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19/02/2011

Chronique de week-end : l'énigme de Lady Mrs

Pour cette chronique de week-end, détour par l'Amérique  et par....Paris. En 1881, Edmund Charles Tarbell vient parfaire sa formation de peintre à Paris. Le procès de Mme Bovary, autrement dit Flaubert, s’est tenu en 1857. Sans doute les effluves du procès demeurent-elles, enserrées dans le corset de la société de la fin du 19ème siècle dont tous les lacets n’ont pas été défaits. Tarbell a donc a sa disposition tous les ingrédients pour peindre des portraits de femmes. D’autant qu’en 1882, et encore l’année suivante, il voyage en Italie, passage obligé pour qui veut peindre la féminité corps et âmes, Ingres en savait quelque chose. Peut être Tarbell a-t-il lu Stendhal lors de son séjour parisien.

L’air du temps, les influences, une histoire personnelle ? difficile de dire ce qui guida Tarbell dans le portrait de Mrs John Lawrence. Le degré de conscience de l’artiste sur son œuvre est toujours incertain. Reste qu’elle est là, qu’elle vous regarde et que vous ne savez pas si vous serez à la hauteur de ce regard.

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Edmund Charles Tarbell - Mrs John Lawrence - 1912

Mrs John Lawrence n’a pas de nom, pas de prénom. Tout est emprunté à son époux. Comme l’indique le titre, l’existence sociale de cette femme est déterminée par celle de son mari. Il fallut aller jusqu’à  l’arsenic pour que Mme Bovary devienne Emma. Lady Mrs, puisqu’il nous faut expulser un mari dont nous n’avons cure, n’a guère envie d’arsenic. Car sous l’ennui apparent, malgré la rigidité statuaire et statutaire de la pose, dans ses yeux d’écusette de noireuil, la vie furète et n’a pas dit son dernier mot. La main légère pourrait achever, si nécessaire, de vous rassurer. Cette femme-là méprise les conventions sans haine et se joue des apparences. C’est ce qui vous fascine dans ce portrait. Vous percevez la détermination associée à la légèreté, ce couple parfait qui souvent terrifie les hommes, encore plus lorsqu’il a élu domicile chez une femme qui les séduit. Voici donc l’épreuve qui est la vôtre. Accepter de vous laisser séduire par cette femme et son couple fétiche qu’elle porte en diadème et trouver votre bonheur dans la passion et le goût. Lady Mrs n’est redoutable que si l’on en a peur. Edmund Charles Tarbell savait-il tout ceci ? il nous permet en tout cas de l’apprendre.

29/01/2011

Chronique du week-end : l'énigme des femmes d'Ingres

Poursuite des chroniques du week-end en compagnie d'Ingres. Il aurait pu être question, à propos d'Ingres, de la manière dont on devient innovant en allant au bout du clacissisme, autre manière de montrer que c'est par la maîtrise de la technique que l'on parvient à la dépasser ou encore à gagner en liberté (pour peu que l'on en ait le souci, tout de même). Mais l'énigme d'Ingres n'est pas là. Elle est évidemment dans les femmes d'Ingres, pour qui la  femme n'existe pas. Mais il y a des femmes. Et en  chacune d'elles, une irréductible singularité et des permanences universelles. Lorsque l'on peint les femmes comme J.A.D.  Ingres, on sait cela. Ce qui fit le plus rire Ingres, longtemps après sa mort, c'est la frénésie comptable des critiques et commentateurs qui s'échinèrent sur les vertèbres de l'Odalisque. Et l'air pénétré des petits malins tout empreints d'histoire causale et linéaire qui virent en lui le précurseur de Picasso. En réalité, Ingres se fout de tout cela. Il dessine, il calque, il découpe, il ajuste, il organise, il démembre, il reconstruit, il imagine, il invente, il voit. Remarquez que souvent Ingres allonge, étend, donne de l'ampleur, étire et multiplie. Jamais il ne réduit, ne rétrécit, ne diminue, ne coupe ou ne se livre à l'ablation. Ingres est amoureux de la peinture, des femmes, des formes, de la vie, des couleurs, de l'harmonie, du beau, de lui-même aussi car il applique à la lettre le précepte "aime ton prochain, comme toi même". Le modèle est son prochain. En bon amoureux, l'excès est un minimum. Pour Ingres, jamais trop.

