03/07/2015
Un décret sans qualité
Après la réaction d'humeur, retour sur l'analyse. Pourquoi le décret sur la qualité des prestations de formation soit n'aura aucun effet autre que la bureaucratisation du secteur, soit constituera une source infini d'arbitraire et donc de contentieux ? vous le saurez en lisant le commentaire "ligne à ligne" ci-dessous. Première hypothèse : le décret n'aura aucun effet. Par défaut de pouvoir gérer le volume, par incapacité à définir des critères inattaquables, par crainte des contentieux, par volonté également de ne pas rigidifier le marché ou de laisser le choix aux bénéficiaires, les financeurs procèderont à du référencement massif sur déclaration et à part le temps perdu à produire du dossier, on continuera comme avant. C'est le modèle du bilan de compétence qui fonctionne ainsi depuis 1990. Qui d'ailleurs peut prétendre que plus de 20 ans d'agrément des prestataires par les OPACIF ont garanti la qualité des bilans de compétences alors que l'Etat et les partenaires sociaux ont fait le diagnostic que les bilans étaient le plus souvent de qualité insuffisante et ont du coup créé le Conseil en évolution professionnelle ?
Pilote non certifié (et sans permis)
effectuant un dépassement de qualité
Soit les financeurs entreront dans le jeu du tri sélectif, avec une base juridique de piètre qualité, des critères mal définis et l'on aura des contentieux à répétition et de l'argent de la formation qui financera des procédures et des dommages et intérêts.
Comme on le voit, dans les deux cas, la qualité est bien servie. Mais si quelqu'un a une lecture différente du décret et des raisons de se réjouir, surtout n'hésitez pas à m'en faire part ! c'est souvent dans la contradiction (ah la dialectique...) que l'on gagne en qualité.
00:59 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : qualité, formation, règlementation, droit, organisme de formation, secret, certification, éducation, emploi, politique
Commentaires
Bonjour,
Je me suis fait les mêmes réflexions. J'ajouterai que la durée de confection de ce décret traduit l'embarras de ses rédacteurs tout-à-fait conscient du caractère "casse-cou" de la démarche. Mais cet exercice lui a été imposé malencontreusement par le législateur.
Je pense que le contrôle qualité est une mission quasi impossible si l'on part du principe qu'il n'y a guère que le contrôle pédagogique qui fasse sens.
Le champ des formations possibles et le niveau de celles-ci est trop important. Cela va des formations "classiques" proches de celles qui se font dans l'éducation nationale aux formations ultra pointues dont certaines ne sont ni plus ni moins que l'exposé de recherches universitaires.
La solution du site internet évoquée avant-hier me paraît présenter quand même pas mal d'inconvénients faute d'objectivité des personnes amenées à intervenir sur le site.
Les plus mécontents seront ceux qui auront été "largués" ; par ailleurs, pour un même formateur et une même formation, cela peut très bien fonctionner pour un groupe et au contraire être un échec pour un autre sans que la qualité elle-même soit en cause. Sans compter la mauvaise foi : le dénigrement pour des raisons peu avouables existe.
Maintenant, il est fort possible que ce décret ait vocation à n'être que purement formel. Il n'aura pour seul mérite que celui d'exister. Il fera illusion, sans plus.
Un pouvoir discrétionnaire est toujours délicat à exercer :
Détournement de pouvoir, erreur manifeste d'appréciation...Les "administrativistes" qui manipulent quotidiennement ces notions savent que ces vices ne sont pas rares.
Si contrôle il y a, il se limitera aux cas flagrants. On imagine mal un maçon faire cours sur de la physique nucléaire...
Écrit par : bcallens | 03/07/2015
La boucle est bouclée, avec 1 an de retard tous les décrets sont donc parus. En 2016 on pourra réfléchir à mettre en oeuvre cette réforme, en 2017 on communiquera donc vers les salariés et si tout va bien en 2020 on pourra (re)commencer à (se) former en France.
Le pays, ses entreprises et ses travailleurs auront-ils gagné quoi que ce soit au change ? Il est permis d'en douter.
