12/11/2015
Salariat sparadrap
Plus collant que le sparadrap du capitaine Haddock, tel apparaît le statut de salarié dans la décision du 5 novembre 2015 prise par la chambre civile de la Cour de cassation. L'affaire concerne un salarié qui a accepté de faire figurer sur son véhicule, comme des tiers à l'entreprise à qui le même contrat a été proposé, des publicités pour son employeur et a été rémunéré à ce titre dans le cadre d'une prestation de services. Redressement de l'URSSAF qui ne voit ici qu'un salaire. Contrat distinct du contrat de travail plaide le salarié. Peine perdue, la Cour de cassation, sans prendre la peine d'argumenter, considère que quasiment par nature, toute somme versée à un salarié a un caractère de salaire. L'affaire ne nous dit pas si tous les propriétaires de véhicule habillés de publicité ont également été requalifiés en salariés. Toujours est-il que la décision laisse penser que le contrat de travail est exclusif de tout autre contrat entre un employeur et un salarié. Comme si le statut de salarié ne pouvait qu'englober tous les autres.
Jeune conducteur rebelle au salariat qui a pris soin d'ôter toute publicité de son véhicule (arrghh : il a oublié la casquette !!!!)
On peut régulièrement constater que le salariat est devenu l'horizon indépassable de l'activité et que les gouvernants comme les juges oublient régulièrement qu'il existe en France des travailleurs non salariés. Tous nos systèmes sociaux ont tellement été organisés autour d'une société du salariat que l'on en vient à oublier qu'il fût un temps où le salariat était considéré comme une déchéance et le travail indépendant comme une fierté. Manifestement ce temps est sorti des mémoires et l'URSSAF qui ne voit que salariat partout, et cotisations subséquentes à redresser, y contribue plus qu'à son tour. Et voilà tout artisan faisant appel à un confrère, tout organisme de formation employant des auto-entrepreneurs comme formateurs et donc employeur louant le véhicule, et non le travail, d'un salarié, sommés de rentrer dans le cadre totalisant du salariat. Et curieusement, le tout salariat n'est jamais avancé parmi l'une des causes possibles du chômage, ni le fait que trouver un emploi soit synonyme de trouver un contrat mais pas d'exercer une activité. Il serait peut être temps, et ceci vaut pour les juges comme pour les élus, de faire évoluer les représentations et les pratiques...et peut être aussi les textes qui avaient pour objectif d'asseoir la sécurité sociale au temps de leur adoption mais qui paraissent aujourd'hui à la fois source d'insécurité et bien inutiles sparadraps.
01:39 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : salariat, voiture, publicité, statut, travailleur, non salarié, droit, urssaf
Commentaires
Le système social et politique français est devenu fou et entraîne tous ses habitants dans le déclassement économique.
Le gouvernement veut retoucher le code du travail mais c'est l'ensemble du social et du travail qu'il faut de toute urgence revisiter.
Quand tous nos partenaires économiques font montre d'intelligence et de capacité d'adaptation nous poursuivons des combats du début du XX ème siècle.
Il en est de même de la formation, partout les entreprises se désengagent (et leurs salariés également) car l'Etat a prétendu pouvoir tout organiser et réaliser. C'était totalement irréaliste et nous allons payer pendant des années cette nostalgie du front populaire ou de la société industrielle.
C'est assez triste pour un pays qui avait des atouts énormes pour le XXI ème siècle.
Dans 3 semaines avec la COP 21 nous allons donner des leçons d'environnement et de bonne gouvernance alors que nous sommes devenus le contre-modèle du monde développé.
Écrit par : cozin | 12/11/2015
Bonjour,
Arrêt surprenant quand même. Personnellement, si j'avais parié sur l'issue de ce litige, j'aurais perdu tant la solution me paraissait évidente.
Tout vient d'une interprétation un peu osée de l'article L 242-1.
C'est affirmer que la nature d'un contrat peut différer selon la qualité des parties en cause: Absorption par le contrat de travail pour l'un, contrat qualifié différemment si les cocontractants sont des tiers (les anciens salariés sont des tiers par rapport au contrat). En somme, cela revient à dire que la qualification d'un contrat ne dépend pas nécessairement de ses caractéristiques intrinsèques...
Logiquement, en cas de litige, la compétence juridictionnelle devrait être différente...Tout cela pour avantager l'URSSAF...
Écrit par : bcallens | 12/11/2015
@bcallens : tout à fait d'accord avec vous, la solution inverse me paraissait évidente. Vous noterez qu'il n'y a pas d'argument développé, car juridiquement cela ne tient pas la route, mais que l'arrêt sera publié au bulletin preuve que les juges n'entendent pas lâcher le morceau et qu'ils sont bien persuadés d'être dans le vrai et qu'il faut en avertir les futurs récalcitrants. Reste à leur démontrer qu'ils ont tort, ce qui ne sera pas facile mais s'avère indispensable.
Écrit par : Jpw | 12/11/2015
le code du travail trousse de secours complètement inadaptée au XXI ème siècle
Ce simple arrêt de la cour de Cassation Sociale et vos échanges prouvent que plus rien ne fonctionne dans le travail du fait d'un code construit pour les 19 et 20 ème siècle.
Ce n'est pas la complexité qui handicape le travail mais le code lui-même qui tue l'activité et l'envie même de créer des richesses.
Écrit par : cozin | 12/11/2015
En l'occurrence, la décision sur fonde sur un texte du code de la sécurité sociale et non du code du travail...Tout en intéressant le droit du travail dans la mesure où il concerne le champ d'application du contrat de travail.
C'est un arrêt qui va probablement retenir l'attention des commentateurs dans les prochains jours...
Écrit par : bcallens | 12/11/2015
Ce genre de décisions, le harcèlement des régimes sociaux à l'encontre des entreprises, la lourdeur des procédures ... tout cela a très logiquement entraîné le marasme économique actuel à savoir 6 millions de chômeurs environ (600 000 de plus depuis que les adorateurs du social sont arrivés au pouvoir), 2 millions de jeunes NEET sans avenir professionnel, un pays démoralisé et une formation professionnelle en ruine (sans abrogation de la réforme elle ne repartira pas en 2016).
Écrit par : cozin | 15/11/2015
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