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20/06/2013

Tu l'as vue ma poutre ?

Le Monde de l'économie s'en émeut : la chasse aux faux masters est ouverte ! (édition du jeudi 20 juin) et la loi sur l'enseignement supérieur qui sera votée en juillet ne lésine pas en prévoyant des sanctions pénales pour les dirigeants d'établissements qui utilisent abusivement le terme de master. Il faut dire que l'univers de la certification est une nébuleuse qui découragerait l'astronome le plus acharné, obligé de constater que de cette galaxie mystérieuse il ne parvient pas à voir le bout. Commençons par conseiller à la journaliste du Monde de ne pas céder à la précipitation qui la conduit à faire de l'enregistrement au RNCP une "astuce" pour faire croire que son diplôme est un vrai. Mais si c'est un vrai et non une astuce :  et c'est d'ailleurs le seul critère qui vaille indépendamment de l'appellation, est-ce que le diplôme délivré par l'établissement est enrégistré au Répertoire national des certifications professionnelles, auxquels cas il est reconnu et garanti par l'Etat, ou non. Pour le reste, le bal des hypocrites est ouvert, autrement dit les amis de la poutre.

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Sacha Sosno - La paille dans l'oeil du voisin

Au bal des hypocrites, la danse est ouverte par la Conférence des grandes écoles. Se plaindre de la confusion entretenue par des intitulés ambigüe alors qu'on a soi même créé des Mastères (pour le non initié, il est évident que la différence entre Master et Mastère est limpide...) qui sont positionnés sur un niveau inexistant dans les nomenclatures françaises et européennes (bac + 6) et dont la majorité ne sont pas enregistrés au RNCP (la commission ayant notamment refusé lorsqu'elle a constaté que le titre permettait d'attirer sur le seul nom de l'école des candidats qui ne remplissaient les conditions pour avoir le diplôme reconnu mais qui pourront prétendre au Mastère), c'est un peu fort de café. Quand à l'Education nationale, elle pourrait nous expliquer pourquoi plus de dix ans après la création du RNCP elle n' a toujours pas été capable d'y faire enregistrer l'intégralité de ses 10 000 masters, ce qui lui permettra au passage de s'exprimer sur la confusion qui peut résulter de la profusion. Mais non, l'urgence c'est de protéger l'appellation de Master et de la refuser y compris aux diplômes qui sont officiellement reconnus par l'Etat à ce niveau. Elle est pas belle ma poutre ?

11/02/2013

Rompez !

C'est écrit comme un publi-reportage, mais ce n'en est pas un. Le Monde, sous la plume de Louise Couvelaire, nous raconte comment les grandes écoles, et les entreprises, envoient leurs plus brillants étudiants ou managers passer quelques jours, parfois une année, dans des unités militaires, pour apprendre véritablement le management. Rien ne manque à l'hagiographie, pas même le DRH réticent qui résiste longtemps mais qui, une fois qu'il y a goûté, enverrait bien toute l'entreprise sous l'uniforme. Surtout que l'armée mène à tout : on peut apprendre à commander, à faire adhérer, à donner du sens, à prendre des décisions et on découvre le collectif. Après être passés entre les mains des militaires, les intellectuels individualistes dépourvus de la moindre capacité d'action osent enfin se prendre en main. Que serait-ce si nous étions en Chine !

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Mais à aucun moment l'article n'aborde les trois supercheries qui gouvernent tout cela. La première est de laisser croire, comme le dit un colonel, que le management est la forme civile du commandement. A ce titre, les relations sociales constituent la forme civile de la guerre et la démission la forme civile de l'insoumission. La seconde est de ne jamais mettre en doute que des méthodes qui ont leur logique dans le contexte particulier du monde clos qu'est l'armée, dont toute l'organisation rappelons-le est tournée vers la capacité à faire la guerre, soient transposables dans le cadre d'une entreprise. Qu'il ne soit pas fait de différence entre un militaire et un salarié du point de vue du management laisse pantois. Mais le pire c'est que des grandes écoles confient à l'armée ce qu'elles se résignent à ne pouvoir enseigner. Plutôt que de découvrir le monde dans le cadre d'une année de césure, on s'enfermera dans l'uniforme et les casernes pour apprendre à faire travailler les autres. Peut être l'auteure de l'article aurait-elle pu interroger des (jeunes) retraités de l'armée qui après 20 ans passés sous l'uniforme ont tant de mal à s'intégrer au monde de l'entreprise et à y exercer une fonction de manager. Ce sera pour une autre fois (peut-être).

