les responsabilités de l’entreprise en matière de protection de la santé du salarié (un salarié compétent travaille plus en sécurité).

La création du DIF s’inscrit dans un mouvement culturel plus vaste : faire participer les individus aux décisions qui les concernent. De ce point de vue, c’est moins l’initiative du salarié que l’accord qui caractérise le DIF. Le point clé est le passage d’une dimension unilatérale de gestion de la formation à une gestion négociée dont nul ne s’étonnera que sa diffusion nécessite du temps compte tenu de l’ampleur du changement culturel : le management par la négociation n’est pas le modèle dominant en France.

 La VAE avait déjà ouvert la voie à une reconnaissance de la valeur du travail. La professionnalisation enfonce le clou : non seulement les compétences s’acquièrent par la formation et par le travail (on est loin du modèle pédagogique traditionnel : en formation j’apprends, au travail j’applique), mais l’efficacité d’un dispositif de formation tient avant tout à la qualité de l’articulation entre les deux. Encore une révolution culturelle qui doit enfin conduire à ce que les pratiques de formation continue se distinguent véritablement de celles de la formation initiale qu’elles doivent contribuer à faire évoluer.

 La réforme intervenue en 2003-2004 a posé les bases de nouvelles logiques, en rupture avec les dispositifs construits en 70-71. Dès lors que ces bases sont préservées, il est normal et même souhaitable que les outils et modalités de gestion qui permettent leur opérationnalisation continuent à évoluer. Mais prenons garde à démêler ce qui relève des fondamentaux des modalités de leur mise en œuvre.

05/03/2008

Le contrat de travail contient une obligation de GPEC

Obligation d'adaptation: l'arrêt de la Cour de cassation du 23 octobre 2007 "complète le dispositif de GPEC" (Jean-Pierre Willems, Consultant Ressources Humaines)

Par une décision du 23 octobre 2007, la Cour de cassation condamne une entreprise à indemniser deux salariés qui n'ont suivi que trois jours de formation en 12 et 24 ans d'ancienneté. Cette indemnisation s'ajoute à l'indemnisation pour rupture injustifiée de leur contrat de travail, la Cour y voyant la violation d'une obligation spécifique, l'obligation d'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi (Cass. Soc., 23 octobre 2007, n°06-40.950 FS-PB Soulies et a. c/Syndicat l'Union des opticiens. "Cette décision est à la fois une confirmation et une évolution qui vient compléter le droit de la gestion des compétences", analyse Jean-Pierre Willems, juriste en droit social et consultant en ressources humaines. Il répond aux questions de L'AEF.

L'AEF. En quoi cet arrêt est-il une confirmation?

Jean-Pierre Willems. La Cour de cassation a affirmé très tôt, dès l'arrêt Expovit du 25 février 1992, que l'entreprise est soumise, en vertu de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail, à une obligation d'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois. Cette décision a été prise sur le fondement de l'article 1134 du Code civil et avant même que l'obligation d'adaptation n'intègre le Code du travail.

Certaines entreprises y ont vu une création ex nihilo de la Cour de cassation et ont reproché à la Cour de disposer de manière générale, et ainsi de se substituer à la loi. Cet argument a été rejeté, les juges affirmant qu'ils ne faisaient que constater une obligation incluse dans le contrat de travail lui-même (Cass. Soc., 13 février 2001, n°98-45.464).

De la même façon, si la décision du 23 octobre 2007 se réfère à un article du Code du travail qui n'était pas en vigueur au moment des faits, ce n'est pas en faisant jouer rétroactivement le texte mais en postulant que celui-ci ne fait que traduire une obligation incluse dans le contrat de travail. En d'autres termes, l'article L. 930-1 du Code du travail ne serait qu'un rappel pédagogique d'une obligation qu'il ne créé pas car inhérente à la nature même du contrat de travail.

L'AEF. A-t-on d'autres exemples de création d'une obligation contractuelle ?

