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09/12/2010

Oiseau rare

Les recruteurs font un métier difficile. Submergés de candidatures, poursuivis au téléphone, harcelés de mail, encombrés de commande contradictoires de la part de la DG, de la DRH et des managers, sommés de s’expliquer sur une candidature non retenue, insultés par les postulants écartés, mal vus par les candidats intégrés qui leur font longuement payer  le pouvoir qu’ils ont un instant exercé sur eux, ou la question jugé insolente ou déplacée, peu considérés des managers qui veulent revoir tous les candidats, envoyés à l’abattage par la DRH qui exige que les 300 CV soient traités dans la journée, les 50 entretiens qui suivent planifiés dans la soirée et réalisés en deux jours, ils sont également sommés de trouver l’oiseau rare, autrement dit le mouton à cinq pattes.

Une telle situation appelant la solidarité et la virile fraternité, quoi que bien des recruteurs soient des recruteuses, voici une modeste contribution à la recherche du candidat idéal.

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Maxence Scherf – Chat migrateur

Avouez que le profil est séduisant : malin comme un chat, vif comme l’oiseau, rapide comme le poisson, une tête et des ailes d’ange, une aptitude à la mobilité, un regard franc et direct, ses capacités ne font guère de doute. Et pourtant, l’animal fut recalé sur photo sans même être convoqué à l’entretien. Le motif ? pas l’ombre du début d’une patte et encore moins de cinq. Je ne suis pas un mouton cria le chat migrateur. Rien à faire. Décidément, véritablement indécrottables les recruteurs.

08/12/2010

20 ans plus tard, les mêmes...

En ce temps-là, je débutais mon activité de consultant et réalisais pour le CARIF Midi-Pyrénées des sessions de formation, dont certaines à destination des Conseillers des Centres d'Information et d'Orientation de l'Education nationale. Le CARIF avait en effet passé une convention avec le Rectorat pour la formation de ses personnels qui accueillaient de plus en plus fréquemment des adultes et qui devaient donc maîtriser les dispositifs de formation professionnelle continue. La séance fut houleuse. Très remontés, les participants contestaient le principe même d'un tel accueil, indiquaient qu'ils avaient assez à faire avec les jeunes et que ce n'était pas leur métier (certains s'exclamant même : vous vous rendez compte de tout ce qu'il nous faudrait apprendre ? et oui, c'est même pour ça que nous sommes là...). Bref, une expérience qui fait gagner du temps dans l'apprentissage de la gestion des groupes. Il me semblait pourtant que pour aider les élèves et étudiants à s'orienter, si l'on voulait faire autre chose que de l'information éducative et agir véritablement dans le champ de l'orientation professionnelle, il était nécessaire de se confronter également au public adulte, au monde du travail et d'en maîtriser un tant soit peu les arcanes. Voyez comment Dédale, faute d'avoir la carte du labyrinthe utilise des subterfuges qui conduisent à la mort d'Icare.

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André Masson - Dedale et le Labyrinthe

Ce mercredi 8 décembre 2010 est une journée nationale d'action pour les Conseillers des CIO. Leur revendication ? s'opposer au projet de création d'un lieu unique d'orientation où seraient accueillis jeunes et adultes. Refus donc de passer d'un conseiller d'éducation à un conseiller de la formation tout au long de la vie. Officiellement, est mise en avant la crainte de n'avoir plus de temps pour les jeunes. Officiellement aussi, puisqu'on peut le lire dans un tract de FO, les conseillers s'émeuvent de devoir adapter leurs horaires aux usagers et de travailler en dehors des rythmes scolaires. Bref des arguments de fond. Quant à une réflexion sur le fait de savoir si sortir du seul monde éducatif n'est pas une condition impérative pour pouvoir faire véritablement de l'orientation, y compris et peut être surtout avec les jeunes, la question n'est pas posée. Autrement dit, en 20 ans le débat n'a pas avancé d'un pouce pour les conseillers d'orientation. Affirmons donc que l'on est mieux placé pour orienter les jeunes quand on oriente également les adultes et lorsqu'on a une ouverture permanente sur le monde du travail qui permet de faire des aller-retour entre éducation et activité. Mais ce débat n'aura pas lieu, les conseillers étant trop occupés, les uns à chercher le fil d'Ariane, les autres à chercher les ailes qui leur permettront de sortir du labyrinthe dans lequel ils errent depuis plus de 20 ans.