Les managers enfilent des rangers.pdf

09/06/2010

Silence et parole verbale

Je me souviens que l'on donnait à l'Université, l'exemple des questions posées au concours d'entrée à l'ENA : "Combien pèse une traverse de chemin de fer ?". Et que l'on attendait du candidat non pas qu'il donne un poids, mais qu'il produise un raisonnement démontrant qu'il était capable de répondre de manière ordonnée, logique, cohérente et avec culture, à n'importe quelle question. Le raisonnement pouvait porter sur la nature de la poutrelle, sur le nombre d'hommes nécessaires pour la porter, sur la longueur raisonnable d'une unité de voie de chemin de fer, tout cela importait peu, l'important était de répondre. S'il est bien une chose que le jury ne supporte pas d'entendre, c'est le silence. Conseillons aux jurys des grandes écoles de contempler les toiles d'Olivier Debré qui, lui, sait peindre le silence.

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Olivier Debré - Sans titre

Si les grandes écoles vivaient dans le mythe de l'encyclopédisme et de l'homme pluridisciplinaire qui associe des connaissances multiples pour produire du nouveau, on applaudirait. Mais il ne s'agit que de la vérification de la capacité à produire un discours sur tout sujet, une réthorique qui diffusel l'illusion qu'il est possible d'avoir un avis sur tout chose, que la nécessité d'avoir réfléchi à une question n'est rien au regard de la capacité à en dire quelque chose. Nos sondeurs reproduisent le paradigme en considérant que tout avis se vaut et s'additionne quel que soit le degré de maturation de la question posée. Remercions ici ceux qui déclinent de répondre à des questions auxquelles ils n'ont pas réfléchi, qui refusent de colporter du prêt à penser (ah cet ouvrage sur l'art contemporain feuilleté récemment qui se propose de vous initier à l'art avec des rubriques du style : ce que l'on peut voir, ce que l'on peut en penser, ce que l'on peut en dire...) et qui osent le "je ne sais pas" sans culpabilité et avec naturel. Comme l'on dit dans le Sud-Ouest, la compétence passe parfois par moins de parole verbale et un peu plus de silence.

12/01/2010

Les pieds dans le Tapie

Plusieurs lecteurs de ce blog m'ont signalé que la chronique intitulée "ordre et des ordres" était tronquée et peu lisible. Dans cette chronique il était question de Pierre Tapie et de ses considérables propos sur la sélection à l'entrée des grandes écoles. La chronique est reproduite ci-dessous. Pourquoi revenir sur Pierre Tapie ? parce qu'à l'occasion du discours prononcé par Nicolas Sarkozy a Supelec, il a bravement déclaré : "Je partage tout ce qu'à dit le Président de la République, tout son discours". S'il ne l'a déjà, cet homme mérite la Légion d'Honneur. Et enfonçant le clou de la rébellion, le même poursuit : "Il n'y a aucun tabou sur les concours, mais pour entrer dans une école de grammaire, il faut être bon en grammaire". En l'occurence, plutôt en Maths s'agissant des grandes écoles françaises. Cette remarque, qui pourrait fleurer le bon sens, est pourtant terrible. Elle symbolise le confort des grandes écoles qui par la sélection se protègent et s'évitent d'innover pour faire progresser ceux qui ont le plus besoin de l'école, elle justifie que la sélection par les maths soit le mode de production des hauts dirigeants qui n'auront jamais que du management à accomplir et elle acte que les grandes écoles entérinent une hiérarchie déjà établie et qu'elle ne se donne aucunement les moyens de bousculer. Comme les Ambassadeurs d'Holbein, Pierre Tapie engoncé dans la vérité de son statut ne voit pas qu'il appartient à un monde ancien dont la disparition s'affiche pourtant sous ses yeux.

