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29/02/2008

Fiche d'évaluation orientée efficacité

L'évaluation de la formation a longtemps été, voire demeure, une évaluation à chaud mesurant la satisfaction immédiate du consommateur et associant éventuellement un pronostic sur l'utilité possible.

La norme ISO 9000-2000 en imposant de s'intéresser à l'efficacité des actions et non leur qualité a conduit certaines entreprises à travailler plus intensément sur le post-formation notamment en systématisant l'intervention du manager, soit lors de rencontres ad hoc, soit lors de l'entretien annuel lorsqu'il existe.

 Le modèle de fiche d'évaluation mis à votre disposition s'inscrit dans cette recherche d'un dialogue sur les effets plus que sur le produit lui-même. De fait cette évaluation n'est pas construite de manière chronologique mais en fonction des centres d'intérêt principaux de l'entreprise. De ce fait, les résultats viennent en premier, la qualité de l'action n'étant évalué qu'en ce qui concerne son impact sur la performance.

 

FICHE D'EVALUATION.doc

L'initiative ne fait pas le DIF

L'article 930-1 du Code du travail précise que l'accès des salariés à la formation est assuré :
- à l'initiative de l'employeur dans le cadre du plan de formation ;
- à l'initiative du salarié dans le cadre du congé individuel de formation ;
- à l'initiative du salarié avec l'accord de son employeur dans le cadre du DIF.

A priori, les lignes de partage sont claires et cohérentes : à l'employeur le plan, au salarié le CIF, aux deux parties le DIF.

Sauf qu'en réalité ce n'est pas l'initiative qui caractérise le plan, le CIF ou le DIF mais la décision. L'initiative n'est pas une catégorie juridique pertinente. Peu importe qui prend l'initiative, ce qui caractérise une situation juridique c'est qui prend la décision. Si je demande à mon employeur de me licencier et qu'il le fait, il s'agit bien d'un licenciement et non d'une démission. Peu importe quel était mon souhait ou ma demande : c'est l'entreprise qui a pris la décision de le suivre et c'est cette décision qui donne la qualification juridique de l'acte.

Il est bien évident qu'il y a de la place pour l'initiative du salarié dans le cadre du plan de formation : tout salarié peut solliciter l'employeur pour suivre une formation dans le cadre du plan. Idem, a contrario, pour le CIF : une entreprise peut orienter vers le CIF un salarié qui demande à suivre une formation qui n'entre pas dans la politique de l'entreprise. Quant au DIF, constatons que les entreprises dans lesquelles il fonctionne le mieux quantitativement est celle qui ont structuré une offre de formation et ont donc pris l'initiative de faire des propositions aux salariés.

Il est regrettable donc que l'initiative ait été retenue comme une clé d'entrée dans les dispositifs de formation alors que c'est le pouvoir de décision qui constitue le critère de différenciation :
- le plan correspond à une décision de l'employeur ;
- le CIF correspond à une décision du salarié qui pourra, à terme, l'imposer à l'employeur ;
- le DIF nécessite un accord. Peu importe qui a pris l'initiative de la négociation : c'est l'accord des parties qui fait le DIF et le caractérise. Faute d'accord préalable à la formation pour acter que celle-ci s'effectue dans le cadre du DIF, il n'y a pas de DIF.

Le nouveau code du travail, qui sera applicable à compter du 1er mai prochain, tente de rectifier le tir avec une formulation qui relativise nettement la portée du terme initiative. Selon l'article L. 6312-1 :
L'accès des salariés à des actions de formation professionnelle continue est assurée :

- A l'initiative de l'employeur, le cas échéant, dans le cadre d'un plan de formation ;

- A l'initiative du salarié notamment dans le cadre du CIF ;

- A l'initiative du salarié avec l'accord de son employeur dans le cadre du DIF ;

- dans le cdre des périodes de professionnalisation ;

- dans le cadre des contrats de professionnalisation.