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J.A.D Ingres - Grande Odalisque - Musée du Louvre

D'ailleurs il n'y a pas une mais des odalisques. Et lorsque Ingres peint chacune de ses odalisques, il peint plusieurs femmes là où tous s'obstinent à n'en vouloir qu'une seule. Voici le long bras d'une maîtresse aux gestes d'arrangeuse de fleurs, voici la croupe forte d'une fille du Nord de la Garonne, voici le dos musclé d'une femme du Sud dont le corps vit sous le soleil, découvrez le sein de la jeune fille pubère, fixez le visage de celle que dévisage le peintre qu'elle fixe, entendez le croisement de jambes fait pour agacer vos nerfs érotisés, prenez plaisir à suivre la courbe des pieds abandonnés au repos mais dont la cambrure traduit la fausse lascivité. Toutes ces femmes sont là devant vous. Epargnez nous l'anthropomorphie laborieuse du bras trop long, du dos inhumain, des hanches impossibles et les pénibles observations qui à grand coup de rationnalité voudraient dissimuler le trouble érotique qui est le votre. Cette peinture est un collage, vous le savez à présent, plus rien n'entrave donc votre plaisir de la regarder encore et de la regarder toujours. N'y cherchez pas la femme et prenez le temps d'y découvrir toutes les femmes et pour ce faire n'hésitez ni à tirer le rideau ni à lever les draps.

22/01/2011

Chronique du week-end : l'énigme de Rambouillet

Des rires festifs vous parviennent depuis l'embarcation, mais le vent qui agite les grands arbres les rend confus, lointains, effacés, et pourtant tellement présents. Vous souriez à la scène et l'envie vous prend d'être parmi ceux qui se rient du mouvement de l'eau. Mouvement ? n'est-il pas étrange que l'eau du lac soit si agitée ? cette infime question pourrait être écartée sans y prendre garde : le vent bien sûr, le vent. Mais l'angoisse a pris appui sur le questionnement et gagne du terrain. Vous remarquez l'arbre mort au milieu de la nature généreuse, vous distinguez une lumière dont la source est à la fois devant vous, au dessus de vous et à l'est, derrière les arbres. Cette lumière ne peut exister. Et soudain les arbres prennent la figure de colosses prédateurs dont l'immobilité dissimule mal la promptitude. Au devant de quelles catastrophes s'avancent les inconscients navigateurs ? 

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Jean-Honoré Fragonard - La fête à Rambouillet - 1780

Et ces ombres dans les sous-bois qui ont forme humaine ne sont-elles que des statues ayant investi des abris naturels, s'agit-il d'une végétation anthropomorphe ou bien quoi ? Le tableau est un défi à la nature. L'innocence, la gaité, la joie, le plaisir vous seront les meilleurs atouts pour l'affronter le moment venu. Si l'énigme avait une clé, peut être pourrions nous la chercher dans cette déclaration de Fragonard : "Tire toi d'affaires comme tu pourras m'a dit la nature en me poussant à la vie". La nature vous éjecte dans les flots tumultueux de la vie, avant de vous ingérer sans coup férir. Entre les deux ? la volonté de parcourir l'espace ainsi offert, d'y goûter les plaisirs que vous jugerez loisible de vous autoriser et le jeu comme une volonté de bonheur. Ne réfléchissez pas, votre place n'est pas à réserver, il vous suffit juste d'embarquer...ah c'est déjà fait...alors bon vent !

Et si vous voulez une autre version de l'énigme, essayez Nougaro :

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15/01/2011

Chronique de week-end : l'énigme de Christina

Suite des chroniques de week-end avec une nouvelle énigme, surgie du coeur de l'amérique rurale.

Telle une héroïne d'Hitchcock, Christina par sa seule présence et sans que son visage ne soit nécessaire, opère la transmutation du paysage. La douce colline, l'herbe accueillante, l'habitation paisible disparaissent en un instant pour laisser place à l'angoisse. Christina a aujourd'hui rendez-vous avec le cauchemar qui la hante depuis toujours. Cette terreur qu'elle a su repousser, oublier, dominer, enfouir au fil des jours, la submerge. C'est maintenant. Ici que les choses se passent et que les pressentiments prennent corps et marquent au feu la destinée. Christina va entrer en collision avec son monde intérieur.