07/12/2010

Une pause dans le dialogue social

Si le dialogue social a des vertus, certains jours il est bon de s'octroyer une pause. En profiter pour laisser son oreille vagabonder et capter les bruits de la rue. Et l'on peut parfois surprendre d'autres dialogues :

- Tu vas comment en ce moment ?

- Moyen, comme les humains ont des jambes pour voyager, j'ai des roues mais je passe la journée enchaînée à un piquet qui n'a guère de conversation...

- Il n'y a pas de justice. Tu sais ce que disait Caton l'Ancien ? "Ceux qui volent des individus passent leur vie au cachot couverts de chaînes, ceux qui volent l'Etat sont vêtus d'or et de pourpre"...

- Pas faux, pour autant j'aimerai bien voler la clé du cadenas parce que j'ai essayé la formule de Gandhi : "A l'instant où les esclaves décident qu'ils ne sont plus esclaves leurs chaînes tombent" mais sans succès...

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- Tu te souviens de Louis Pauwels ? non ? pas grave. Mais référence pour référence il disait que s'il suffisait de s'asseoir dans la position du lotus pour atteindre l'illumination, toutes les grenouilles seraient des Bouddhas...

- Et qui te dis qu'elles ne le sont pas ?

- T'as pas tort...

- Et toi, la forme ?

- Pas terrible, par les temps qui courent, pas simple d'être une roue voilée...

- Ne perdons pas espoir, tu sais ce que disait Cervantes ? la roue de la fortune tourne plus vite que celle des moulins.

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06/12/2010

Du rythme !

Au début du XXème siècle, Blaise Cendrars donnait du rythme à la poésie : en lui faisant prendre le transsibérien et en créant, avec la complicité de Sonia Delaunay, le premier livre simultané, autrement dit le premier livre artistique par sa typographie et son iconographie. Et ce n'est pas tout : relié d'un seul tenant, le livre se déplie et se déploie, se mettant lui-même en mouvement. La prose du transsibérien et de la petite Jehanne de France rompt avec la poésie romantique et classique des décennies précédentes. Elle propulse dans la modernité, à coup de chevaux vapeurs et de sifflets de locomotives, une manière nouvelle de faire de la poésie. En rythme.

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Blaise Cendrars - Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France

Livre simultané illustré par Sonia Delaunay

Les acteurs sociaux feraient bien, au choix, de lire Blaise Cendrars ou de prendre le transsibérien pour retrouver du rythme. Que l'on en juge :

- La préparation opérationnelle à l'emploi (POE) est une des grandes innovations de la loi du 24 novembre 2009. Elle prévoit une utilisation massive des ressources du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) pour les formations de demandeurs d'emploi liées à des embauches. Le texte n'appelle aucun décret d'application. Juste une convention entre le FPSPP et Pole Emploi pour une mise en oeuvre opérationnelle. Plus d'un an après l'entrée en vigueur de la loi, la convention n'est toujours pas conclue et la POE ne fonctionne pas. Pas grave, les chômeurs ne râlent pas.

- La même loi prévoyait, conformément à l'ANI du 7 janvier 2009, qu'une négociation fixerait les conditions de mise en oeuvre du bilan d'étape professionnelle. Près de deux ans après la signature de l'ANI, aucun calendrier n'est fixé pour négocier la mise en oeuvre du bilan d'étape professionnel. Pas grave, personne n'a compris à quoi il servait entre l'entretien professionnel et le bilan de compétences.

- Les partenaires sociaux ont ouvert plusieurs chantiers dont deux qui portent sur leurs relations mêmes : le financement du paritarisme et la réforme des institutions représentatives du personnel. Ces deux thèmes n'apparaissent pas, à ce jour, dans les sujets qui pourraient être inscrits à l'agenda social 2011. Pas grave, l'Etat trouvera là un argument supplémentaire pour reprendre la main sur les terrains désertés par les partenaires sociaux qui protesteront, mais un peu tard.