 

Les rédacteurs se sont arrêtés à mi-gué, ce qui n'est jamais une position satisfaisante. Manifestement il a été perçu que la notion d'initiative ne faisait pas sens, au moins d'un point de vue juridique. De ce fait, sa portée est relativisée par la formule "le cas échéant" ou l'adverbe "notamment", ce qui marque bien que ce n'est pas l'initiative qui caractérise le dispositif. Mais si le diagnostic a été fait que le terme était porteur de peu de sens, il aurait fallu aller jusqu'au bout de la logique et supprimer toute référence à l'initiative pour venir sur la décision. Le plan demeure de la décision de l'entreprise, le CIF de la décision du salarié (c'est un droit) et le DIF de la négociation. Sur ce dernier point, il aurait été judicieux de véritablement insister sur l'accord et non l'initiative qui laisse penser, à tort, que le DIF ne peut fonctionner que sur activation du salarié alors que tout l'intérêt du dispositf réside dans la négocation qu'elle instaure sur la formation et sa finalité.

 

Développer ses compétences avec Pierre Villepreux

Pierre Villepreux, joueur, entraîneur et théoricien du rugby (Le jeu de mouvement et la disponibilité du joueur, Mémoire INSEP 1987, plus récemment : Envoyez du jeu ! : le management du changement à l'école du rugby avec Vincent Lafon, éd. Village mondial, 2004) a conceptualisé les conditions du développement des compétences du rugbmymen. Ecoutons ce qu'il nous dit :

"Le but, c’est de s’adapter aux contraintes et exigences de la situation en recherchant le résultat le plus efficace possible puisque la réussite dépend, pour le joueur, de ses ressources disponibles et de leurs qualités mais aussi de sa capacité à les mobiliser au moment voulu."

Cette première distinction entre les reccources et la capacité à les mobiliser fait toute la différence entre le capital personnel acquis par l'expérience ou la formation et la compétence, définie comme la capacité à savoir utiliser ces ressources à bon escient. 

 

"L’adaptation pour être efficace doit être active. La lecture du jeu n’est pas une banale prise d’information passive mais bien un moyen pour donner du sens à son action grâce à l’acquisition de repères et indices toujours plus nombreux et précis, conduisant à un référentiel commun à tous. Il s’agit bien donc de former les joueurs à lire le jeu en les plaçant dans des situations problèmes qui soient à la mesure de leur niveau de jeu."

L'action est rarement individuelle. En entreprise elle ne l'est jamais, au rugby non plus. S'il est impossible de modéliser le comportement de 30 acteurs autonomes sur un terrain, il est indispensable de disposer de références collectives. Le plus simple dans ce domaine consiste à élaborer des combinaisons et à les multiplier lors d'entraînements. Nécessaire mais insuffisant. Car le joueur sera toujours confronté en cours de match à des situations qu'il n'aura pu répéter à l'entraînement et qui lui présenteront des configurations inédites de positionnement, de timing, d'options à prendre. Et il faudra faire un choix. Plutôt rapidement d'ailleurs faute de subir la percussion de quelques furieux de 100 kgs avec qui on sera partenaire de comptoir plus tard mais qui sur l'instant ne pensent qu'à vous enfoncer dans la pelouse. L'option la plus pertinente sera celle qui est partagée par les quatorze équipiers qui pourront anticiper sur le choix du joueur, sans que cette anticipation ne soit prévisible par les adversaires. Pour cela il faut à la fois de solides bases communes sur le jeu et les principes de l'équipe, mais aussi une capacité d'innovation partagée afin que le porteur du ballon ne se retrouve pas isolé, et donc condamné à subir quelques châtiments corporels, faute de compréhension de son choix par ses partenaires.

 

"Le joueur doit être mis en situation d’incertitude ,on peut dire d’instabilité qui doit l’amener à fonctionner par prédiction et anticipation donc, à connaître et comprendre de plus en plus finement les mécanismes de jeu dans les situations successives et évolutives."