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Andrew Wyeth - L'énigme de Christina - 1948

Vous pouvez toujours vous référer à l'histoire officielle de la jeune poliomyélite qui rentre chez elle en rampant dans les champs. Les bras maigres et les chevilles incertaines vous seront des arguments. Vous pouvez toujours croire les histoires que racontent les peintres après avoir peint. Mais vous ne pourrez ôter ce doute : le tableau peut-il n'etre qu'une intention du peintre ? l'oeuvre n'aurait-elle pas de vie propre ? Christina vous livre les réponses à ces questions. Et si elle peut le faire c'est parce qu'elle sait aussi qu'il lui serait vain de chercher à échapper à ce qui l'attend. Elle vient de comprendre avec la dernière touche de la brosse du peintre que le seul moyen d'échapper à ses peurs c'est d'aller à leur devant sans crainte de l'affrontement. Christina sait que l'on peut faire peur à la peur. Elle y est résolue, elle saura se faire violence et bientôt, le paysage fera retour à lui-même.

13/11/2010

A la rue

Intermède du week-end. L'automne prend ses couleurs d'hiver, la pluie s'invite,  les manifs se sont taries, est-ce une raison pour tirer la couette et oublier la rue et ses surprises ?

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Aux cinq coins

Oser et faire du bruit
Tout est couleur mouvement explosion lumière
La vie fleurit aux fenêtres du soleil
Qui se font dans ma bouche
Je suis mûr
Et Je tombe translucide dans la rue

Tu parles, mon vieux
Je ne sais pas ouvrir les yeux?
Bouche d'or
La poésie est en jeu

Blaise Cendrars

30/05/2009

Un peu de lecture pour le week-end

Week-end de Pentecôte. Travail ou pas ? les jardins de Chaumont sont une belle destination. Fêter l'anniversaire d'un ami un beau prétexte, mais en faut-il, pour prolonger le week-end. Pour ceux qui passent par ce blog, un peu de lecture : une analyse du projet de loi sur la formation professionnelle publiée dans la Semaine Juridique Social.    SemaineJuridiqueSocial.pdf

On peut adopter la position de la Liseuse.

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Jean-Jacques Henner - La liseuse

Si la position n'est pas adaptée à la lecture d'une analyse juridique, alors ce texte de Parménide dont vous pouvez soit apprécier la poésie, soit  réfléchir à la profondeur, soit vous laisser aller à faire les deux. Bonne lecture et bon week-end.

« Les cavales qui m'emportent, m'ont entraîné  Aussi loin que mon cœur en formait le désir,  Quand, en me conduisant, elles m'ont dirigé  Sur la voie renommée de la Divinité, Qui, de par les cités, porte l'homme qui sait.  J'en ai suivi le cours; sur elles m'ont porté,  Attelés à mon char, les sagaces coursiers. Des jeunes filles nous indiquaient le chemin.  L'essieu brûlant des roues grinçait dans les moyeux, Jetant des cris de flûte. (Car, de chaque côté, Les deux cercles des roues rapidement tournaient), Cependant que déjà les filles du Soleil, Qui avaient délaissé les palais de la Nuit,  Couraient vers la lumière en me faisant cortège,  Écartant de la main les voiles qui masquaient  L'éclat de leur visage. Là se dresse la porte  Donnant sur les chemins de la Nuit et du Jour.  Un linteau et un seuil de pierre la limitent.
Quant à la porte même, élevée vers le ciel,  C'est une porte pleine, aux battants magnifiques,  Et Diké aux nombreux châtiments en détient  Les clefs, dans les deux sens contrôlant le passage Pour la séduire et la gagner, les jeunes filles  Usèrent à son endroit de caressants propos,  Afin d'habilement la persuader d'ôter,  Rien qu'un petit instant, le verrou de la porte. La porte bascula, ouvrant un large espace  Entre les deux battants, en faisant pivoter
Les gonds de bronze ciselé sur leurs paumelles  Retenus par des clous et d'épaisses chevilles.  C'est alors que, par là, tout droit, les jeunes filles Poussèrent à s'engouffrer le char et les cavales  Sur la route déjà tracée par des ornières.  La déesse avec bienveillance me reçut.  Elle prit ma main droite en sa main et me dit :
Jeune homme, toi qui viens ici, accompagné  De cochers immortels, portés par des cavales, Salut! Car ce n'est point une Moire ennemie,  Qui t'a poussé sur cette voie (hors des sentiers  Qu'on voit communément les hommes emprunter),  Mais Thémis et Diké. Apprends donc toutes choses,  Et aussi bien le cœur exempt de tremblement  Propre à la vérité bellement circulaire, Que les opinions des mortels, dans lesquelles  Il n'est rien qui soit vrai ni digne de crédit;  Mais cependant aussi j'aurai soin de t'apprendre  Comment il conviendrait que soient, quant à leur être,  En toute vraisemblance, lesdites opinions,  Qui toutes vont passant toujours. »

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Le Bernin - Daphnée et Apollon