Écrit par : cozin | 03/07/2015
Je partage votre sentiment Bruno - le problème avec des sites comme Tripadvisor pour juger de la qualité d'une prestation est l'énorme latitude qu'il y a à manipuler les résultats. Ca devient un vrai problème sur ces sites. Un prestataire concurrent peut payer des gens pour dénigrer un autre, ou faire poster des commentaires hagiographiques sur lui-même (cas le plus probable). Qui contrôlera? Un prestataire ou un formateur peut également faire pression sur les stagiaires pour obtenir de bons résultats, ce qui n'est pas sain. Par ailleurs, seule une partie des utilisateurs fait des commentaires, ce qui peut invalider les résultats.
Autre cas - un stagiaire mécontent pour des raisons subjectives ou de mauvaise foi, qui peut incendier un prestataire et ruiner injustement sa réputation.
L'idéal serait un processus encadré commun à tous les OPCA avec plusieurs indicateurs de performance sophistiqués (existence et respect des procédures, déroulement dans le temps prévu/réalisé, complétude du programme et des travaux demandés, résultats de tests de progression et de mémorisation, évaluation à chaud et à froid, appréciation des formateurs, mesures d'accompagnement et de réactivité, autoévaluations du stagiaire, interrogation de l'hiérarchie...), complété par un service de contrôle compétent et objectif qui pourrait mener des enquêtes.
Mais qui a les moyens de le faire? L'état va-t-il mettre en place un service qualité capable de contrôler des prestations très diverses de 15.000 organismes? Les OPCA, Pole Emploi ou les Régions ont-ils les moyens de le faire? Ne rêvons pas.
Donc effectivement ce sera le label de qualité qui fera foi. Celui-ci garantit (un peu) le respect et l'existence de certaines procédures et des profils des intervenants, mais est plutôt muet sur la qualité pédagogique et les résultats.
Autre problème dans les langues, on a dans la conception même de la certification rendu tout contrôle des résultats aléatoire. Il y a obligation de passer un test en fin de formation, mais pas au début. La progression n'est donc pas mesurable.
Franchement, le problème de qualité ne vient pas que du manque de procédures, mais surtout, dans beaucoup de cas de formation en entreprise, du désintérêt des acheteurs pour les résultats réels. Les entreprises envoient leur personnel en formation pour des raisons très diverses, qui n'obéissent pas toujours à une logique d'investissement. Souvent aussi, ils mettent en place des formules qui n'ont aucune chance de produire des résultats, car les moyens ne sont pas suffisants. Ainsi dans les langues on a vu des parcours de 10, voire de 5 heures, avec Toeic au début et à la fin. Si les résultats ne sont pas au rendez-vous, est-ce la faute du prestataire? Que se passe-t-il lorsque c'est l'apprenant lui-même qui entreprend une formation pour des raisons autres que se former? Je pense que dans ce cas, c'est la responsabilité de l'entreprise de vérifier la qualité des prestations. Comme disait un certain Jack Welsh, la qualité c'est la satisfaction du client.
Je ne vois pas trop le rôle d'un OPCA dans ce cadre-là, sauf peut-être pour les petites PME, ou pour leurs propres actions collectives.
Écrit par : Andrew Wickham | 06/07/2015
Un peu de news:
Au niveau des défaillances d'organismes de formation, j'ai calculé les statistiques 2014 en comparaison de ceux de 2015. Le verdict est clair :
En prenant la dénomination 8559 (enseignements divers, qui comprend surtout des organismes de F.P.) on a les chiffres suivants:
2014 janvier à fin juin : 111 organismes, dont 53 de > 500 k€
2015 janvier à fin juin : 183 organismes, dont 123 de > 500 k€
Progression des défaillances donc de 67%
Ces stats n'incluent pas les procédures de sauvegarde (dont un très gros OF en juin).
jpw, allez-vous bientôt poster les stats du CPF? Emanuelle Wargon a déclaré qu'il y a eu 6000 CPF validés en juin. 12% de juin 2014 donc. mais pas de détail. Thanks!
