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13/01/2010

Désespoir de la chimère

Le DIF est une chimère, au sens premier du terme, c'est à dire un hybride, autrement dit un monstre. Pourquoi ? parce qu'il est de nature multiple : droit du salarié mais nécessitant l'accord de l'employeur, crédit mais sans valorisation financière, individuel mais géré dans le cadre d'une politique collective, etc. Cette ambivalence est d'ailleurs une des causes de son lent développement par difficulté d'appropriation par chacun des acteurs. La culture de la négociation et de l'ambivalence n'est pas dominante dans notre société de la recette, du mode d'emploi et de l'unilatéral. Le DIF outil de créativité ? mais oui et cela pourrait être un thermomètre plus efficace qu'il n'y paraît : dites-moi comment votre entreprise, votre DRH et les salariés se sont appropriés le DIF et je vous dirai le potentiel de créativité de votre organisation. Schématique ? pas si sur, essayez !

Mais les partenaires sociaux et le législateur pourraient bien avoir, avec la portabilité, désespéré la chimère et porté un coup que l'on n'espère pas fatal, au DIF.

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Alexandre Seon - Le désespoir de la chimère

De quoi s'agit-il ? de la mise en oeuvre de la portabilité. Rappelons le principe : tout salarié qui quitte l'entreprise dans le cadre d'une rupture ouvrant droit à l'assurance chômage voit son crédit DIF restant transformé en budget pour financer une formation., un bilan de compétences ou une VAE. Le budget est égal à 9,15 € fois le solde d'heures  soit une somme variant de 183 € (20 h) à 1098 € (120 h). Pas de quoi financer une formation intensive en japonais à Tokyo, on en conviendra (Oui, je sais, le Japon est passé de mode, mais raison de plus pour aller y faire un tour). Le paiement de cette somme est assuré par l'OPCA de l'ancienne entreprise pour les demandeurs d'emploi, et par l'OPCA de la nouvelle entreprise pour les salariés. Et c'est ici que les spécialistes, c'est à dire les gens qui font le même métier que moi, se divisent. Pour certains l'OPCA n'a pas le choix et doit payer. Pour votre serviteur, un peu seul pour l'occasion mais confiant dans ses arguments, l'OPCA n'est jamais tenu de payer et ne peut et ne doit le faire que dans le cadre d'une politique qu'il définit et avec des moyens qu'il alloue. Une des raisons est que le financement sur les fonds de la professionnalisation ne pourra se faire que de manière limitée puisqu'il faut déjà financer le DIF de droit commun, les périodes de professionnalisation, les contrats de professionnalisation, etc. Un doute subsistait toutefois : peut être le nouveau Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) allait-il garantir toutes ces créances et permettre de solvabiliser la portabilité ? le doute est levé : dans l'accord négocié le 12 janvier 2010 les partenaires sociaux ne prévoient pas de mécanisme général de garantie de la portabilité (contrairement d'ailleurs aux dispositions de l'ANI du 7 janvier 2009) et ils n'accordent de crédit à ce titre qu'aux OPCA qui par ailleurs financent majoritairement des contrats et périodes de professionnalisation diplômant ou certifiants. Des critères restrictifs donc qui, mécaniquement, rendront impossible le financement systématique de la portabilité par tous les OPCA. D'où le désespoir de la chimère, et de certains spécialistes.

Commentaires

Bonjour,

Je me sens un peu visé par ce que vous dites...

Je conçois parfaitement que les ressources des OPCA ne sont pas indéfinies...

Comme vous l'avez dit, en cas de "portabilité", le DIF qui s'exprime normalement en "temps-formation" (x heures) est converti en un budget-formation (x euros) calculé au moyen d'une formule de calcul très simple, budget regardé comme étant l'équivalent monétaire du crédit d'heures précédemment acquis.

En fonction de ce crédit d'heures, cette somme est fixe et connue à l'avance : Si vous disposez par exemple de 100 heures, ce sera 915 euros, pas un centime de moins et pas un centime de plus...

La question qui se pose est d'abord avant tout une question de principe : Les OPCA pourraient-elles juridiquement refuser pour des motifs autres que des motifs purement financiers ?

Personnellement je ne le pense pas...