Tout se passe comme si d'urgence il n'y avait point, comme si le rythme était celui de la vie des petites boutiques et des petites affaires. Le rythme de ceux qui décident n'est décidément pas celui de ceux qui auraient besoin qu'ils agissent vite et bien, c'est à dire deux fois bien.

05/12/2010

Intermède

Au temps noir et blanc de l'ORTF, il y avait le petit train de l'interlude. Par week-end neigeux, les trains ne circulent plus et l'intermède seul est de sortie.

"S'introduire comme un rêve dans l'esprit d'une jeune fille"

Marcel Proust

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La jeune fille  rêve qu'elle dort

01:27 Publié dans FRAGMENTS | Lien permanent | Commentaires (0)

03/12/2010

Femmes de...

C’est une histoire d’avant Monica Lewinski. Elle met en scène Hillary Clinton, retournant dans son village natal et s’arrêtant à une station service. Le pompiste, boyfriend des jeunes années, lui dit : « Tu te rends compte, si tu étais restée avec moi, on serait tous les deux dans cette station ! ». Et Hillary de répondre : « Si tu étais resté avec moi, tu serais Président des Etats-Unis ». Femme de ou Mari de ? l’actualité met sous les projecteurs, ou plutôt exactement retire de sous les projecteurs, les femmes de. Après Anne Sainclair et Béatrice Schonberg, Audrey Pulvar est interdite d’antenne, au moins pour les émissions politiques. Scandale ? machisme ? éthique ? conflit d’intérêt ? contentons nous ici de relever ce que dit le droit du travail en pareil cas.  

Mais avant, souvenons nous que Willem De Kooning est le mari d’Elaine de Kooning.

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Elaine De Kooning - Sunday Afternoon - 1957

Le principe est simple : la situation de famille ne peut être prise en compte pour prendre des décisions à l’encontre d’un salarié. Cette règle figure à la fois dans l’article L. 1132-1 relatif aux discriminations et dans l’article L. 1142-1 relatif à l’égalité professionnelle hommes-femmes.

A tout principe son exception. L’article L. 1133-1 prévoit que des différences de traitement qui répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante sont possibles dès lors que l’objectif est légitime et l’exigence proportionnée. Résultant de la loi du 27 mai 2008, cette large ouverture à la dérogation, puisque visant potentiellement les 15 motifs de discrimination listés par le Code du travail, pose de redoutables problèmes d'interprétation, le législateur n'ayant donné aucune indication sur ce que pouvait recouvrer la notion d'exigence professionnelle essentielle (EPE pour les juristes avertis ignares en nucléaire). Est-ce une exigence essentielle de la profession de journaliste de ne pas avoir comme compagne, ou compagnon, une femme ou un homme politique ? on mesure la voie douteuse dans laquelle nous engage la réponse à cette question : l’incompatibilité concerne-t-elle la relation suivie ou l’escapade d’un soir ? la relation amicale et la passion furieusement sexuelle doivent être traités pareillement ? prendre un verre sans objectif professionnel d’interview est-il un acte déontologiquement répréhensible ? et l’on s’aperçoit que la notion d’exigence professionnelle essentielle est bien délicate à définir, sauf à rouvrir une police des mœurs et généraliser, mais peut être est-ce déjà le cas, les écoutes téléphoniques et autres traçages internautiens.

Qu’en penserait Max Ernst, vous savez le mari de Dorothea Tanning ?

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Dorothea Tanning - Chambre 202

Décision hasardeuse et codification peu heureuse, voilà qui laisse la place à bien des débats. A propos de laisser la place, l’émission d’Audrey Pulvar sur I-Télé a été remplacée par une émission dont le titre est « L’info sans interdit ». Et ce n’est pas une blague.

