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19/04/2010

Justice, Vérité, Liberté

Enchâssées dans la façade de l'Abbaye de Westminster, les deux statues ne peuvent échapper au regard. Côte à côte, la Vérité et la Justice. La première a la chevelure flamboyante, le regard droit, le geste souple mais ferme. Elle est LA Vérité.  La seconde est plus humble, regard baissé plutôt que justice aveugle, gestes davantage retenus, cheveux tombant plutôt que s'affichant en défi. La justice connaît ses limites. Elle sait qu'il existe une vérité judiciaire mais qu'elle n'est pas la vérité. La vérité judiciaire est contingente, elle voudrait parfois paraître telle sa belle voisine, mais elle doit s'en tenir à rapprocher les faits du droit et à qualifier au regard des lois qu'on lui fournit. Bien sur la tentation est parfois trop forte et l'oeuvre prétorienne trop nécessaire pour qu'il soit possible de lui résister. Mais tout ceci n'est qu'exception et le juge ne peut se départir, au quotidien, de son rôle de serviteur de la loi.

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Abbaye de Westminster - Truth and Justice

Mais la loi elle-même ne peut prétendre à LA Vérité et il arrive que le juge soit amené à la contester. Je n'imaginai pas prendre un risque particulier en photographiant l'Abbaye de Westminster. Le Terrorisme Act, article 44, permet pourtant à un policeman de considérer tout photographe comme un terroriste potentiel en mission de reconnaissance hostile. Des affiches invitent même les passants à dénoncer toute personne photographiant de manière suspecte. La Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH, 12 janvier 2010, Gillan et Quinton c/Royaume-Uni) a condamné la pratique du Stop and Search, surnom de la procédure d'interpellation de l'article 44. Le journaliste de la BBC Jeff Overs a pourtant été interpellé récemment alors qu'il photographiait la Cathédrale Saint-Paul.
Voilà comment la lutte contre le terrorisme justifie 4 200 000 caméras qui en Grande-Bretagne suivent vos déplacements ainsi que des lois liberticides. Au pays de l'Habeas Corpus, le plus grave est sans doute que cela ne soulève que peu de protestations et encore moins de révolte. Lorsque la capacité de révolte disparaît, lorsque la peur fait perdre de vue la liberté, alors comme disait Primo Levi, le premier pas est fait sur la longue route qui conduit au Läger.