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18/06/2013

C'est arrivé près de chez vous

Un travailleur payé 132 euros pour 60 heures de travail mensuel, soit 2,20 euros de l'heure, est chargé de faire de la prospection commerciale par téléphone. Il passe un coup de fil personnel. L'entreprise qui le fait travailler met fin à la prestation, sans licenciement. Le travailleur obtient gain de cause, le 8 février dernier devant le Conseil des Prud'hommes de Paris. Depuis le 14 juin dernier, il sait qu'il va perdre en appel et qu'il ne percevra jamais l'indemnité de 6 500 euros que le juge lui avait allouée. Pourquoi ? parce qu'il s'agit d'une personne incarcérée et que le Conseil Constitutionnel vient de juger qu'il n'est pas contraire à la Constitution d'exclure les prisonniers du droit du travail.

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Cette décision permet donc de continuer à rémunérer à hauteur de 20 % du SMIC des personnes qui effectuent un véritable travail. Il y a bien des années, lorsqu'a débuté la valse des contrats aidés (TUC, SIVP, CES...), j'avais à de multiples reprises produits quelques travaux et publications reposant sur le constat que le meilleur garant de l'insertion c'est certes la rémunération mais surtout la reconnaissance et la qualification. Rien n'insère mieux que l'accès au droit commun qui par définition est le seul qui permet d'appartenir vraiment à la communauté. Bien sur le Conseil tente d'y mettre les formes. Il invite le législateur à mieux garantir le statut des travailleurs en prison, mais il affirme parallèlement qu'aucun principe Constitutionnel, aucun droit fondamental n'est mis en cause par le fait que la relation de travail du prisonnier soit exclusive de tout contrat de travail. Cette affirmation, que rien ne vient étayer dans le raisonnement, vient d'envoyer la confirmation aux prisonniers qu'ils ne sont plus tout à fait des citoyens, que leur travail ne vaut pas bien cher et par là même eux non plus. Pour réinsérer, il doit y avoir mieux.

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22/09/2012

La corrida, ce sous-ensemble

Comme on sait qu'il n'y a pas de vide juridique, on en conclu que le droit dispose toujours d'une réponse pour toutes les questions qui lui sont posées. Tel est bien le cas. Ainsi le Conseil constitutionnel a du trancher la question de la légalité de la corrida, notamment en ce qu'elle échappe à la qualification pénale d'actes de barbarie sur les animaux. Au-delà de considérations sur la possibilité pour le législateur de moduler les règles en fonction des situations, le Conseil constitutionnel valide le raisonnement des aficionados, lequel est souvent mal compris. Les juges font valoir que la corrida peut être pratiquée dans les régions où existe une tradition locale et une culture taurine. Ce qui scandalise ceux qui traduisent cette position par le fait que la pratique pourrait justifier le droit et au final que le droit coutumier l'emporterait sur le droit construit. La pratique, même la plus contestable, dicterait ainsi sa loi interdisant tout progrès. Ce n'est évidemment pas de cela qu'il s'agit. La référence à la culture taurine a une dimension beaucoup plus large, que l'on peut illustrer par les peintures de Catherine Huppey qui n'a pourtant jamais assisté à une corrida.

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Catherine Huppey - Combat 2

Par leur décision, les magistrats (que l'on renonce à désigner par le terme de "Sages" que les jounalistes emploient par facilité et que rien ne justifie) rappellent que pour pouvoir exister, la corrida ne doit être qu'une partie d'un ensemble bien plus vaste. La culture taurine c'est la présence du taureau dans l'histoire, dans les traditions, dans l'économie, dans les moeurs et au final dans la vie des populations. C'est l'élevage,  les manifestations autres que la corrida (abrivados, courses, encierros...), une littérature, une gastronomie car l'on mange du taureau, un mode de vie, une imprégnation des fêtes et traditions populaires, les ferias, et au final un élément de l'identité locale. En ce sens, il n'est pas contradictoire, au contraire, de défendre la présence de l'Ours dans les Pyrénées et le maintien des corridas dans les terres du Sud. C'est ce message que délivre le juge, dans le langage qui est le sien. C'est dire si le Président du Crac (Comité radicalement anti-corrida) est loin du sujet lorsqu'il estime que cette décision consacre la dictature tauromachique puisqu'un petite nombre impose sa loi au plus grand nombre. Le juge lui a exactement expliqué le contraire, encore faut-il prendre la peine d'entendre ce qu'il dit.

28/08/2008

Le salarié et son double

 

Après plusieurs tentatives, précédemment censurées par le Conseil constitutionnel, le Gouvernement est parvenu à faire voter par l'Assemblée un texte sur la comptabilisation des salariés mis à disposition dans l'effectif de l'entreprise d'accueil. Depuis plusieurs années, la jurisprudence de la Cour de cassation impose la prise en compte dans l'effectif de l'entreprise des salariés mis à disposition (hors intérim dont la prise est compte est spécifiquement prévue par la loi) dès lors qu'ils sont intégrés de manière étroite et permanente à la communauté de travail (Cass. soc., 28 février 2007). Il en résulte que ces salariés sont électeurs, et éventuellement éligibles, à la fois chez leur employeur et dans l'entreprise dans laquelle ils effectuent leur activité, en quelque sorte, et comme les intérimaires mais qui eux sont dépourvus du droit de vote chez l'utilisateur, ce sont des salariés qui comptent double.

 

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Angelus lucis - L'homme double -  1584, Kassel


La loi sur le temps de travail et la démocratie sociale vient modifier la jurisprudence de la Cour de cassation en deux points : d'une part les conditions de prise en compte des salariés mis à disposition sont précisées et d'autre part ils ne pourront être électeurs et/ou éligibles simultanément dans deux entreprises.

Sur le premier point, les salariés mis à disposition sont électeurs s'ils sont présent dans les locaux de l'entreprise utilisatrices et y travaillent depuis au moins un an. Pour être éligibles en tant que délégué du personnel, l'éligibilité en tant que membre du CE n'étant pas possible, il faut une présence continue de deux ans.

Sur le second point, le salarié mis à disposition doit choisir s'il exerce son droit de vote et d'éligibilité dans l'entreprise qui l'emploie ou dans l'entreprise utilisatrice. C'en est donc terminé du salarié mis à disposition double électeur. On notera tout de même qu'un salarié peut être élu en tant que délégué du personnel  chez l'utilisateur et en tant que membre du CE dans l'entreprise qui l'emploie. Un demi-double en quelque sorte.