 Placer les jouers en situation d'instabilité, confrontés à des situations inconnues qu'ils doivent résoudre, est une condition nécessaire de la progression. Les consultants savent bien qu'ils progressent lorsqu'ils acceptent de prendre des missions qu'ils ne maîtrisent pas totalement. Et les étudiants doivent accepter dêtre évalués sur des sujets qu'ils n'ont jamais traité plutôt que sur la répétition de ce qu'ils ont déjà effectué des dizaines de fois. La vie repasse rarement les plats.

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Au-delà des bornes, il n'y a plus de limites


Quand un salarié est-il en hors-temps de travail ?

 

La multiplication des possibilités de formation hors-temps de travail, que ce soit dans le cadre du DIF ou dans le cadre du plan de formation conduit à poser la question des temps disponibles pour réaliser les formations. La doctrine n'est pas unanime sur les temps qui permettent de suivre une formation. A priori on pourrait considérer que tout temps autre que le temps de travail effectif est "hors-temps de travail". Mais si cette définition de bon sens est retenue, quelles solutions adopter pour le suivi d'une formation pendant un repos obligatoire, les congés payés ou d'autres congés, tels que le congé parental, le congé maladie ou le congé maternité. Même si, comme toujours en matière juridique, il appartiendra aux juges de fixer les bornes du temps utilisable, on peut avancer quelques arguments sur les différents temps concernés.
 

Les repos obligatoires : L'entreprise ne peut imposer au salarié de travailler pendant les périodes de repos obligatoire, tant quotidien qu'hebdomadaire. Mais le salarié est libre de l'utilisation de ses temps de repos, qui ne sont pas des temps d'inaction, la seule limite étant constituée par l'article  L. 324-2 du Code du travail qui dispose qu'aucun salarié ne peut effectuer de travaux rémunérés au-delà de la durée maximale du travail, telle qu'elle ressort des lois et règlements (soit 48 heures par semaine).

Toutefois, il faut considérer que la formation suivie en dehors du temps de travail dans le cadre du développement des compétences ou du DIF n'est pas un travail rémunéré. De plus, l'article L. 324-4 prévoit que l'interdiction ne s'applique pas pour certaines activités, notamment les activités d'ordre scientifique, littéraire ou artistique ou encore les concours apportés aux oeuvres d'intérêt général, notamment l'enseignement et l'éducation. Doit-on dès lors considérer que le salarié peut librement se former sur son temps de repos, y compris obligatoire ? les textes inclinent à répondre positivement, toutefois avant d'accepter de telles organisations l'entreprise devra procéder à l'évaluation des risques qu'elle peut entraîner. Par exemple, la responsabilité de l'entreprise pourrait être recherchée si elle négociait le suivi d'une formation en journée pour des salariés postés travaillant la nuit, s'il apparaît que le cumul de ces différentes activités est incompatible avec la protection de la santé du salarié : pas d'impossibilité absolue donc, mais un principe de prévention selon les obligations de l'entreprise en ce domaine. Même si le DIF était demandé par le salarié, par son accord l'entreprise doit veiller à ne pas enfreindre l'obligation de prévention. Par contre, le suivi d'un DIF pendant le week-end à des heures ordinaires de formation ne présentent guère de difficulté de principe.

Les congés payés : Il est possible de se former pendant les congés payés. Si les congés payés sont des repos, le salarié demeure libre de leur utilisation, sous réserve de ne pas se livrer à une activité salariée. Rien n'interdit donc à un salarié de demander à son entreprise de suivre une formation dans le cadre des congés payés, dès lors que cette formation n'est pas assimilée à du travail. Il en est ainsi dans le cadre du développement de compétences pour le plan de formation ou dans le cadre du DIF. Cette solution serait également applicable aux jours de congés conventionnels. Dans un tel cas, le salarié perçoit à la fois l'indemnité de congés payés et l'allocation de formation.

Les autres congés. Il est nécessaire de distinguer deux types de congés :


- les congés sans affectation particulière : ce sont les congés qui n'ont pas de finalité propre, tels que les jours de RTT, les repos compensateurs, le congé sabbatique ou encore le congé sans solde. Ils peuvent librement être utilisés pour le suivi d'une formation en dehors du temps de travail.

