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01/04/2015

Aptitude ou compétence

Il y a quelques années, en proie à une crise soudaine d'épilepsie, un conducteur a perdu le contrôle de son véhicule et percuté un abribus tuant des enfants qui attendaient là. Le lendemain, coup de fil d'un client, gérant d'un hippodrome :

"J'ai un jardinier qui est épileptique. Qu'est-ce que je peux faire ? je n'ai pas envie qu'il arrive la même histoire quand il est sur un tracteur ou qu'il manipule une tronçonneuse...

- tu l'envoies à la médecine du travail...

- et s'il est déclaré apte...

- et bien il est apte et tu le laisses travailler".

Il y a quelques mois, courriers reçus par une société qui assure des transports scolaires en zone rurale et qui emploie des retraités pour ces activités à temps très partiel. Des parents se plaignent de chauffeurs trop vieux. Le RH m'appelle :

"Je leur réponds quoi aux parents qui me disent qu'ils ont peur que les chauffeurs n'aient plus les réflexes nécessaires ? 

- que les chauffeurs sont compétents et aptes médicalement et que l'âge on s'en fout...

- T'es marrant toi, je vais te les envoyer, tu verras si c'est si facile...".

suicide_1930.jpg

Man Ray - Suicide - 1930

Les évènements à forte dimension émotionnelle ne sont jamais les meilleurs moments pour prendre des décisions. C'est vrai pour les lois de circonstances, rarement utiles et encore moins souvent efficaces, et c'est vrai aussi pour les mesures de sécurité décidées dans l'urgence et au cas par cas, ce qui en limite la portée et l'efficience. Le crash de l'A320 de la germanwings, comme tout évènement de ce genre, conduit à perdre de vue l'essentiel, que le droit du travail nous rappelle : si l'appréciation des compétences est du ressort de l'employeur, l'appréciation de l'aptitude relève, pour des raisons à la fois de légitimité et de confidentialité, du médecin. Un employeur n'a pas à être informé sur la santé physique et mentale des salariés. Seul le médecin peut l'être et il est de sa responsabilité d'en tirer des conséquences sur l'aptitude professionnelle. Exiger de l'employeur qu'il s'assure, par divers moyens, de la santé mentale de ses salariés, c'est la porte ouverte à tout, et surtout à n'importe quoi. 

Commentaires

A l'éducation nationale, selon la mutuelle des profs près d'un enseignant sur 3 est en situation de burn out, peut être 20 % des enseignants ont des problèmes de santé mentale (et quand on sait ce qui se passe dans les classes on peut le comprendre) mais le ministère (qui n'a pas de médecine du travail) fait le gros dos en pensant à autre chose.
En France on a tendance à penser que ce qui ne se voit pas (un salarié devenant fou) n'existe pas, on dépense bien plus d'argent dans la santé physique que dans la santé mentale (une jambe cassée est plus spectaculaire qu'un esprit fracassé).
Le Code du Travail fait grandement l'impasse sur la maladie mentale.
Le compte pénibilité ne prend justement pas en compte le stress et le burn out de certaines professions, on reste dans une vision très XIX ème siècle de la mine de Zola.

Écrit par : cozin | 01/04/2015

Oui et non. La notion de santé mentale est entrée dans le code du travail en 2002 et a généré le développement des risques psychos-sociaux. Ceci pour le Oui. Pour le Non, effectivement la pénibilité demeure très immédiatement physique et l'épuisement professionnel n'est pas pris en compte. Mais c'est aussi faute de pouvoir l'objectiver puisqu'il ne s'agit pas de constater un état de santé mais de faire le lien avec le travail. Et dans un pays qui est le champion des antidépresseurs, on ne peut pas non plus tout mettre sur le dos de l'activité professionnelle.

Écrit par : jpw | 01/04/2015

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