Écrit par : NOVATEM | 13/01/2010

De mille désespoirs mon cœur est assailli …C’est d’autant plus vrai qu’il suffit simplement de lire la loi !

L’article L. 6323-8 du Code du travail est très clair :« Lorsque le salarié en fait la demande auprès d’un nouvel employeur, au cours des deux années suivant son embauche, la somme permet de financer soit, après accord de l’employeur, tout ou partie d’une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation, soit, sans l’accord de l’employeur, tout ou partie d’une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation relevant des priorités définies au premier alinéa de l’article L. 6323-8. »

Qui dit priorités…dit financement non systématique de la portabilité par tous les OPCA.

Vous voyez M. Willems, vous n’êtes pas seul à tenir cette argumentation…

Écrit par : Fethi Fouzi | 14/01/2010

Merci Mr Fouzi de ce soutien qui me rend moins seul, même s'il renforce le désespoir de la chimère.

On pourrait également, pour les demandeurs d'emploi, relever que si le financement était systématique, l'avis du Référent de Pôle Emploi prévu par la loi n'aurait pas beaucoup de sens

Écrit par : jpw | 14/01/2010

Bonjour,

Vous avez mal lu...D'abord, c'est l'article L6323-18...Mais ce n'est pas grave.

Comme vous pouvez le constater, ce texte prévoit une alternative.

Et je vous ferais observer que le respect des priorités auxquelles vous faites allusion ne vaut que pour la seconde branche de l'alternative, c'est-à-dire l'hypothèse dans laquelle le (second) employeur manifeste son désaccord sur la proposition du salarié.

Mais si l'on prend maintenant la première branche de l'alternative, c'est-à-dire l'hypothèse où le (second) employeur exprime son accord sur la proposition du salarié, la question serait donc de savoir si ce dernier pourrait quand même se voir opposer un refus émanant, lui, de l'OPCA...

Il ne faut pas oublier non plus que la possibilité de refus de l'OPCA ne peut résulter, si je ne m'abuse, que de l'application d'un simple décret (intervenu dans un autre contexte ), qui même s'il n'a pas le DIF pour objet aurait tout de même pour effet d'ajouter une condition à la loi, ce qui est tout de même problématique.

Quant à l'avis du référent auquel il est fait allusion, il ne pourrait avoir que la valeur d'un simple conseil...

Écrit par : Bruno Callens | 14/01/2010

M. Bruno Callens,

Je vous invite à lire l’objet de l’amendement rédigé par un certain sénateur du nom de Carle et qui a donné naissance à ce fameux alinéa premier du 1° de l'article L. 6323 18 (et non pas L. 6323-8 comme vous l’avez brillamment souligné) du code du travail.

Je cite (le copie collé est très utile):

"Cet amendement prévoit que, lorsque l'employeur et le salarié sont en désaccord sur l'utilisation du DIF portable, le salarié peut malgré tout mobiliser son DIF portable pour bénéficier d'un bilan de compétences, d'une VAE ou d'une formation dans les domaines prioritaires de la branche à laquelle son entreprise appartient. L'amendement préserve ainsi l'équilibre du DIF : formation choisie par le salarié, mais qui ne doit pas être dépourvue de tout lien avec l'entreprise "

Si vous êtes d’accord sur ce que vous appelez «la seconde branche de l'alternative" (M. Willems doit se sentir de moins en moins seul !), nous pouvons passer à la première branche de l’alternative, c'est-à-dire l'hypothèse où le nouvel employeur exprime son accord sur la proposition du salarié.

Selon vous, dès lors que l’entreprise accepte une demande de DIF « portable », celle-ci aurait la garantie d’obtenir une prise en charge à hauteur de 9€15 multipliés par les heures DIF « portables », et cela même si l’action demandée n’entre pas dans les priorités de la branche.

Autrement dit, l’employeur en tant que codécideur aurait un "droit de tirage" sur cette somme alors que le salarié en tant que seul décideur devra respecter les priorités de la branche pour obtenir la "somme DIF portable".

Si en héraldique, la chimère est un animal fabuleux à corps de lion à tête et buste de femme, classée dans les figures imaginaires, malheureusement mon imagination n’est pas assez créatrice pour tenir ce type de raisonnement….d’où le désespoir !