- les congés ayant une destination, ou finalité, précise. Par exemple, les congés parentaux, les congés pour évènements familiaux, les congés maladie, les arrêts de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, etc. A priori, ces congés ont une finalité prévue par la loi, qui ne peut être détournée au profit de la formation. Toutefois, dès lors que le salarié remplit les conditions relatives au congé et respecte les obligations qui en résultent, le suivi d'une formation ne peut être totalement exclu. Ainsi, pourquoi interdire à un salarié de bénéficier de cours de langues par téléphone dans le cadre du DIF alors qu'il est en congé maladie, ou encore à un salarié de profiter d'un congé maternité ou paternité pour suivre une formation dès lors que les obligations propres au congé sont respectées ? (respect des heures de présence à domicile par exemple). Ou encore, qu'est-ce qui s'oppose à ce qu'un salarié sur un congé de longue durée avec sorties libres favorise sa reprise d'activité par le suivi d'une formation en dehors du temps de travail ? Relevons par analogie que la sécurité sociale accepte le cumul des indemnités journalières avec les congés payés lorsque la maladie survient en cours de congés. Dès lors, le cumul d'une allocation de formation et des IJ ne doit pas être impossible. Le caractère indemnitaire permet par ailleurs de considérer qu'il ne s'agit pas d'un revenu (l'allocation de formation n'est pas assujettie à la CSG et la CRDS qui visent tous les revenus d'activités) ce qui conforte l'hypothèse d'un cumul possible.

Il faut alors considérer que le hors temps de travail doit s'entendre de toute période dont le salarié a la libre disposition et qu'il choisit d'utiliser, dans le cadre d'un accord avec l'entreprise, pour la formation sans contrevenir à d'autres règles de droit du travail. En d'autres termes, si le cumul d'un congé et d'une formation hors temps de travail ne pose pas de problème de principe, c'est à la condition que ses modalités de mise en oeuvre ne contreviennent à aucune disposition réglementaire.

Le forfait jour et la notion de hors temps de travail Pour les salariés ayant conclu une convention de forfait jours, le temps travaillé est défini en jours ou en demi-journées (C. trav., art.  L. 212-15-3). A priori, le hors temps de travail doit s'entendre des jours ou demi-journées non travaillées. Mais le principe même d'autonomie des salariés conduit à pouvoir considérer que des journées travaillées peuvent comporter une partie de temps qui se trouve en dehors du temps de travail. En effet, le salarié étant autonome et la journée n'ayant pas de durée imposée (sauf si l'accord instituant le forfait jour le prévoit), il est possible de considérer qu'un salarié au forfait peut toujours réserver une partie de sa journée à d'autres activités que le travail, y compris la formation. Refuser cette possibilité, reviendrait à dénier toute autonomie aux salariés au forfait dans l'organisation de leur emploi du temps, or être autonome est la condition même de validité d'une convention de forfait jour. C'est donc à la négociation entre l'employeur et le salarié qu'il reviendra de dire si la formation est suivie en dedans ou en dehors du temps de travail.

 

Comme on peut le constater, la notion de hors-temps de travail est donc très large et favorise l'initiative et la créativité dans la mise en place de projets de formation.

 

De l'expérience à la compétence

Jouer un match de rugby, c'est une expérience. Qui laisse souvent des traces. Mais lesquelles exactement, si l'on excepte les pommettes enflées par les poires et marmites égarées et les zébrures de crampons sur les parties charnues qui ont malencontreusement dépassé du regroupement ?

 Pour ne pas laisser au hasard les fruits de l'expérience, le travail d'analyse et de décryptage des matchs se fait toujours plus précis : statistiques individuelles et collectives fournies quasiment en temps réel, actions et gestes clés identifiés et remontés en séquence continue, analyse vidéo du jeu sous plusieurs angles de vue, retours collectifs sur les phases de jeu, etc. On est loin du tableau noir habituel des entraîneurs profs ou même des paperboards à messages des entraîneurs managers communicants.