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Hans Holbein - Les Ambassadeurs

A l'opposé de ce monde clos et fermé proné par Pierre Tapie, une nouvelle citation de Michel Serres, dangereux révolutionnaire  et grand subversif comme on le sait, extraite de son dernier opus : "Temps des crises" : "...toute hiérarchie se fondait sur la rétention de l'information, sur le verrouilage d'une rareté : sacrements, règles de droit, généalogie des familles, maniement des armes, expertis et tour de main, ....La hiérarchie, c'est ce vol. Tout au contraire, la démocratie advient dès la révélation des mystères, d'abord ; dès la divulgation des secrets par la suite ; enfin dès une vulgarisation universelle...La liberté c'est l'accès, non seulement l'accès possible, mais l'intervention active". Comment mieux définir la finalité de l'éducation et le sens même du métier de formateur ?
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Ordre et des ordres

Il y a quelques années, lors d'un colloque organisé à Toulouse et consacré à l'insertion professionnelle, un prestigieux intervenant, directeur de la prestigieuse école d'ingénieurs de Purpan, avait doctement énoncé qu'il était vain que des africains viennent faire des études longues et des thèses en France alors que leur pays manquait de techniciens. Et à ceux qui étaient ébahis de tels propos, il avança cet argument scientifique : il avait lui-même pris, en Afrique, un taxi conduit par un thésard qui n'avait pas trouvé d'autre emploi. Quelques années plus tard, le prestigieux personnage occupe un poste encore plus prestigieux puisqu'il est président de la Conférence des Grandes Ecoles (CGE) et qu'il se bat mordicus pour maintenir les concours, ne pas galvauder le niveau en accueillant plus de boursiers et, filant la métaphore et démontrant sa vision fine de la société française il déclare : "Imaginerait-on un quota de CSP++ dans l'équipe de France de foot ?  Ou un quota de boursiers dans l'équipe équestre de sauts d'obstacle ?". Voilà quelqu'un qui a manifestement intégré la notion de classe sociale. Pierre Tapie, puisque c'est de lui qu'il s'agit, aurait sans doute apprécié l'exposition qui se tient à la Pinacothèque de Paris consacré à l'âge d'or de la peinture hollandaise.

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Vermeer - La lettre d'amour

Ce n'est pas tant les peintures qui portent à croire que Pierre Tapie trouverait son plaisir chez les peintres hollandais, mais les textes empesés et pompeux qui accompagnent l'exposition et veulent voir dans toute trace de lumière présente sur la toile une manifestation divine, et non de la lumière, tout en proclamant de manière absurde que Rembrandt est le plus grand peintre de l'histoire. Ce goût de la hiérarchie plaira à Pierre Tapie et à ses correligionaires, et il me revient en mémoire cette DRH d'HEC expliquant que dans une grande école la VAE n'avait aucun sens. Et c'est chez ces humanistes proclamés que sont formées les élites de demain. Pour terminer, on peut estimer que Pierre Tapie n'aimerait pas la peinture de Clovis Trouille et le mélange des genres, raison suffisante pour vous offrir cette illustration. Une dernière chose : ne dites pas à Pierre Tapie qu'Albert Camus aimait le football, ni que Villepreux est un intellectuel, cela ferait désordre pour quelqu'un qui préfère les ordres.

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Clovis Trouille - Chez la princesse et le tzigane - 1962

09/01/2010

Ordre et des ordres

Il y a quelques années, lors d'un colloque organisé à Toulouse et consacré à l'insertion professionnelle, un prestigieux intervenant, directeur de la prestigieuse école d'ingénieurs de Purpan, avait doctement énoncé qu'il était vain que des africains viennent faire des études longues et des thèses en France alors que leur pays manquait de techniciens. Et à ceux qui étaient ébahis de tels propos, il avança cet argument scientifique : il avait lui-même pris, en Afrique, un taxi conduit par un thésard qui n'avait pas trouvé d'autre emploi. Quelques années plus tard, le prestigieux personnage occupe un poste encore plus prestigieux puisqu'il est président de la Conférence des Grandes Ecoles (CGE) et qu'il se bat mordicus pour maintenir les concours, ne pas galvauder le niveau en accueillant plus de boursiers et, filant la métaphore et démontrant sa vision fine de la société française il déclare : "Imaginerait-on un quota de CSP++ dans l'équipe de France de foot ?  Ou un quota de boursiers dans l'équipe équestre de sauts d'obstacle ?". Voilà quelqu'un qui a manifestement intégré la notion de classe sociale. Pierre Tapie, puisque c'est de lui qu'il s'agit, aurait sans doute apprécié l'exposition qui se tient à la Pinacothèque de Paris consacré à l'âge d'or de la peinture hollandaise.

