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15/04/2009

Double je

L'atelier du Pont Vaillant au coeur du village de Sorèze, au pied de la Montagne noire. Une façade vitrée laisse deviner quelques peintures et dessins affichés dans l'atelier. Le passant hésite puis pousse la porte. L'accueil est aussi chaleureux que le temps est froid et humide. Au visiteur inconnu il est proposé de partager le thé en famille. Pendant que l'eau chauffe, le regard se pose sur les toiles, les dessins, les esquisses, les croquis utilisant mille techniques : huile, cire, fusain, pastels...les styles eux-mêmes sont différents. La confrontation directe avec les oeuvres de Catherine Huppey provoque les sens : douceur des peintures sur le temps qui passe, mouvement des dessins préparatoires à une série consacrée aux mythes. Mais la confrontation la plus étonnante est celle de l'artiste avec ses dessins. Calme, douce, sereine, d'une humilité naturelle confondante, Catherine Huppey présente son parcours et son travail. Au sein de  l'atelier la vie est plus lente, le temps un concept tout relatif et pourtant, ceci :

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Catherine Huppey - Dans l'arène

Est-il nécessaire de préciser que Catherine Huppey n'aime pas la corrida ? Mais à découvrir le taureau entravé, on souhaiterait assister à la corrida que constitue l'acte de dessiner.
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Catherine Huppey - Taureau entravé

Il est souvent fait référence au "Je est un autre" de Rimbaud. Si la formule appelle différentes interprétations, (de l'impossibilité de se connaître vraiment soi-même à la nécessaire schizophrénie qui nous habite en tant qu'êtres doués de possibilités inverses) elle peut éclairer les oeuvres présentées ici. Après coup, on se demande quel recruteur aurait osé confier à Catherine Huppey en la voyant et en lui parlant la réalisation d'une série d'oeuvres consacrées à la corrida. Et une fois de plus, on constatera que recruter est bien un métier impossible.

09/04/2009

De l'intention au naturel

Jean-François Rauzier est un photographe attachant : sensible, délicat, méticuleux, travailleur, talentueux, sa rencontre est un plaisir. Ses photos également, mais elles emportent moins l’adhésion que leur auteur. Beaucoup de détails, de sophistication, de symboles un peu trop évidents et convenus, de présences trop présentes et quelques fautes de goût. Et lorsque l’on apprend qu’il illustre les publicités d’une marque de Cognac, il n’y a pas vraiment de surprise. La composition ne parvient à échapper à l’artificiel.

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Jean-François Rauzier - La cité Idéale

La cité idéale, inspirée de Pierro Della Francesca, ne nous parle guère. Par opposition, les photos de Guy Tillim sur l’Afrique, découvertes la veille, montrent une Afrique désolée, pleine de vie et de révolte, de misère et d’humanité, de tendresse et de douleur. Et la fin de siècle est plus sobrement, simplement et efficacement illustrée.

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Guy Tillim - Grand Hôtel Beira - Mozambique

La confrontation des deux œuvres permet de constater que la sincérité de l’auteur ne suffit pas plus que sa technique. La volonté de bien faire n’y peut rien non plus. Il faut viser juste et savoir s’oublier, oublier sa technique, oublier son projet au profit du sujet. Dans le domaine des ressources humaines, l’action est d’autant plus belle et efficace que la technicité ne paraît pas, l’effort et la sophistication ont disparu, la simplicité s’impose et voile l’auteur même de l’action au profit de celle, ou de celui, à qui elle est destinée. Supprimer l’intention trop visible pour faire surgir un naturel, ce pourrait être la définition de la compétence.

09/02/2009

L'intellectuel et le charnel

Il ne paie pas de mine avec son crâne dégarni, ses lunettes cerclées, son costume pied de poule ou ses débardeurs ternes, sa silhouette un peu épaisse, un peu voûté, mal à l’aise manifestement avec son corps, l’air toujours absent, s’excusant d’être-là, et d’ailleurs y est-il vraiment ?
le regard exprime davantage l’irréalité que l’incarnation. Mark Rothko, sur les quelques photos que l’on connaît de lui, est un absent surpris par l’objectif qu’il semble ne pas comprendre. Cet homme a-t-il véritablement existé ? ses toiles le prouveraient, quelques écrits aussi, pour le reste, l’homme qui nous regarde ou regarde ses toiles est très improbable. Lui-même semble tellement douter de son existence qu’il nous est difficile de nous en convaincre.

