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29/01/2010

Le syndrome de l'ingénieur

Le modèle français est celui de la rationalité triomphante. Le modèle de l'ingénieur qui construit les avions les plus performants (le Rafale, le 680, le Concorde), les trains les plus rapides (TGV), les centrales nucléaires les plus productives, etc. Que ces brillantes créations de la rationalité technologique ne soient pas que des réussites commerciales voire ne séduisent guère les destinataires potentiels n'est pas un motif suffisant pour remettre en cause le modèle. Preuve en est, à un autre niveau certes, le projet d'accord proposé par l'UIMM sur la GPEC dans le secteur de la métallurgie. La GPEC y est définie comme la prévision des besoins futurs de l'économie (pas des organisations ou des personnes les besoins, de l'économie on l'aura noté) et la mise en adéquation des compétences actuelles des salariés. Le modèle est persistant : on prévoit l'avenir puis on s'y adapte. L'ingénieur est donc à la fois un génie technologique et un prophète, autrement dit un Dieu tout puissant qui maîtrise les lois de la nature.

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Rafal Olbinski - Le prophète
Démiurge certes, mais rationnel. Cette conception binaire et mécaniste de la GPEC, dans laquelle les individus sont des sommes de compétences techniques constituant un stock qu'il importe de maintenir à jour et adapté à la prévision future, ne fonctionne pourtant pas. Ni en terme de mobilisation des personnes, on le comprend aisément puisque l'individu n'est renvoyé qu'à ce qui lui manque pour l'avenir, ce qui permet au passage de ne pas valoriser l'existant, ni en terme de prévision tout simplement comme l'actualité s'acharne à nous le démontrer. Et c'est ainsi que la GPEC est l'art de stocker le passé en s'acharnant à tracer les compétences des individus et à travailler sur un avenir qui, comme la ligne d'horizon, demeure un mirage inatteignable. A croire que le syndrome de l'ingénieur est d'oublier qu'il existe un présent, un ici et maintenant à célébrer quotidiennement, tel un anniversaire. Mais tout ceci est-il bien rationnel et raisonnable ?

Commentaires

Les XIX et XX ème siècle ont été ceux des ingénieurs. En ces temps anciens d'industrialisation (dans tous les domaines y compris l'agriculture) la France avait besoin d'ingénieurs et ceux-ci représentaient l'avant garde du monde du travail.
Désormais ce ne sont plus les ingénieurs qui mènent le monde du travail mais les concepteurs inventeurs de produits et services.
La plupart des grands projets économiques de ce siècle naissant sont avant tout des projets de visionnaires qui n'ont que faire des conventions et des plans traditionnels : Apple, Google, Amazon, free (en France) sont avant tout des idées, des concepts, une vision.
Dans nos écoles et centres de formation on continue à former des travailleurs pour le XX ème siècle mais l'histoire (et l'économie) ne repasse pas les plats. Nos entreprises conformistes inventent bien peu des produits ou des services dont les consommateurs des pays développés ont besoin (et envie).
La GPEC est souvent une activité mécaniste comme le remarque JP Willems où l'on considère que les qualifications et compétences sont stables et donc plus des stocks à gérer que des flux à organiser.
C'est une vision dépassée, la compétence est une dynamique, on peut l'acquérir (comme la perdre) et notre système figé et conformiste de formation professionnelle a le plus grand mal à professionnaliser un pays qui n'a pas encore compris qu'on se forme tout au long de la vie et qu'on ne peut accorder 70 euros par an pour former un travailleur et 10 000 euros (par an toujours) à un lycéen.

Écrit par : cozin | 30/01/2010

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