Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

23/12/2008

A diplôme inégal, salaire égal

La décision était attendue depuis longtemps par l’auteur de ce blog : quand la Cour de cassation allait elle juger que la seule possession d’un diplôme ne justifiait pas un écart de salaire ? la réponse est le 16 décembre 2008. Dans sa décision, la Cour de cassation affirme en effet que "la seule différence de diplômes, alors qu'ils sont d'un niveau équivalent, ne permet pas de fonder une différence de rémunération entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s'il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d'un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée" (Cass. Soc., 16 décembre 2008, P 07-42.107 / 2261, Mme Nissrim K. c/ Sté Fauchon SAS). On notera bien évidemment la réserve : alors qu’ils sont d’un niveau équivalent, mais on voit mal en quoi le principe d’indiquer le lien entre le diplôme possédé et l’utilisation possible pour l’emploi occupé devrait ne pas concerner des diplômes de niveau différent.

egalite.jpgegalite3.jpg
Minerva Cuevas - Egalité

Cette décision fait vaciller la validité des conventions collectives qui prévoient des niveaux de rémunération différents selon que le salarié possède ou non un diplôme. Le principe « travail égal, salaire égal » suppose en effet que ce diplôme ait un impact sur la réalité du travail effectué pour que la différence de salaire soit justifiée.

Il s’agit de rappeler que l’on rémunère un travail et non des personnes, comme l’on évalue un travail et non des personnes. Le contrat de travail n’achète pas les individus mais leur travail, l’objet du contrat n’est pas la personne mais sa qualification, c’est-à-dire le travail que l’on peut lui demander. Et cette objectivation de la prestation ne s’oppose pas à ce que l’on n’oublie pas que le travail est effectué par des hommes et des femmes. Simplement il s’agit de considérer autrui pour ce qu’il fait et non de manière prédéterminée pour ce qu’il est ou paraît être.

22/10/2008

Directeur, pas dirigeant

En matière de qualification, le juge ne s’estime lié ni par le contrat de travail, ni par les accords collectifs. Une décision du 18 juin 2008 de la Cour de cassation vient rappeler ce principe. Un accord d’entreprise avait qualifié de cadres dirigeants des directeurs de magasin, au regard des responsabilités liées à leur fonction. Un avenant à leur contrat de travail a été établi en ce sens.

Opérant un contrôle de la qualification, la Cour de cassation utilise les trois critères fournis par le Code du travail (Art. L. 3111-2) : la grande indépendance dans l’organisation de l’emploi du temps, l’habilitation à prendre des décisions de façon largement autonome et une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés de l’entreprise ou de l’établissement.

ledirecteurdusineJean-NoelDelalande.jpg
Le directeur d'usine - Jean-Noël Delalande

Pour rejeter la qualification de cadre dirigeant, la Cour de cassation a relevé que si le directeur de magasin avait la rémunération la plus élevée du magasin (coefficient 400) elle était loin des rémunérations les plus élevées de l’entreprise (coefficient 600) et que par ailleurs le directeur mettait en œuvre des politiques commerciales qu’il ne décidait pas et ne pouvait embaucher que dans le cadre de directives de la part de la direction générale. Dans ces conditions, indépendamment de l’accord collectif et du contrat de travail, elle ne pouvait que constater que le directeur de magasin n’était pas un cadre dirigeant. Rappelons que la Cour de cassation s’autorise le même contrôle en matière d’autonomie des salariés dans l’organisation de leur temps de travail pour vérifier la validité des forfaits jours. Pour le juge, l’apparence contractuelle ne résiste pas à la réalité.

16/07/2008

Quand l'employeur voit double

La Cour de cassation a rendu le 24 Juin 2008 un arrêt qui peut être de nature à renforcer considérablement le contrôle syndical sur les processus de prise de décision de l'entreprise : selon les hauts magistrats un syndicat est habilité à agir en justice pour demander au juge des référés qu'il condamne un chef d'entreprise à réunir, informer et consulter un comité d'entreprise (Cass. soc., 24 juin 2008).
 
Par cette décision est posé le principe que si le comité d'entreprise est bien évidemment susceptible d'agir en justice pour protéger ses droits, cette prérogative appartient également aux organisations syndicales indépendamment de toute action du comité. L'employeur peut donc voir un double risque dans l'absence de consultation régulière du comité d'entreprise.
 
DoubleVision.jpg
Double vision - Campagne contre l'alcool au volant
 
En application de l'article L. 2132-3 du Code du travail, les syndicats peuvent en effet exercer devant toutes les juridictions les droits réservés à la partie civile concernant le faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collective de la profession. Il faut en conclure que les attributions du comité d'entreprise relèvent de l'intérêt collectif de la profession. Ce principe a permis, en l'espèce, à un syndicat d'EDF d'imposer à l'entreprise de suspendre une opération de regroupement de sociétés de maintenance pour n'aboutir qu'à une société sous-traitante, tant que le comité d'entreprise et le CHSCT n'ont pas été consultés.
 
Double possibilité d'action et double regard sur les risques donc pour l'entreprise qui ne peut garantir sa tranquillité par une négociation avec le seul comité d'entreprise sans craindre qu'une organisation syndicale, en désaccord avec le comité, n'oblige à sa consultation et dans l'attente aboutisse au gel des décisions engagées. 
 