 

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Rothko - Rouge sur brun -

 

Et pourtant…La Tate Gallery, à Londres, a présenté une exceptionnelle exposition Rothko qui s’est achevé le 2 février dernier. Les œuvres présentées étaient celles de la dernière période : couleurs mates, sombres, pleines de brun, de marron, de noir, de mauve et de pourpre. Et pourtant que de lumière, et pourtant que de vibrations, et pourtant quelle autre exposition ou peinture pourrait à ce point bouleverser le corps d’émotions inconnues ? quel peintre peut vous faire autant ressentir de manière immédiate, vous émouvoir aux larmes sans que vous ne compreniez vous-même pourquoi ? Le calme revenu, on se dit que Rothko le désincarné, Rothko l’intellectuel a du mener un combat physique extraordinaire avec un courage exemplaire pour parvenir à peindre ces grandes toiles qui vous absorbent et vous portent au-delà de vous-même. Ce combat physique, auquel nul n’a assisté, est le témoignage le plus évident que Rothko était avant tout un corps au travail, une incarnation magnifique et une faille dans l’espace-temps. Contrairement à toute apparence, Rothko était un athlète de la peinture qui jouait sa vie sur chaque toile. On sait ce qu’il advint mais toute une vie ne peut être relue à l’aune du dernier geste.

 

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Rothko - Sans titre - (Seagram murals)

En regardant Rothko et ses toiles, souvenons-nous vraiment que l’apparence ne dit rien de la vérité d’un être, mais surtout que tout individu porte en lui des contraires et que sa vérité est moins dans le choix qu’il fait entre ses contraires que dans la dynamique qu’il sait créer entre eux. Le recruteur et le manager se rappelleront que les potentialités inverses existent chez tout individu et qu’il importe moins de repérer ces potentialités que d’envisager la manière dont elles se relancent entre elles. La pensée et le geste ne s’opposaient pas chez Rothko mais se dynamisaient l’un l’autre. Cherchons et préservons cette dynamique.

22/05/2008

Quels projets pour les seniors

Elle a installé son chevalet au milieu des touristes. Peu impressionnée par la foule, peut être davantage par la peinture qu'elle a choisi de copier. Un Rubens. Il y a deux ans, elle ne savait pas dessiner. Aujourd'hui sa palette prend les teintes rouges des chairs rubinesques. La reproduction prend forme. Mais écoutons la copiste :

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Photo : Jean Barack - Le peintre et son modèle 
 
"A soixante ans j'ai pris ma retraite. Dès le lendemain, je me suis installée dans les allées du Louvre et j'ai commencé à dessiner les tableaux, puis à peindre. Je n'avais jamais dessiné ni peins. Je me suis dit que j'avais 20 ans devant moi pour faire des projets. Le mien est de parvenir au terme de ces 20 ans à savoir ce qu'un peintre a présent à l'esprit lorsqu'il peint".
 
C'est le triste bilan du plan senior publié ces jours-ci qui m'a rappelé cette anecdote. Annoncé en 2006, ce plan d'emploi prévoyait de faire passer le taux d'emploi des seniors de 37 % à 50 % en 2010. A mi-parcours, le taux est passé à ....38 %. Parallèlement, l'enquête de l'ANDRH sur les pratiques des entreprises  en matière de gestion des seniors montre qu'une entreprise sur deux...n'a pas de projets. Manifestement il y a des seniors qui eux ont des projets. Le désamour entre l'entreprise et les seniors est patent. Peut être faut-il, d'une part, s'en occuper, et ensuite identifier ce que pourraient être des projets partagés. L'innovation et la créativité ont leur place en ressources humaines.