Jean-Pierre Willems. Oui. En matière de sécurité, la Cour de cassation, dès 2002 avec l'arrêt Everite, a soumis les entreprises à une obligation de sécurité de résultat incluse dans le contrat de travail. Cette jurisprudence a été constamment confirmée depuis, notamment dans l'arrêt de la Cour de Cassation, Chambre sociale du 13 décembre 2006, n°05-44.580 FS-PB Sté Valentin traiteur c/Fargeot.

L'AEF. Qu'est-ce qui fonde la création d'obligations contractuelles?

Jean-Pierre Willems. Essentiellement le pouvoir de direction. L'employeur a la maîtrise du contenu des emplois, de la stratégie de l'entreprise, de son organisation, etc. Le travail salarié demeure juridiquement un travail subordonné, c'est-à-dire un travail prescrit à la fois dans ses objectifs et dans ses modalités. De ce fait, la nature même du contrat de travail plaçant le salarié sous la responsabilité de l'employeur implique que ce soit l'entreprise qui assume, en premier lieu, une obligation de maintien des compétences et de garantie de la sécurité des salariés.

L'AEF. L'employabilité est-elle donc une responsabilité exclusive de l'entreprise?

Jean-Pierre Willems. Non. L'entreprise a une responsabilité première mais le contrat de travail est un contrat avec des obligations réciproques. Dès lors que l'employeur fournit les moyens de l'adaptation, ou de la sécurité, le salarié se doit de s'en saisir et de les utiliser. Les juges ont la même sévérité que vis-à-vis des entreprises pour les salariés qui refusent des formations, ne font pas d'effort d'adaptation ou ne respectent pas les règles de sécurité. La responsabilité est donc partagée mais elle part en premier lieu de l'entreprise, ce qui est dans la nature du contrat de travail.

L'AEF. Contrairement à ce que certains craignaient, le DIF n'a donc pas inversé la responsabilité de l'initiative en matière de formation?

Jean-Pierre Willems. Non. L'initiative n'est pas un critère pertinent d'identification du DIF. C'est l'accord entre l'entreprise et le salarié qui permet de caractériser le DIF. Le salarié peut prendre l'initiative de demander à suivre une formation dans le cadre du plan ou du CIF. Ce n'est pas la demande qui est le critère pertinent mais la nature de la décision. C'est ce qui permet aux entreprises de faire des propositions aux salariés pour l'utilisation de leur DIF: cette initiative ne fait pas obstacle à l'utilisation du DIF, dès lors qu'il y a accord.

L'AEF. Doit-on conclure de la décision du 23 octobre 2007 de la Cour de cassation que l'entreprise est soumise à une obligation générale de formation?

Jean-Pierre Willems. Non, ce n'est pas le sens de la décision. Les juges condamnent l'employeur qui ne s'inquiète pas du risque d'obsolescence des compétences des salariés. La finalité, pas le moyen utilisé. L'entreprise aurait pu prouver qu'elle avait permis une évolution des compétences par d'autres moyens que la formation. En l'occurrence, faute de traçabilité, les juges ne retiennent que les actions de formations suivies. On ne peut que conseiller aux entreprises d'élargir la traçabilité et de faire évoluer leurs plans de formation vers des "plans de professionnalisation" dans lequel n'apparaissent pas uniquement les formations mais également les autres actions mises en oeuvre pour l'évolution des compétences des salariés: polyvalence, tutorat, parrainage, enrichissement des activités, etc.

L'AEF. Quelles sont les limites de la responsabilité de l'employeur en matière de gestion des compétences?

