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29/07/2009

De la contingence

Le parc de Miguasha, en Gaspésie, est classé au patrimoine de l'Unesco. Dans les falaises de schiste et d'argile plusieurs milliers de fossiles de plantes, d'insectes, d'animaux, certains datant de plus de 400 millions d'années, ont été mis à jour et sont présentés de manière très pédagogique. C'est parce que le poisson est un jour sorti de l'eau que l'homme existe. Aller à la rencontre des poissons n'est donc jamais qu'un retour aux sources !

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Avant/Après (400 millions d'années)

La visite est également l'occasion de redécouvrir Stephen Jay Gould, paléontologue père de la contingence : "Les humains ne sont pas le résultat final d'un progrès évolutif prédictible mais plutôt une minuscule brindille sur l'énorme buisson arborescent de la vie qui ne repousserait sûrement pas si la graine de cet arbre était mise en terre une seconde fois (...) On est obligé à présent de regarder l'imposant spectacle de l'évolution de la vie comme un ensemble d'événements extraordinairement improbables, impossibles à prédire et tout à fait non reproductibles". Autrement dit, la contingence est la troisième voie entre le déterminisme (le chemin est tracé) et le hasard (il n'y a pas de chemin) : il y a un nombre fini de chemins  mais le fait de prendre l'un ou l'autre relève du hasard. La liberté des possibles en quelque sorte. Ainsi vue, l'évolution n'est pas un progrès mais la suite de l'histoire...

28/07/2009

Naïveté créative

Ils surgissent de la brume sans prévenir, processionnaires venant de la mer du Saint-Laurent pour aller où ? le grand rassemblement de Marcel Gagnon s'opère sur une plage de Gaspésie au pied de la maison de Marcel Gagnon qui emprunte aux inspirés du bord des routes, ceux qui laissent aller leur désir et lui donnent formes.

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Marcel Gagnon - Le grand rassemblement

Marcel Gagnon écrit des poésies, sculpte des personnages énigmatiques, recouvre sa maison de figures improbables et peint des motifs naïfs. La naïveté est présente dans ses textes et dans ses peintures, elle confine parfois à la guimauve et la qualité fait souvent défaut aux productions. Pour autant, elle est porteuse de désinhibition et source de créativité. Qu'importe que le chef d'oeuvre ne soit pas au rendez-vous, partageons le plaisir que s'est autorisé Marcel Gagnon de ne jamais cesser de faire des pâtés de sable.
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Marcel Gagnon - Le grand rassemblement

Par différentes associations, le chemin de Marcel Gagnon m'a mené à Marc Tessier, bédéiste Québecois qui va publier  "A la brunante sur une plage d'agates", roman-photo racontant le trajet d'Alfred Pellan et Paul-Emile Borduas en 1944 pour aller rencontrer André Breton en Gaspésie. Une image du livre :
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Marc Tessier 2009

Autre rassemblement, autres pâtés de sable : où sont les votres ?
Pour ceux que le travail de Marc Tessier intéresserait : http://likeanacidtrip.blogspot.com/

Quand à la rencontre d'André Breton et de la Gaspésie à l'aune du Rocher Percé, elle fera l'objet d'une prochaine chronique.

24/07/2009

Former pour l'éternité

Le Québec est un des berceaux de la recherche en pédagogie et en formation. Du coup, les libraires et bouquinistes regorgent d'ouvrages consacrés à l'éducation. Dans le lot : "Fantasme et formation", paru en 1975 chez Dunod (R. Kaes, D. Anzieu, L.V Thomas). On y apprend, notamment, que le désir de former procèderait d'un désir d'éternité, même s'il ne s'y réduit pas.

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Baie d'éternité - Québec - Fjord du Saguenay

Une ballade dans la baie d'éternité a sans doute assouvi le fantasme puisqu'au moins temporairement a disparu tout désir de former....jusqu'à la fin des vacances !

Très bel été à toutes et à tous. Quelques clins d'oeil alimenteront ce blog pendant les vacances. L'actualité y retrouvera sa place à compter du 24 août.....2009.

10/07/2009

Une fausse bonne idée

Toutes les idées ne sont pas bonnes et il faut parfois y réfléchir à deux fois, surtout quand l'évidence semble s'imposer. Moins les questions se posent d'elles mêmes et plus il est nécessaire de les poser. Dans le cadre du projet de loi sur l'orientation et la formation professionnelle, il semble communément admis que les TPE et PME n'ont ni compétences ni pratiques en matière de formation et que leur seule ressource financière pour faire de la formation est l'obligation légale. Sur la base de ces deux constats erronés, le Gouvernement propose, alors que les partenaires sociaux ne le souhaitent pas, que toutes les entreprises de moins de cinquante salariés versent l'intégralité de leur obligation fiscale de financement de la formation à un OPCA. Fixer un nouveau seuil en matière de formation professionnelle n'est pas non plus une bonne idée, après la différenciation des obligations pour les entreprises de moins de 10 et de 20 salariés voici une différenciation pour les entreprises de moins de 50 salariés.

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La définition de seuils a souvent plus d'effets pervers que d'effets bénéfiques. Cela devrait se vérifier une fois encore si la loi est votée en l'état. En réalité, il est bien souvent préférable de travailler à ce que le droit commun soit suffisamment pertinent pour englober toutes les situations, que de créer des droits particuliers et segmentés qui rendent les textes illisibles et créent des inégalités souvent arbitraires. En ce début de période de vacances, on préfèrera la lecture du "Seuil du jardin" d'André Hardellet, à celle du projet de loi. Peut être la magie du livre d'Hardellet ira-t-elle jusqu'à redonner un peu de raison aux députés. Il faut en rêver pour que cela survienne.

