24/09/2008
La chimère de la formation à l'économie
Serge Dassault a réussi, en son temps, à faire inscrire dans le Code du travail que relève de la formation professionnelle continue : "les actions de formation relatives à l’économie de l’entreprise. Elles ont notamment pour objet la compréhension par les salariés du fonctionnement et des enjeux de l’entreprise". Vieille chimère du management : il suffit d'expliquer et de communiquer et forcément les salariés vont adhérer. La logique n'est pas fondamentalement différente, si l'idéologie affichée est opposée, des tenants de la lutte des classes qui considèrent que l'élite éclairée dotée d'une conscience politique doit éduquer le peuple. Aux uns et aux autres, le peuple ne demande, le plus souvent, rien. Pourtant le président de l'AFCI, Jean-François Bernardin, ressort la recette dans un rapport sur la mondialisation : il faut doter les salariés d'une culture économique et leur expliquer la mondialisation.
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17/07/2008
Mémoire externe
Lors d'une conférence prononcée à Lille, Michel Serres défendait l'idée suivante : l'imprimerie a tué la culture orale et partant a supprimé le besoin de mémoire. Après l'invention de l'imprimerie, il suffisait de savoir dans quel livre trouver l'information. Mais les bibliothèques étant ce qu'elles étaient, l'homme de science devait toutefois emmagasiner une information qui ne lui était pas accessible de manière permanente. Aujourd'hui, les stockages de données, leur mise à disposition permanente sur la toile, constituent une mémoire externe qui rend superflue notre mémoire interne. Plus que jamais se trouve vérifié le mot de Montaigne qui "préfère une tête bien faite à une tête bien pleine".
ll est admis que le stock de connaissances disponible aura doublé dans cinq ans. Pour revenir à une des thématiques de ce blog, le droit du travail, il devient impossible de se fier à un code ou manuel qui a plus de six mois : l'information en ligne actualisée en temps réel est indispensable pour travailler correctement. Le rythme de production est tel que toute mémorisation de l'information perd de son sens. Pour autant peut -on dire que nos modèles pédagogiques ont suivi cette évolution et sont passés d'une mémorisation des connaissances à une capacité à traiter l'information, à la dominer, à l'utiliser, à la comprendre, à la commenter voire à la contester ? Il ne me semble pas que tel soit le cas. Il y a pourtant urgence. Pour revenir à Michel Serres sa conclusion est que nous n'avons pas le choix : "puisque nous avons le savoir et les technologies devant nous, nous sommes condamnés à devenir inventifs et intelligents". Il y a pire destin.
Quant à la mémoire, il reste une catégorie de textes pour l'exercer, et continuer à apprendre par coeur : la poésie.
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29/05/2008
Autonomiser
On connaît l'adage : "Si tu veux sauver le miséreux de la famine, ne lui donne pas du poisson, apprends lui à pêcher". Plutôt que de te substituer à autrui, donne lui son autonomie. Telle pourrait être la devise du formateur, qui le conduirait d'ailleurs à ne pas faire d'enseignement magistral mais à organiser des mises en situation qui permettent l'apprentissage progressif de l'autonomie. Car l'autonomie ne peut être que progressivement acquise et ne se décrète pas. Elle ne se transmet pas : elle s'incorpore à l'individu par le développement de sa capacité à agir et à penser son action.
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11/04/2008
Compétences : le jour d'après
Si près de 90 % des salariés sont satisfaits des formations suivies, moins de la moitié considèrent qu'ils peuvent effectivement utiliser les acquis de formation (étude CEREQ).
Manifestement, si l'amont de la formation parait bien maîtrisé par les entreprises, il n'en est pas de même du retour. Le problème, est manifestement celui du jour d'après.
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18/03/2008
Enseigner ce que l'on ignore
EN 1818, Joseph Jacotot, révolutionnaire exilé devient lecteur à l'Université de Louvain et se retrouve chargé d'enseigner la littérature française à des étudiants flamands dont il ne parle pas la langue et qui manient bien mal le français. Jacotot trouve une édition bilingue de Télémaque qu'il fait remettre aux étudiants leur demandant d'apprendre le texte français en s'aidant de la traduction, puis de lire l'ensemble du livre pour être capable de le raconter en français. Le travail de rédaction demandé en évaluation de l'enseignement se révéla d'un niveau comparable à celui d'étudiants français. Joseph Jacotot découvrit ainsi qu'il était possible d'enseigner sans donner d'explications, par un travail de questionnement. Enseigner ce que l'on ignore c'est questionner sur tout ce qu'on ignore. Là où le maître savant explique et déverse son savoir, le maître ignorant questionne et oblige l'élève à s'enseigner lui-même. Pourquoi faire croire aux parents qu'ils ne peuvent aider leur enfant à préparer le bac puisqu'ils sont ignorants en mathématiques ? le questionnement permet deux vérifications : l'élève est-il capable de dire ce qu'il a compris, le travail qu'il a conduit a-t-il été fait avec suffisamment de sérieux et de rigueur. La vérification de la cohérence ne nécessite donc qu'attention et logique de la part du maître ignorant. Par contre, la vérification du résultat supposera effectivement une expertise. Je peux demander à un étudiant de m'expliquer ce qu'est la formule mathématique qu'il me montre, comment elle se décompose, pourquoi ce chiffre, que signifie ce symbole, comment s'exprime l'équation, à quoi correspond le résultat, comment est-il certain que ce résultat est juste, à partir de quoi peut-il le vérifier, etc. Le quoi et le pourquoi, issus du questionnement enfantin, n'ont plus à démontrer leur redoutable puissance et les parents savent bien que le "parce que" ou le "c'est comme cela" ou la fin de non recevoir du "tu m'agaces avec tes questions" ne peut véritablement masquer la non-maîtrise du sujet abordé et le travail que nécessiterait de pouvoir répondre. L'enfant ignorant instruit ses parents par ses questions prétendûment naïves, pourquoi les parents ne pourraient-ils instruire leurs enfants lorsque ceux-ci sont plus savants ?
Sur le sujet, on lira avec profit : Jacques Rancière, Le maître ignorant, 10/18, sept. 2004.
16:44 Publié dans PEDAGOGIES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pedagogie, formation, enseignement