Jean-Pierre Willems. L'article L. 930-1 du Code du travail tel que résultant de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social vise l'obligation d'adaptation au poste et la capacité à occuper un emploi. L'article L. 932-2 auquel il s'est substitué ne portait que sur l'adaptation des salariés au poste de travail et l'évolution de leurs emplois. L'évolution de la terminologie traduit une extension du champ de responsabilité qui est dorénavant double: tant que le salarié est présent dans l'entreprise, la référence est l'emploi occupé. Si l'entreprise envisage la rupture du contrat de travail, la référence est le même type d'emploi sur le marché du travail. À l'employabilité interne en cours de contrat succède l'employabilité externe lorsque le contrat prend fin.

L'AEF. Que recouvre aujourd'hui le "droit de la compétence"?

Jean-Pierre Willems. Il recouvre deux constructions jurisprudentielles: l'obligation d'adaptation telle que consacrée par l'arrêt du 23 octobre 2007 et les conditions posées par les tribunaux en matière d'appréciation de l'insuffisance professionnelle du salarié. De multiples arrêts, depuis 2002 notamment, ne permettent à l'employeur de reprocher un défaut de compétence que s'il est imputable au salarié et ne vient ni d'objectifs hors d'atteinte, ni de la situation du marché ou de l'environnement, ni de carences dans les moyens fournis par l'entreprise, ni d'un défaut d'accompagnement du salarié en matière d'évolution des compétences. Le contrôle est donc à la fois très précis et très rigoureux.

Ces deux constructions sont complétées par deux textes de référence: l'article L. 930-1 du Code du travail, qui rappelle l'obligation individuelle incluse dans chaque contrat de travail de gérer les compétences et l'employabilité des salariés, et l'article L. 320-2 qui impose une négociation triennale en matière de GPEC et de mesures d'accompagnement, dont la formation. C'est un ensemble d'une grande cohérence qui est dorénavant en place et qui a comme conséquence pratique qu'une entreprise ne peut prendre de décision négative concernant l'emploi ou la compétence d'un salarié (qu'il s'agisse d'un licenciement ou d'une moindre rémunération pour performance insuffisante), que si elle a elle-même satisfait à ses obligations.

 

02/03/2008

Ingres et les seniors

Quintessence de son art, condensé d'années de recherche, de milliers de calques et de dizaines de tableaux, chargé d'émotions et d'innovations auxquelles emprunteront maints épigones, dont Picasso n'est pas le moindre, le Bain Turc aura donc inspiré jusqu'aux Demoiselles d'Avignon.

 Ce chef d'oeuvre est également le dernier grand tableau peint par Ingres, à 82 ans, deux ans avant de s'éteindre. Les baigneuses étant là, la mort pouvait bien passer.

 

ME0000028982_3.jpg Quelques dirigeants d'entreprise et DRH pourraient utilement méditer devant ce tableau d'Ingres : si à 82 ans l'homme est capable d'un tel élan de créativité, de puissance picturale, de synthèse de toute une vie et d'une énergie remarquablement maîtrisée, aurait-il été raisonnable de le mettre en préretraite à 55 ans ?

15:24 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ingres

Matisse et la simplicité

Appollinaire parlant de Matisse : "Son art s' est dépouillé et malgré sa  simplicité toujours plus grande , il n' a pas manqué de devenir plus somptueux".
 
Ce que Matisse lui-même exprimait de la manière suivante :  " J'ai atteint une forme décantée jusqu' à l'essentiel et j'ai conservé de l'objet , que je présentais autrefois dans la complexité de son espace , le signe qui suffit et qui est nécessaire à le faire exister dans sa forme propre et pour l'ensemble dans lequel je l'ai conçu".
 
 Que l'on en juge par ce visage de femme et cette feuille de figuier peintes au soir de sa vie : 
 
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Voici résumé le graal pour les responsables ressources humaines : optimiser le couple simplicité/efficacité. Valoriser l'action et son résultat et non agir pour se valoriser. Point n'est besoin de montrer la boîte noire, il suffira que l'action paraisse naturelle et évidente, simple, accessible à tous.  Qu'il ait fallu à Matisse plus de soixante années de travail pour en arriver là, qui s'en soucie ?
 

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