 Après ce travail d'analyse viendra la modélisation, ou mise en place de principes de jeu sur des phases clés que l'on identifiera d'abord sur le papier avant de les répéter sur le terrain.80059992.jpg967161832.jpg1954190344.jpg1226489272.jpg

 

 

 

 

 

 

Sans ce travail d'analyse, de conceptualisation et d'appropriation du jeu, l'expérience du dimanche précédent risque de servir peu le dimanche suivant. L'expérience ne créé pas de la compétence de manière spontanée et naturelle. Elle n'est pas équivalente à la compétence.

 C'est ce que certains candidats à une VAE ont du mal à saisir : il ne s'agit pas de mesurer un niveau de professionnalisme dans son métier et dans son contexte, mais de vérifier qu'il existe une maîtrise suffisante des situations de travail pour que la prise de recul, l'analyse et partant l'existence d'une véritable compétence puisse être attestée.

 Si ce passage de l'expérience à la compétence peut s'effectuer de manière plus ou moins implicite chez les individus, qui veut générer de véritables effets prendra soin d'organiser le travail d'analyse et de prise de recul, conçus comme des étapes du parcours d'apprentissage. Et se souviendra que si le tableau noir est indispensable pour gagner les matchs, il n'est pas suffisant.

 

Du salarié citoyen au ministre manager

En 1982, les lois Auroux se donnaient pour objectif de faire des salariés des citoyens dans l’entreprise. Par divers moyens (droit d’expression directe, compétences des représentants du personnel, limitation du pouvoir patronal par le règlement intérieur…) la loi se fixait comme objectif de faire du salarié un acteur adulte dans l’entreprise et d’introduire des mécanismes de démocratie participative au cœur de l’entreprise.

A la fin des années 80, un premier glissement sémantique est intervenu : on ne parlait plus de salarié citoyen mais d’entreprise citoyenne. Oubliée la place du salarié dans l’entreprise et le fonctionnement du pouvoir en interne, il s’agissait de promouvoir les comportements citoyens des entreprises, promotion sans doute directement proportionnelle à l’affaiblissement de ce rôle citoyen que beaucoup d’entreprises ont joué implicitement pendant les trente glorieuses.

Au cours des années 90, est apparue un étrange vocable : l’Entreprise France. La notion de dirigeant s’est substituée peu à peu à celle de responsable politique, la compétence s’est affichée comme la qualité première des hommes et femmes politiques, supplantant l’idéologie chez nombre de concitoyens.

Aujourd’hui une nouvelle étape est franchie : le ministre doit non seulement être un manager compétent de l’entreprise France mais il faut lui appliquer les méthodes manageriales quant à l’évaluation de son action. Que du bon sens : il faut rendre des comptes, être efficace, produire une bonne gestion.

Ce glissement progressif du déplaisir en politique correspond  très précisément aux objectifs du néo-libéralisme tel que dépeint par François Denord (Néo-libéralisme version française. Histoire d’une idéologie politique, Demopolis, 2007 ; également Christian Laval, L’homme économique. Essai sur les racines du néolibéralisme. Gallimard 2007) : non pas glorifier le marché libre et la concurrence absolue comme on l’entend souvent, mais une universalisation du raisonnement économique avec pour référence normative le sujet rationnel calculateur. Toute réalité institutionnelle et tous les rapports sociaux sont ordonnés selon les principes du calcul économique de type marchand. L’homo économicus se substitue à l’homme social, à l’homme démocratique et à l’homme politique. Le citoyen s’efface devant le consommateur, toute action publique ou privée s’évalue en terme de coûts-bénéfices. En politique, le citoyen vote pour « en avoir pour son argent ». Il regarde « l’offre » politique et fait son choix après avoir mesuré quel retour sur investissement, de son vote, il peut obtenir.