Écrit par : Andrew Wickham | 06/07/2015
La formation est un service, comme la restauration ou l’hôtellerie et la qualité pourrait parfaitement être jugée par les utilisateurs (entreprises comme stagiaires) Les quelques erreurs ou notations de mauvaise foi seraient à relativiser (comme c'est le cas sur booking ou Ebay par exemple) et de toute façon dans une société ouverte et libre une entreprise doit être capable de recevoir des critiques et d'y répondre (y compris quand elles sont de mauvaise foi).
Par aillers, comme vous le soulignez très bien, pour noter la formation et les OF encore faudrait-il vraiment prendre au sérieux la formation. Ce qui se passe aujourd'hui prouve que pour beaucoup d'entreprises la formation n'était qu'une taxe, une charge que Michel Sapin a réduit en 2014 fort malencontreusement, qu'il y ait des résultats ou non est souvent secondaire (pour les salariés aussi).
Partout on nous remonte la baisse de qualité du travail effectué par les entreprises françaises (dans le bâtiment notamment). Les salariés sont mal et peu formés (ne parlons pas des normes basse consommation) et le monde du travail n'est pas du tout prêt pour une société épargnant les ressources naturelles et diminuant notre impact écologique.
Écrit par : cozin | 06/07/2015
Notre pays n'a jamais considéré la formation comme un service aux entreprises mais comme une taxe effectivement ! Les raisons : idéologiques, politiques, syndicales ? Qui est aux commandes de la formation depuis 4 décennies ? Un membre de la FFP me disait récemment " La loi sur la formation ? Un habillage d'un donnant /donnant Hollande /Gattaz, moins de charges pour moins de chômeurs" On ne peut pas dire que le résultat soit probant à ce jour.
Pour avoir travaillé dans un OPCA dans mes vertes années, je peux témoigner de l'immobilisme de ces Machins à générer du papier et du manque d'intérêt aussi bien des entreprises et des salariés (DIF, CIF, CPF, CTF... ). Aucune de ces mesures n'a jamais vraiment fonctionné, soyons réalistes. Mais un marché existe pour ceux qui ont compris que l'heure est aux partenariats et au partage basés sur la complémentarité et pas en France uniquement. Je crois que la période de l'OF qui fait son petit business dans son coin est (malheureusement ?) révolue et qu'il faut intégrer que nous sommes arrivés au point de rupture : c'est le big bang ! Logique pour un marché basé sur la législation. Encore faut-il qu'on ne nous empêche pas de travailler ! Au fait, qui est le très gros OF en procédure ?
Gardez le moral (et le sourire) chers confrères.
Écrit par : SYLVAIN | 06/07/2015
Les problèmes de la formation commencent dès l'école. Cette dernière est en panne depuis 30 années.
Par la suite les problèmes éducatifs demeurent évidemment.
Pour le CPF, le marchandage (sur le dos des salariés) a été le suivant : on abandonne le DIF et en échange vous nous donnez le 1% pour nos pauvres (les chômeurs sans avenir).
Il fallait s'appeler la CFDT pour ne pas comprendre qu'on allait déshabiller Pierre pour (mal) rhabiller Paul (Emploi)
Toutes les négociations sociales sont ainsi des jeux de dupes, tout le monde connaît les vrais enjeux et pour le CPF chacun savait qu'il ne marcherait jamais. Pendant 2 ans le pouvoir politique a pu donner le change et tenir les médias en haleine.
Écrit par : cozin | 06/07/2015
En effet - les vrais enjeux de cette réforme mathématiquement impossible ne sont pas celles qui ont été annoncées. Coup de billiard à trois bandes...
Sylvain, je ne mentionne jamais publiquement le nom des organismes en sauvegarde ou redressement. Cela pourrait, si les clients ou concurrents étaient alertés, hâter leur chute. J'ai vécu cela, je ne le souhaite à personne.
