Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

07/05/2012

Une autre musique

En 1985, Barclay ne renouvelle pas le contrat de Claude Nougaro. Son dernier album est décevant. Sa carrière paraît derrière lui, lentement déclinante. Ses succès de demain seront ceux d'hier et l'on imagine guère qu'il puisse en être autrement. De la chanson française un peu datée et puis voilà. Nougaro, on connaît merci ça va. Tout ce qu'il pourrait encore produire, on se doute qu'on aura le sentiment de l'avoir déjà entendu. Donc c'est fini. Sympathique, succès d'estime certes, mais il a fait son temps. C'était en 1985. Nougaro vend alors sa maison parisienne et part à New-York, rencontre des musiciens, hume l'énergie de la ville, s'en fout plein la tête et plein les muscles, rentre en studio, prend plaisir avec les musiciens et balance Nougayork. Comme un défi claqué dans le vent, comme une humilité assumée qui permet toutes les audaces, comme une vie nouvelle, comme un changement qui n'en est pas vraiment un pour qui connaît l'animal mais qui étonne ceux qui l'ont approché sans jamais le rencontrer vraiment. Nougayork !


La preuve, si elle était nécessaire, que l'on ne connaît jamais la vérité d'un individu ; la preuve, si elle était nécessaire, que le potentiel de chacun est toujours un peu au-delà de ce qu'il paraît, même pour soi même ; la preuve, si elle était nécessaire, que le pronostic basé sur le passé ne sait rien de l'avenir ; la preuve, si elle était nécessaire, que demain n'est pas écrit par hier ; la preuve, si elle était nécessaire, que celui qui ose la liberté se dégage l'avenir ; Nougaro avoir de nouveau du succès ? on rêve ! après Nougayork, il y en aura encore trois autres. Bon lundi à tous.

27/09/2011

Détour direct

Vous goûtez un Sauternes : l'été indien fait de tournesols fanés, de vignes empourprées, de douces lumières et de platanes ambrés vous enveloppe. Vous souhaitez décrire le nectar, les mots qui vous viennent sont le miel, l'abricot, l'ananas, le citron pour quelques crus jeunes, mirabelles, mangue pour les plus mûrs, fruits de la passion ou poire pourront également se présenter. Des fruits jaunes, qui ont capturé le Dieu soleil pour vous en livrer les sucs.

DSCF6074.JPG

Vous goûtez un Médoc : les sous bois vous accueillent et livrent leurs framboises, fraises des bois, myrtilles, cassis et vous mènent par les vergers à  la cerise, la griotte ou au  pruneau qui se marient à l'envi. Le feu du soleil a marqué au rouge le tanin qui s'épanouit en votre palais. L'or noir n'est pas cette eau de roche grasse et pollueuse, c'est le grain du raisin qui offre sa chair tendue dans sa jeunesse avant de s'abandonner à la moisissure pour sublimer les vins sapriens.

DSCF6169.JPG

Comme il existe plus de cents mots pour décrire la robe du taureau, les fruits s'offrent par dizaine pour dire l'ineffable goût du vin. Le détour par le fruit vous livre l'âme du nectar, comme le détour par la moisissure permet d'exhausser les sucs de la boisson des Dieux.

Vous cherchez la nature des choses, vous souhaitez atteindre l'essence de ce qui vous préoccupe ? oubliez cette leçon de fausse évidence selon laquelle la ligne droite est le plus court chemin pour aller d'un point à l'autre. Pensez au lapsus : au détour d'une phrase, un mot détourné vient vous livrer le fond de votre pensée que vous ignoriez vous-même. Le détour n'est ni perte de temps ni égarement dans l'espace. Il est ce chemin qui vous mène au coeur du problème. Et si vous étiez un vin, lequel aimeriez-vous être ? et un fruit ? et une saison ? vous en apprendrez plus sur vous même en répondant à ces questions qu'en vous lamentant sur le stérile Qui suis-je ? si d'ailleurs il venait à vous assaillir, un détour par la vigne s'impose.

18/04/2011

De l'objectivité

Roland Penrose avait acquis auprès de Picasso ces portraits de Lee Miller, son épouse. Lorsque, pour la première fois, il les installa chez lui, leur fils Anthony, qui avait alors 5 ans, s'écria  plein de joie en voyant les tableaux : "Maman, Maman !".

Portrait de lee miller.jpgGML 331.jpg

Picasso - Portraits de Lee Miller - 1937

 Avec deux peintures empruntant au génie de l'enfance, qui reconnaît les siens sans coup férir, Picasso met à bas plusieurs siècles d'effort du rationnalisme cartésien pour atteindre la vérité des choses par leur approche objective. Considérer les choses objectivement,  les établir telles qu'elles sont, rendre compte, saisir dans son immanente présence, sans filtre, sans interprétation ce que nous voyons. Sans rien y mettre de soi. Autant dire en  vidant de tout son sens le sujet observé, dans une tentative désespérée de négation de soi-même. Seule la subjectivité la plus engagée, la dimension personnelle la plus assumée et la plus revendiquée permet de révéler, car c'est de cela qu'il s'agit, les éléments de vérité qui habitent ce qui à notre regard s'offre. Ne pas oublier que l'on a un corps, et que cette incarnation doit être présente à l'acte d'analyse n'est pas se fourvoyer sur les terrains de la subjectivité. Seul le totalement personnel a quelque chance d'être universel.