01/10/2012
Bisounours dans la vraie vie
La période estivale, et les vacances qui vont avec, sont propices à changer non seulement d'horizon mais également de milieu, de féquentations et d'habitudes. Autres lieux, autres temps, autres repères. Le retour dans l'environnement professionnel après une telle césure rend plus visible les petits travers du quotidien auxquels on finit par ne plus prêter attention lorsqu'on les côtoie trop fréquemment. Ainsi des tics de langage. J'ai donc réentendu depuis le début du mois des expressions que j'avais déjà oubliées : "T'en as dans le pipe (prononcez païpe) en ce moment ?", élégante manière de demander si en cette rentrée morose l'activité est régulièrement alimentée, ou encore "Je lui ai fait comprendre qu'on était pas chez les bisounours", censé rappeler que l'entreprise est invariablement une jungle dans laquelle tout bon sentiment constitue une tare irrémédiable. Et puis il y a l'inévitable : "Dans la vraie vie". Ah, la vraie vie brandie comme un argument ultime qui vous dénie le droit de vous inscrire en faux. D'abord parce que vous seriez inévitablement dans la "fausse vie" ou, plaisir de l'allitération, dans la "vie virtuelle", et ensuite parce que l'expression "dans la vraie vie" est toujours suivie de l'exposition d'un exemple, d'une pratique ou d'une anecdote censé vous démontrer que "c'est comme cela que ça se passe et puis c'est tout". Dans ce cas, plutôt que de penser que le premier bisounours s'appellait droguer (avant de devenir Grognours) et qu'il portait une feuille de cannabis sur son petit ventre replet, je me souviens de la phrase de Picasso : "Tout ce que nous pouvons imaginer est réel".
Picasso - Le rêve - 1932
Pour qui est un adepte de l'expression "Dans la vraie vie", la phrase de Picasso est sans doute incompréhensible ou fausse, ce qui revient au même. Pour qui ne l'utilise jamais, ne voyant pas très bien quelle vie ou partie de vie est plus "vraie" que d'autres, elle paraîtra plus évidente. D'autant plus évidente que, comme à son habitude, Picasso va directement à l'essentiel : à trop se placer "dans la vraie vie" on ne fait jamais que révéler son manque d'imagination.
00:00 Publié dans HISTOIRES DE CONSULTANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bisounours, la vraie vie, picasso, imagination, art, peinture, cannabis
08/10/2008
Stupéfiant
La définition de l'accident du travail suscite un contentieux qui ne manque pas de sel. On se souvient qu'a été considéré comme un accident du travail le meurtre d'un salarié par un inconnu cagoulé et jamais retrouvé, perpétré sur le lieu de travail. Il est vrai que l'affaire s'est déroulée en Corse. Dans un décision en date du 13 décembre 2007, ce qui en ces temps d'actualité sociale frénétique semble un temps immémorial, la Cour de cassation fait preuve de créativité, ou d'humour, ou les deux : un chauffeur ayant consommé du cannabis a un accident suite à une perte de contrôle de son camion. L'employeur conteste en vain le caractère d'accident du travail. Comme le dit la Cour : "l'usage de stupéfiants n'a pas fait disparaître le lien de subordination" (Cass. civ., 13 décembre 2007, 06-21.754). Le contrat de travail résiste donc au cannabis, ce qui permettra à l'employeur de pouvoir sanctionner le comportement du salarié, tout en assumant les conséquences financières de l'accident de son préposé.
00:05 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : accident du travail, cannabis, subordination, faute inexcusable, michaux