Par ailleurs, un nouvel organisme de formation linguistique vient de passer en liquidation judiciaire. CA entre 1 et 1,5 m €. Et des formateurs et cadres que je connais bien vont maintenant pointer à pôle Emploi. Superbe résultat....
Écrit par : Andrew Wickham | 07/07/2015
La réforme de la formation n'est pas une réforme (en tout cas elle va en dégouter tous les acteurs de la formation, salariés compris), elle aura simplement servi
- au Medef qui souhaitait liquider le DIF (trop de risques financiers et sociaux s'il était un jour demandé)
- au Gouvernement pour faire de la communication positive (la courbe du chômage ne s'inverse pas mais on va vous sécuriser comme vous ne l'avez jamais été :-)
- à des syndicats croupion pour faire croire qu'ils sont proches des préoccupations des travailleurs
A la fin de l'expérience politique démarrée en 2012 nous aurons perdu peut être un million d'emplois, la formation tout au long de la vie et beaucoup d'autres richesses qu'une décennie d'efforts ne pourra reconstituer (pendant que nous nous battons pour survivre à la connerie les autres pays progressent et se développent)
Écrit par : cozin | 07/07/2015
Bonjour à tous,
Petites précisions quand au PDF de commentaires sur le décret qualité dont je partage une grande partie de son contenu.
Il est à rappeler que "le contrôle administratif et financier des dépenses et activités de formation porte sur l'ensemble des moyens financiers, techniques et pédagogiques, à l'exclusion des qualités pédagogiques, mis en oeuvre pour la formation professionnelle continue.
Ce contrôle peut porter sur tout ou partie de l'activité, des actions de formation ou des dépenses de l'organisme.
Les agents de contrôle peuvent solliciter, en tant que de besoin, l'avis ou l'expertise d'autorités publiques ou professionnelles pour les aider à apprécier les moyens financiers, techniques et pédagogiques mis en œuvre pour la formation professionnelle continue."
Article L6361-3
Modifié par LOI n°2014-288 du 5 mars 2014 - art. 34
Il est donc important de préciser que sur ce 3° critère, il s'agit de vérifier que les mentions obligatoires du programme sont satisfaites (explicitation des moyens et non des méthodes pédagogiques notamment), rien de bien nouveau sous le soleil en effet...
Par contre, il me semble nécessaire ici de souligner le chevauchement du 4° critère "La qualification professionnelle et la formation continue des personnels chargés des formations" avec l'article de loi pré-cité.
Un DECRET viendrait donc chatouiller l'exclusion explicite de la LOI du contrôle des qualités pédagogiques du formateur ou alors retombons-nous mollement à nouveau dans la satisfaction des mentions et de la cohérence du programme légalement pré-établit ?
Il me semble également pertinent de souligner qu'en même temps que le décret est paru, un délai de mise en conformité des financeurs face à cette nouvelle exigence de contrôle leur a été attribué (de 18 mois, soit jusqu'en 2017). D'ici là le soufflet a le temps de retomber et il est urgent de communiquer ce délai à tous les formateurs qui balisent de se faire manger "tout cru".
Un dernier point et puis s'en va : pour le 4° critère il existe une seule obligation de formation à destination des formateurs : celle, bien méconnue, de se former à l'égalité professionnelle. (Art. D6112-1 du code du travail Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008).
Formatrice spécialisée en formation professionnelle, je constate auprès de chacun de mes clients, expérimenté ou non, gros ou petit, qu'il y a un décalage entre ses obligations, ses droits et sa pratique.
A mon sens, le décret qualité aurait pu avoir une vertu : focaliser l'attention des OF sur le respect de la loi qui leur est applicable, éparpillée dans divers codes et faire le point sur sa pratique.
Malheureusement, cela n'est pas perçu comme tel par les financeurs comme les "certificateurs" qui crient au loup et agitent des épouvantails "qualité vs financement" alors qu'il y a peu de modifications à avoir au quotidien pour avancer dans l'esprit de la loi.
Écrit par : Eléonore Ribaltchenko | 27/07/2015
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