Dans ce contexte, l’évaluation des ministres n’est évidemment pas une bonne mesure. Pour trois raisons :

-          En démocratie, l’évaluation des élus se fait par le vote et non par des agences de notation. Mandataires du peuple souverain, les élus rendent compte à leur mandat qui leur renouvellent, ou non, leur confiance ;

-          Il ne s’agit pas d’évaluer des personnes mais des politiques. L’évaluation des politiques publiques est une exigence d’autant plus forte qu’il s’agit de l’emploi des ressources publiques. Evaluer l’efficacité des mesures adoptées, des lois votées, de l’action administrative non seulement n’est pas contestable mais est fortement nécessaire ;

-          L’action politique doit être distinguée de l’action manageriale ou de l’action gestionnaire. Elle n’est pas de même nature, n’a pas les mêmes finalités et n’a pas les mêmes fondements. Elle ne peut donc être soumise au même crible de l’évaluation que l’action économique à laquelle elle ne saurait être réduite.

Interview AEF - Accord du 11 janvier 2008

L'accord sur la modernisation du marché du travail "pose des bases pour la construction d'un statut social de l'actif" (Jean-Pierre Willems)

Jean-Pierre Willems

Le marché du travail est-il vraiment modernisé par l'accord du 11 janvier 2008? "Les négociateurs avaient fixé la barre haut: poser les fondements d'un meilleur fonctionnement du marché du travail autour d'une flexi-sécurité à la française. En clair, des ruptures de contrat de travail facilitées contre de meilleures garanties sociales pour accompagner la mobilité du salarié", analyse Jean-Pierre Willems, consultant en droit social et en ressources humaines. "L'objectif est-il atteint? Au vu du contenu de l'accord, on peut acter que le premier pas est fait mais qu'il reste encore du chemin." Jean-Pierre Willems répond aux questions de L'AEF.

L'AEF. L'accord sur la modernisation du marché du travail est-il un accord "cadre" qui pose des principes et renvoie à des négociations, ou bien contient-il des dispositions véritablement applicables?

Jean-Pierre Willems. La quasi-totalité des dispositions de l'accord renvoient soit aux pouvoirs publics, soit aux négociations interprofessionnelles à venir (assurance-chômage, formation professionnelle…), soit aux négociations de branche. Mais il serait restrictif de considérer qu'il ne s'agit que de pétitions de principes dénuées de portée propre. Le texte a valeur d'accord, il fixe des objectifs à atteindre, il prend des engagements et permet de donner le sens des réformes à venir. Si l'on voulait une référence juridique, on pourrait dire qu'il s'agit d'un préambule qui va structurer toute une série de textes. Et l'on sait la portée que les juges confèrent aux préambules, à commencer par celui de la Constitution.

L'AEF. Est-il possible d'illustrer cette portée pratique du texte?

Jean-Pierre Willems. À deux reprises, le texte insiste sur le rôle déterminant de l'organisation du travail en matière de développement des compétences et de qualification des salariés (article 6) et d'emploi des seniors (article 9). On pourrait voir là, couplé à la jurisprudence récente de la Cour de cassation sur l'obligation pour l'entreprise de maintenir l'employabilité des salariés (Cass. Soc., 23 octobre 2007), un risque juridique certain pour les entreprises qui font le choix de créer des postes de travail monotâches ou pauvres en contenu. Cette affirmation pourrait signer l'acte de décès d'une certaine forme de taylorisation.

L'AEF. Les possibilités de rupture du contrat de travail sont-elles véritablement assouplies par l'accord?

Jean-Pierre Willems. Trois dispositions concernent l'assouplissement des ruptures: les durées des périodes d'essai, la rupture conventionnelle et le CDD (contrat à durée déterminée) de projet. Concernant les périodes d'essai, il sera nécessaire de renégocier les conventions collectives (plus de 300!) qui souvent prévoient des périodes plus courtes. L'effet me paraît donc limité. Concernant la rupture conventionnelle, elle existe déjà et constitue le mode de rupture majoritaire des CDD, notamment des contrats en alternance. La nouveauté est qu'elle sera assortie d'indemnités et ouvrira droit à l'assurance-chômage. Elle devrait donc réduire, c'est l'objectif, les "faux licenciements transactionnels". Il s'agit essentiellement d'une mise en conformité du droit avec les faits.