20/06/2008

Heures de délégation : le temps libre

La Cour de cassation, présidée pour l'occasion par une Toulousaine, vient de réaffirmer un principe absolu : il appartient aux représentants du personnel de déterminer librement le moment où ils bénéficient de leur crédit d'heures. L'employeur n'a pas à s'immiscer dans le choix du représentant du personnel qui est libre d'utiliser son temps comme bon lui semble. En fait, ce sont deux principes qui ont été rappelés :

- le représentant du personnel peut librement déterminer le moment auquel il prend ses heures de délégation, indépendamment des plages de temps que lui octroit l'enreprise ;

- lorsque des heures liées au mandat sont effectuées en dehors du temps de travail à l'initiative de l'employeur, elles donnent lieu à paiement majoré comme des heures supplémentaires (Cass. Soc. 11 juin 2008, T 07-40.823/1134, Sté DPSA Ile de France c/ M. Mathieu K., F-P+B)  

chirico_enigma_of_the_hour.jpg
Chirico - L'énigme de l'heure 
 
En l'espèce, il s'agissait d'un représentant du personnel travaillant la nuit et prenant fréquemment ses heures de délégation de jour. L'employeur, soucieux de sa masse salariale, établissait des plannings d'activité incluant des absences dans les horaires de nuit pour tenir compte des heures de délégation. Impossible nous dit la Cour suprême : l'employeur ne peut se substituer au représentant du personnel pour fixer la prise des heures de délégations et doit prendre acte du moment où il décide d'utiliser son crédit d'heures. Si le représentant du personnel ne peut prendre ses heures en dehors du temps de travail que dans l'intérêt du mandat, celui-ci est largement entendu et recouvre la possibilité pour un travailleur de nuit de prendre des heures en dehors de ses heures de travail. D'une manière plus générale, les tribunaux sont très réticents à fixer des limites à la liberté d'utilisation des heures de délégation. On a ainsi vu des refus de considérer qu'est une pratique abusive le fait de prendre les heures de délégation tous les vendredi après-midi ou lundi matin, ou encore de prendre 1 heure de délégation systématiquement tous les matins à l'heure où se fait la répartition du travail. Le principe de liberté dans l'utilisation du temps de délégation est donc très largement affirmé, et confirmé une nouvelle fois par la décision du 11 juin.
 
Sur la seconde partie de la décision,  la Cour de cassation rappelle que lorsque le représentant du personnel doit prendre ses heures en dehors du temps de travail du fait de l'employeur, les heures doivent lui être payées en heures supplémentaires. Il en est ainsi lorsque l'employeur fixe les réunions du CHSCT en dehors des plages d'activité des membres désignés de cette instance.
 
En pièce jointe, l'intégralité de la décision de la Cour de cassation. 
 

 
 

 

25/04/2008

Chronique d'une réforme annoncée (2)

Comme annoncée, la seconde chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pourl'AEF sur le droit de la formation professionnelle. Sont présentés ici les apports de la jurisprudence au droit de la formation. Qu'il s'agisse des obligations respectives des entreprises et des salariés en matière de gestion des compétences et d'obligation de formation, de la définition du régime du temps de formation ou encore de la nature de l'activité des organismes de formation, la jurisprudence a souvent été pionnière dans l'évolution du droit. Mais son apport principal est d'avoir donné, à partir de la nature même du contrat de travail, une structure forte au droit de la formation dont ne pourrons s'affranchir les négociateurs et/ou réformateurs futurs. Le droit à des logiques qui ne peuvent être oubliées sous peine de devoir remettre l'ouvrage sur le métier.

Lajurisprudenceetledroitdelaformation.pdf

07/04/2008

Le forfait, c'est la liberté

La décision est lapidaire et vient après quelques autres de même nature : "un régime de forfaits en jours ne peut être appliqué qu'aux cadres dont la durée du travail ne peut pas être prédéterminée et qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps ; dans ce cas, le cadre doit bénéficier d'une grande liberté dans l'organisation de son travail à l'intérieur du forfait en jours" (Cass. soc., 31 octobre 2007, SARL Blue Green Villenne c/Loustaud).

Difficile de faire plus direct : soit l'on choisit le forfait et sa souplesse et la contrepartie est l'autonomie du salarié, soit on choisit la prescription et le contrôle du temps et on respecte la rigidité des horaires de travail. Mais on ne peut cumuler forfait et prescription.

 

2037998580.gif
 
Profitons en pour rappeler les trois conditions principales du forfait, que la Cour de cassation non seulement s'autorise mais se fait un plaisir de vérifier :
- les salariés concernés par la possibilité de conclure des conventions de forfait en jours doivent être identifiés dans un accord collectif ;
- le forfait en jours n'est possible que si le salarié est effectivement autonome dans l'organisation de son activité ;
- le forfait en jours doit faire l'objet d'un avenant au contrat de travail signé entre le salarié et l'entreprise.
 
Si l'une de ces conditions vient à manquer, le forfait en jours peut être remis en cause. Si tel est le cas, le salarié est considéré comme travaillant 35 heures par semaine. On voit le résultat : tout salarié au forfait travaillant 8 à 10 heures par jour pourrait se voir octroyer quelques 400 à 500 heures supplémentaires par an, sur cinq ans. L'intérêt financier risquant de susciter quelques appétits, on ne saurait trop conseiller aux entreprises de sécuriser le recours au forfait et d'en respecter le régime une fois qu'il est instauré. L'autonomie, joli mot non ?