En pièce jointe, la chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF sur cette fausse bonne idée.

Mutualisation obligatoire une fausse bonne idée.pdf

08/07/2009

Un geste intelligent

Le sénateur Carle vient d'être nommé rapporteur du groupe de travail intercommissions du Sénat qui va examiner le projet de loi sur l'orientation et la formation professionnelle. Le sénateur Carle est un homme de bonne volonté. Il connait le domaine puisqu'il a présidé la commission sénatoriale qui a rendu l'an dernier un rapport sur la formation professionnelle continue. Il plaide pour  une réforme globale de la formation professionnelle, initiale et continue pour éviter d'avoir des dizaines de milliers de jeunes qui quittent le système éducatif sans qualification ou l'enseignement supérieur sans diplôme. Bravo. Le sénateur Carle souhaite rénover l'orientation professionnelle et revaloriser "l'intelligence du geste". Cette déclaration suscite immédiatement une envie : offrir au sénateur Carle ce tableau de Roland Penrose, pour la beauté du geste :

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Roland Penrose - Cri sur les toits - 1939

Ce tableau a été réalisé par Roland Penrose pour la Royal Academy. Cette institution avait refusé une de ses oeuvres, car elle contenait des mots inconvenants. Penrose proposa cette gestuelle de mains qui fut acceptée. A y regarder de plus près, les membres de la Royal Academy auraient découvert qu'en langage des signes les mains disent "Shit". C'est ce geste que l'on a effectivement envie d'offrir au sénateur Carle. Déjà Raffarin avait parlé de l'intelligence de la main. Aujourd'hui on nous ressert l'intelligence du geste. Ces expressions traduisent un double mépris, qui va à l'encontre de ce que leurs auteurs, à qui nous faisons crédit et c'est bien là qu'est le problème, souhaitent promouvoir. Parler de l'intelligence du geste c'est considérer qu'elle ne peut être située ailleurs et que les métiers dits "manuels" se résument à des habiletés dépourvues de réflexion. L'intelligent du geste n'est donc pas un intelligent de l'esprit. Mépris des individus. Et c'est également considérer que certains métiers ne sont que des techniques applicatives qui relèvent du seul savoir-faire expérientiel et habituel. Mépris des métiers. En réalité, répétons le, les métiers manuels n'existent pas, à l'exception de celui de l'auteur de ce blog qui risque la tendinite à s'acharner à taper sur son clavier de manière répétitive pour faire la peau à des inepties qui ont la vie dure et dont on continue à considérer que cela relève du bon sens alors que cela n'a tout simplement pas de sens.

07/07/2009

La racine de la leçon

Dialogue entendu dans un magasin : "Et ta fille, ça marche l'école ?  oh en ce moment pas trop, surtout en maths...je l'ai envoyée voir son père, moi les racines carrées je suis nulle, je peux pas l'aider". En une phrase, deux hérésies. La première est de considérer que l'on ne peut s'intéresser à l'apprentissage de l'enfant que si l'on sait soi même. Depuis  Philippe Jacottot qui enseigna le français à des flamands sans connaître leur langue, on sait qu'il n'en est rien et que l'on peut aider autrui à apprendre ce que l'on ne sait pas par le jeu de questions.

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Johannes Vermeer - La leçon de musique - 1664

Cette mère aurait pu demander à sa fille de lui raconter l'histoire des racines carrées, comment elles fonctionnent, de quoi elles parlent, pourquoi elles sont carrées, que veut dire racine, etc. Et la seconde hérésie découle de la première : enseigner ce n'est pas s'intéresser à la matière enseignée ou pire à soi même,  c'est d'abord s'intéresser à celui qui apprend . Mais le schéma selon lequel donner la leçon est transmettre, ou plutôt "dire", un savoir est encore largement pregnante. Pour enseigner, mieux vaut le jeu, la joie, l'intérêt associés à la rigueur et à la méthode sans lesquelles tout ceci ne tient pas ensemble.
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Balthus - La leçon de musique - 1934

Il n'y a pas qu'une manière d'enseigner. Il serait temps, en ce domaine comme d'autres, de se débarasser des anciens modèles pour gambader dans des champs de liberté dépoussiérés.

04/07/2009

Le temps du regard

L'exposition "Une image peut en cacher une autre" se tenait au Grand Palais jusqu'au 6 juillet 2009. On pouvait y observer un manège étrange : les visiteurs scrutaient chaque tableau avec une attention particulière, prenaient le temps de l'observation, traquaient les détails, s'approchaient du tableau pour mieux voir, ou au contraire s'en éloignaient pour déterminer la bonne distance qui allait révéler le mystère de la peinture, de la photographie ou de la sculpture proposées à leur regard. Mais où donc se niche la chouette ? quel rocher figure une tête humaine ? quel paysage est un corps nu de belle endormie ? quel est le double de cet homme au chapeau ? ah oui, un lapin ! Que représentent ces 80 animaux taxidermisés ? le couple de leurs assembleurs.

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Tim Noble / Sue Webster - British Wildlife - 2000

Spectacle inhabituel dans les expositions où la foule est souvent un flot continu qui défile devant les tableaux regardés avec plus ou moins d'attention, voire carrément oubliés comme la belle ferronière qui ne voit que le profil des visiteurs du Louvre qui cherchent la Joconde. Mais ici, le visiteur était prévenu : il faut regarder, le spectacle est invisible au premier abord, il faut en percer le mystère pour en jouir, le regard quotidien ne saisit que la surface des choses. Reste à ne pas oublier la leçon en sortant de l'exposition.