Quant au CDD de projet, il ne s'agit que d'un motif supplémentaire de recours et il faut souligner que les CDD de longue durée constituent des contrats qui ne placent pas le salarié dans une situation défavorable (on pourrait prendre l'exemple des sportifs professionnels), le licenciement économique étant impossible, ainsi que tout autre licenciement, sauf faute grave. Et en cas de rupture injustifiée, le salarié peut prétendre à l'intégralité des salaires en jeu, soit jusqu'à trois ans. Il n'est pas certain, donc, que ce contrat limite les risques juridiques pour les entreprises.

Au chapitre des ruptures, notons tout de même que l'accord met un point final à tout projet de contrat type CNE (contrat nouvelles embauches) ou CPE (contrat premières embauches) en rappelant l'exigence de la convention de l'OIT (Organisation internationale du travail), à savoir que tout licenciement soit justifié.

L'AEF. Qu'en est-il des contreparties à ces assouplissements sur les ruptures?

Jean-Pierre Willems. L'innovation majeure du texte, celle qui répond le mieux à l'objectif de sécurisation des parcours professionnels, est la portabilité. Poser le principe que des droits issus du contrat de travail peuvent survivre au contrat et continuer à bénéficier au salarié constitue une avancée majeure, comme celle de considérer que les moyens de formation des salariés et des demandeurs d'emploi doivent être articulés et non juxtaposés.

L'AEF. Comment se traduit en pratique la portabilité?



Jean-Pierre Willems. Le modèle est manifestement ce qui a été négocié dans la branche du travail temporaire: la possibilité d'avoir une prévoyance entre deux missions et de pouvoir bénéficier d'un accès à la formation entre deux missions pour les travailleurs intérimaires. La prolongation de la prévoyance au-delà du contrat de travail, couplée à la possibilité de bénéficier du DIF (droit individuel à la formation) au-delà du contrat, créé pour les salariés un statut social qui n'est plus enfermé dans les bornes du contrat. À lui seul, ce principe justifiait, me semble-t-il, la signature du texte par les organisations syndicales.

L'AEF. Pour le DIF, est-ce le passage d'un droit attaché au contrat de travail à un droit personnel?

Jean-Pierre Willems. Non, pas tout à fait. Le DIF demeure acquis dans le cadre du contrat, c'est son utilisation qui est élargie. Il y aura passage à un droit personnel quand toute personne en activité, quel que soit son statut, pourra capitaliser 20 heures de formation par an. Par contre, il s'agit pour les entreprises d'un début de traduction financière des crédits d'heure acquis au titre du DIF. Tout salarié ayant vocation à quitter l'entreprise un jour, il va devenir nécessaire de provisionner les heures capitalisées au titre du DIF. Voilà qui devrait sérieusement "booster" la mise en oeuvre du DIF, même si le risque financier demeure limité (0,5% de la masse salariale pour 20 heures par an, proratisé en fonction du turnover).

L'AEF. Quel bilan final tirer de cet accord?

Jean-Pierre Willems. Il s'agit d'un vrai accord dans la mesure où chacune des parties peut considérer qu'elle a fait des concessions. S'il n'est pas "révolutionnaire" et ne réglera sans doute pas à lui seul la question de la flexi-sécurité, il pose des bases saines pour la construction d'un statut social de l'actif qui ne soit pas exclusivement lié à l'existence d'un contrat de travail.

 

La suppression de l'obligation légale (Entreprise et Carrières)

La suppression de l'obligation légale était envisagée par l'ANI du 5 décembre 2003, une négociation devant aborder la question du passage d'une obligation fiscale à une obligation conventionnelle. Cette suppression de l'obligation légale ne signifie évidemment pas la fin de toute obligation de financement de la formation mais le passage à un véritable dispositif de gestion paritaire.

L'interview donnée à Entreprise et Carrières explique pourquoi la suppression de l'obligation légale peut être envisagée et quelles seraient ses conséquences.