Écrit par : Fethi Fouzi | 14/01/2010

Bonjour,

Au-delà de cette discussion (qui risque de se poursuivre), je pense quand même qu'il faut faire attention à ne pas se tromper sur la nature même du DIF.

Le rôle de l'interprète (et donc de la jurisprudence) est de faire en sorte que soit "gommé", dans la mesure du possible ce qui peut être considéré comme des contradictions ...Et certaines ne pourraient être qu'apparentes quitte à s'éloigner des intentions originelles des rédacteurs du texte. Un fois un texte publié, il leur échappe de toute façon.

En France, jusqu'à preuve du contraire, ce sont les tribunaux qui interprètent les textes et qui vont, in fine, en fixer le sens. Le problème est que, à ce jour, point de jurisprudence (à quelques exceptions près)...

A mon avis, le DIF, c'est deux choses :

D'abord, c'est l'affirmation d'un Droit ; c'est, ensuite, un ensemble de règles qui en fixent le régime juridique, c'est-à-dire des règles précisant les modalités de mise en oeuvre de ce (nouveau) droit.

Le problème est que, pour des raisons certes compréhensibles, on a pu s'emparer de certaines règles de ce régime pour les interpréter de manière à réduire la portée de ce nouveau droit , voire à le nier, le réduire au rang de faveur...

Ce discours ressemble d'ailleurs un peu à cette publicité que l'on voyait naguère sur tous les écrans de télévision à propos de la boisson "canada Dry", boisson qui ressemblait à de l'alcool, avait l'aspect de l'alcool...Mais qui n'était pas de l'alcool.

Ici, on aurait un peu la même chose : Le DIF ressemble à un droit, le législateur précise bien qu'il s'agit d'un droit, mais en définitive, c'en est pas vraiment un...

Normalement et en raison d'un principe d'interprétation traditionnel, connu sous une forme latine, on aurait du partir du principe (le droit) et en tirer ensuite toutes les conséquences, dont la première est d'interpréter certaines règles, relevant de son régime juridique, notamment tout ce qui est exceptions, obstacles ets conditions de manière stricte c'est-à-dire en réduisant au maximum leur portée afin précisément de revenir au principe...Et bien entendu, pas d'exceptions sans texte, et pas de raisonnement par analogie...

La nécessité de l'accord de l'employeur n'est pas nécessairement contradictoire avec l'idée d'un droit "à" la formation si l'on considère, en s'appuyant sur le second alinéa de l'article L6323-10 et surtout sur L6323-12 (je n'invente donc rien) que le refus de l'employeur ne peut être l'expression que d'un désaccord sur le choix de l'action de formation (je souligne le "que")...

Bien évidemment, "choix de l'action de formation", c'est davantage que "choix de la formation" et les contours de cette notion demeurent incertains et c'est à la jurisprudence de fixer les limites.

Mais,dans ce cadre, nous sommes bien en présence d'un droit "à" la formation, sa particularité étant qu'il s'exprime en "temps-formation" , la prérogative de l'employeur se limitant , le cas échéant, à pouvoir opposer un veto sur son utilisation concrète . On pourrait même définir le DIF comme un droit "à" la formation portant sur un volume d'heures assorti d'un droit de proposition du salarié quant au choix de l'action de formation. Le salarié a bien droit "à" une formation (il s'agit donc bien d'une créance ) sous la réserve que ce ne sera peut-être pas celle qu'il aurait souhaité à l'origine..

Je ne vois pas donc de contraction fondamentale entre l'accord de l'employeur et le droit "à" la formation du salarié .

A noter que la prérogative de l'employeur peut s'expliquer non pas seulement par le fait qu'il est le financeur à titre principal mais aussi par le fait que l'article L6321-1 lui fait obligation de veiller au maintien du salarié à occuper un emploi. En d'autres termes, en finançant le DIF, l'employeur s'acquitterait, au moins en partie, de cette obligation légale...

Quant au caractère "individuel" de ce droit, on pourrait également l'interpréter dans le sens d'un droit qui appartient en propre au salarié...

Bon, je m'arrête là...j'imagine que la base de données de ce blog n'est pas extensible à l'infini.

Écrit par : NOVATEM (Bruno Callens) | 17/01/2010

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