02/12/2010

Les sociomanes de la Génération Y

La sociologie est fondamentale pour comprendre le fonctionnement des organisations, les jeux de pouvoir, les cultures, les évolutions d’une société, au sens large. Mais peut-elle saisir l’individu ? Dans un ouvrage paru en 2009 intitulé « Les sociologies de l’individu », François de Singly et Danilo Martuccelli invitent à prendre en compte l’inscription de l’individu dans plusieurs réalités sociales et à considérer l’irréductible singularité individuelle pour ne pas procéder à des généralisations trop hâtives, y compris lorsqu’elles procèdent d’enquêtes de terrain.

De cette exigence méthodologique, certains font peu de cas, notamment ceux qui ont construit un petit fond de commerce sur la génération Y. Cette génération regrouperait les 24-34 ans, soit en France près de 8 millions de personnes. Qui partageraient comme caractéristiques communes d’être : nés avec une souris, sans peluches, dans la main droite, un écran d’ordinateur en guise de portique à jouet, une zapette dans la main gauche, une frénésie de changement, une quête éperdue de sens, une inscription dans le court terme, un besoin de reconnaissance et d’épanouissement personnel, etc. Si vous voulez la suite prenez n’importe quel horoscope ou lisez l’interview de Frank Bournois dans Entreprise et Carrières n° 1026 et vous découvrirez enfin comment manager ces hordes de barbares technologiques qui n’ont pas les codes des organisations mais ont tous soif d’apprendre (sic).

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Philippe de Champaigne - Crucifixion

A ce degré de généralité, les soucis méthodologiques sont bien loin. Pourtant si l’on y regarde d’un peu plus près, avec quelques travaux sérieux dont ceux de Bernard Lahire,  on s’aperçoit que l’on peut être inculte en matière de nouvelles technologies et manipuler sans problème un portable, une PS3 ou sa page Facebook, que jamais la fragmentation sociale n’a été aussi importante, que toute classe d’âge est constituée d’appartenances sociales diversifiées, que jamais les trajectoires individuelles n’ont été autant diversifiés et que si le changement est si rapide que le rapportent les tenants de la génération Y, alors il est absurde de considérer qu’un même phénomène générationnel impacte de la manière identique des générations nées avec dix ans d’écart.

Bref, tout ceci flaire la supercherie. Et s’il s’agit simplement d’obtenir un succès médiatique ou de librairie, conseillons aux sociomanes de nous refaire le coup du Da Vinci Code et de proclamer avec sérieux et sans sourire, ils en sont capables, que Jésus était le fondateur de la Génération Y, et que cette vérité est non seulement dépourvue de tout ambigüité mais qu'en plus elle peut se constater de visu. C'est pas une preuve ça ?

01/12/2010

Des dialogues vertueux

Ecrire c'est d'abord lire, peindre c'est d'abord regarder. Comme les écrivains empruntent à ceux qu'ils ont aimé lire, les peintres dialoguent dans leur peinture avec leurs prédécesseurs. Et, précision que je sens nécessaire bien qu'elle ne devrait pas l'être, il n'y a strictement aucune antinomie entre ces emprunts et la réalisation d'une oeuvre toute personnelle. Car l'oeuvre va dire la manière de voir, de traduire et de comprendre, au sens le plus global. En ce sens, tout dialogue est singulier.

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Martial Raysse           -               J.D.A Ingres

 

On peut considérer que le dialogue social est vertueux et que la confrontation est un aiguillon de la créativité, même si chacun ne se situe pas sur le même terrain, comme le peintre et le photographe.

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Tom Hunter        -          Vermeer

La négociation d'entreprise sur la formation professionnelle s'est peu développée depuis 40 ans. Les causes en sont multiples : faiblesse globale de la négociation collective dans les entreprises françaises (moins de 20 % des entreprises de plus de dix salariés signent un accord collectif chaque année), défiance des négociateurs de branche,  compétence des négociateurs d'entreprise, intérêt pour le sujet, etc. La chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF explore les conditions d'une relance de la négociation d'entreprise sur la formation professionnelle. Elle expose notamment le parallèle entre le DIF, moyen négocié d'accès à la formation, et la négociation collective et la place qu'occupe la formation dans les négociations obligatoires. Et pourquoi l'on peut espérer un dialogue un peu plus fourni et fructueux dans les années à venir.

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