InterviewEntrepriseetCarrièreSuppresiondel'obligatiolégal...

27/02/2008

Judith et Holopherne

Le regard est lucide, le bras ne tremble pas. La légère attitude de recul marque le dégoût, sans que ne soit entamée la détermination. Le méchant visage de la servante contraste avec la paisible beauté de Judith, passagèrement troublée par le meurtre qu'elle accomplit. Assassinat serait mieux approprié car la préméditation ne fait pas de doute.

 

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On connaît l'histoire : Holopherne assiège avec ses troupes la ville de Béthulie. Judith sort de la ville avec sa servante pour rejoindre le camp d'Holopherne. Elle lui laisse entendre qu'elle lui ouvrira l'accès de la ville. Holopherne se voit victorieux au combat et en amour. Le vin lui est léger. Mais la nuit d'ivresse sera sa dernière. Le lendemain, Judith exhibera fièrement la tête du général orgueilleux, provoquant la débâcle et la déroute de ses troupes.

 Il ne faut sans doute pas voir trop rapidement dans l'histoire de Judith la justification de tout moyen pour atteindre de nobles fins. Mieux vaut observer la scène : qui ne connaît pas l'histoire voit un meurtre commis sans hésitation aucune. Resitué dans son contexte, l'assassinat d'Holopherne devient un acte héroîque que Judith commet à contre-coeur mais sans hésiter. Le Caravage, outre le dramatique de la scène, rend particulièrement  l'attitude paradoxale de Judith qui ne souhaite pas tuer mais n'hésite pas à le faire.

 Nous pouvons en conclure que les actes ne font pas sens par eux-même, que les images ne parlent pas seules, que les procédures ne dévoilent pas la finalité. Si nous voulons que nos actes aient un véritable sens, il est indispensable de les expliciter et de les référer à un système de valeurs plutôt que de les abandonner à d'hasardeuses interprétations.

Le projet de loi sur la modernisation du marché du travail oublie le DIF : une bonne nouvelle !

Le projet de loi sur la modernisation du marché du travail, qui transpose l'accord intervenu entre les partenaires sociaux le 11 janvier 2008, constitue une traduction minimale et fidèle de cet accord. Il reprend les points clés en matière de droit du travail : périodes d'essai, CDD de projet, suppression du CNE, etc.

Mais il est muet sur la portabilité du DIF. Et c'est une bonne nouvelle. Tout d'abord parce qu'il s'agit d'une continuité : le DIF a été créé par l'ANI du 5 décembre 2003 et la loi du 4 mai 2004 avait déjà opté pour un service minimum en ne créant que 6 articles dans le code du travail et en s'abstenant de décret (à l'exception du mode de calcul de l'allocation formation) et surtout de longue circulaire de commentaire. Si certains praticiens s'en sont plaint (mais comment fait-on ?), cette volonté délibérée témoignait de la volonté respectée des partenaires sociaux de permettre une appropriation différenciée de ce dispositif et de laisser une large place à la négociation. La poursuite d'une telle attitude est louable.

En second lieu il s'agit d'une bonne nouvelle parce qu'est ainsi confirmé le fait que la portabilité relève de la négociation collective. Les partenaires sociaux ont prévu qu'il revenait aux branches professionnelles de préciser l'organisation de cette portabilité et aux OPCA, en coordination pour les demandeurs d'emploi avec l'ASSEDIC, d'en assurer le financement. L'assurance chômage et l'assurance formation relèvent en premier lieu de la responsabilité des partenaires sociaux qui réaffirment donc leur autonomie.

 La retenue du législateur qui ne s'immisce pas dans la gestion du DIF et dans l'organisation de sa portabilité marque donc une étape supplémentaire dans la création d'un véritable régime conventionnel de l'assurance formation. La prochaine sera la levée de la tutelle étatique avec la suppression de l'obligation légale de financement de la formation professionnelle au profit d'obligations conventionnelles à l'instar de l'assurance chômage.