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Johannes Vermeer - La lettre d'amour - 1669-1670

Ce n'est pas tant les peintures qui portent à croire que Pierre Tapie trouverait son plaisir chez les peintres hollandais, mais les textes empesés et pompeux qui accompagnent l'exposition et veulent voir dans toute trace de lumière présente sur la toile une manifestation divine, et non de la lumière, tout en proclamant de manière absurde que Rembrandt est le plus grand peintre de l'histoire. Ce goût de la hiérarchie plaira à Pierre Tapie et à ses correligionaires, et il me revient en mémoire cette DRH d'HEC expliquant que dans une grande école la VAE n'avait aucun sens. Et c'est chez ces humanistes proclamés que sont formées les élites de demain. Pour terminer, on peut estimer que Pierre Tapie n'aimerait pas la peinture de Clovis Trouille et le mélange des genres, raison suffisante pour vous offrir cette illustration. Une dernière chose : ne dites pas à Pierre Tapie qu'Albert Camus aimait le football, ni que Villepreux est un intellectuel, cela ferait désordre pour quelqu'un qui préfère les ordres.

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Clovis Trouille - Chez la princesse - 1962

15/09/2009

Gestion, innovation, subvention

Trois directeurs d'écoles supérieures de commerce viennent de se prononcer récemment sur leur business modèle pour constater qu'il atteignait sa limite. Ces dirigeants d'école de gestion qui forment les managers de demain et ont déjà formé ceux d'aujourd'hui réfléchissent donc à un nouveau modèle, nécessitant plus d'innovation. Et le résultat de leurs cogitations est à peu près identique : que l'Etat leur verse des subventions au nom de l'intérêt général qu'ils servent en formant de bons managers (qui eux même font les bonnes organisations qui font une bonne économie, suivez le fil...) ou bien, chemin à peine détourné, que l'Etat donne des crédits d'impôts aux étudiants pour payer des frais d'inscription plus élevés. L'innovation est plutôt sommaire qui reprend la vieille recette du  "privatisons les profits et collectivisons les pertes", mais après tout les banques ont également essayé récemment et cela fonctionne toujours.

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Alain Garrigue - Innovation rupestre - 2008

Curieux réflexe que de se tourner systématiquement vers l'Etat pour résoudre tout problème, tout en vilipendant par ailleurs sa lourdeur, sa bureaucratie, son interventionnisme et son coût. Mais ici, c'est pour la bonne cause apparemment. Il est vrai que, lorsque l'on sait manager, on manage. Lorsqu'on sait un petit  peu manager, on fait du conseil. Et lorsqu'on ne sait pas manager, on enseigne le management. Dirigeants d'écoles, ne cherchez plus vous-même la solution : demandez aux managers que vous avez formé de vous la fournir !
(NDLA : encore Alain Garrigue en illustration ! eh oui...C'est parce qu'il est toulousain ? pas seulement...Mais pourquoi alors ? regardez bien....).

06/05/2008

Les managers français ont mauvaise presse

 C’est dans le numéro du mois de mai de Liaisons Sociales magazine (voir l'article en pièce jointe ci-dessous) : plusieurs enquêtes témoignent d’un désaveu de la culture manageriale à la française. Trop éloigné du terrain, peu enclin à la remise en cause car définitivement légitimé par sa position hiérarchique, son diplôme ou son salaire, peu rompu au travail de groupe, peu partageur d’une information qu’il considère comme une des clés de son pouvoir, pas vraiment support de ses collaborateurs…le manager français paraît empêtré dans un ensemble de lacunes rédhibitoire. On pourrait se demander si les travaux qui conduisent à ces conclusions ne sont pas excessivement négatifs et quelque peu caricaturaux.
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Max Ernst - Ubu Imperator - 1923

On ne peut toutefois s’empêcher de les mettre en relation avec une étude conduite il y a quelques années qui indiquait qu’en France 75 % des dirigeants des 200 entreprises les plus importantes sont issus des grandes écoles (Polytechnique, Mines, HEC, ENA…). En Allemagne, 75 % des dirigeants des 200 entreprises les plus importantes sont issus de la promotion interne. On conviendra que le mode de management ne peut être tout à fait le même.

Les gros défauts du management à la française.doc