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03/04/2013

Des lieux et des hommes

J'étais déjà venu au 19 Bergasse, à Vienne, dans l'appartement que Freud occupa jusqu'en 1938 avant son départ pour Londres. La rue était pavée. De gros pavés rebondis sur lesquels au début du siècle claquaient les fers des chevaux et les roues des fiacres. Des tambourins immuables plaqués au sol. J'avais déjà vu l'oeil de boeuf énorme qui accueille le visiteur sur le palier. J'avais fait jouer l'obturateur à l'intérieur. J'ai recommencé.

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A l'intérieur, je me faisais un plaisir de retrouver le bureau avec les statuettes, le divan, en face du bureau sur sa droite, les étagères chargées de fétiches, objets, statuettes encore, tout un fatras digne d'un cabinet de curiosités. Je constatai que l'on n'entrait plus dans l'appartement par la porte dévolue aux patients, mais par celle réservée à la famille. Agrandissement du musée oblige. Je traversai rapidement les pièces muséales pour aller dans le vestibule puis la salle d'attente.

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Elle ne s'inscrivait pas tout à fait ainsi dans mon souvenir, mais passons à l'essentiel : le bureau ! stupeur en entrant dans la pièce, vide de tout meuble, de tout objet, et dont les murs sont recouverts de photos à l'échelle figurant le bureau dans sa configuration d'avant-guerre. Mais pourquoi donc avaient-ils sortis le bureau et les objets de Freud ? je plongeais dans la documentation remise à l'accueil et découvrit, stupéfait, que le bureau et les statuettes n'avaient jamais été exposées à Vienne. Freud avait évidemment tout emporté à Londres lors de son départ, et ce qui a été préservé s'y trouve encore. Je regardai alors les photos, du bureau de Vienne, de celui de Londres, aucun ne ressemblait à celui de mon souvenir. Ni de près ni de loin. Et ce bureau imaginaire, tel que j'ai cru le voir il y a plus de vingt ans, et auquel j'ai si souvent repensé et que j'ai revisité par la pensée, n'a aucune traduction matérielle. J'aurai pourtant parié plus d'un tonneau de Margaux sur sa présence et sa configuration. Un peu abasourdi, je quitte les lieux, mais en sortant  la sonnette attire mon attention.

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Kafka voisin de Freud ? Me demandant s'il s'agit d'une blague de potache, je retourne voir les boîtes aux lettres, dans le hall de l'immeuble.

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Gertrude Kafka, pas de Franz à l'horizon, simple coïncidence amusante. On aurait pu en rester là. Mais en relisant comment le jeune Hitler construisit, pendant ses années viennoises, son antisémitisme et sa quête du pouvoir, je découvre que la femme du médecin juif d'Hitler, Eduard Bloch, s'appelait Kafka. Et qu'ils eurent un enfant, une fille, prénommée Gertrude. Née en 1903, elle a vécu aux Etats-Unis où elle est décédée en 1992. Clin d'oeil de l'histoire donc. Mais ce hasard là, ajouté au bureau imaginaire, me conduit à penser qu'il y eût entre Freud et l'appartement du 19 Berggasse, une rencontre qui rendit possible l'invention de la psychanalyse.

 

NB1 : je raconte l'histoire à Michèle Boumendil. Elle me rassure : tu ne t'es pas trompé. Le bureau et les statuettes étaient là. Je les ai vus ! du coup j'ai vérifié et revérifié. Jamais le bureau ni les objets ne sont revenus de Londres. Bienvenue chez le docteur Freud Michèle !

NB2 : les psychanalystes ont beau nous avoir prévenu, on continue en France à considérer que les deux preuves pénales les moins contestables sont l'aveu et le témoignage, ces sables mouvants.

Commentaires

S'agirait-il d'une hallucination collective ?... Je te confirme qu'il y avait bien un bureau il y a 25 ans, avec sous-main en cuir vert, stylos-plumes et tutti quanti !!!... Je me souviens même d'un alignement de petites statuettes grecques sur le bureau !!!...
"L'affaire du bureau de Freud" peut commencer !...

Écrit par : Alain Garrigue | 07/04/2013

C'est bien ce que j'ai vu. C'était en 1990. Mais j'ai beau rechercher, aucune trace. Ni photo que j'aurai prise, ni document public, ni témoignage, que dalle, nib, nichts, wallou, que tchi ! il va falloir que tu te remettes à la BD, je crois que tu n'as pas le choix...

Un abrazo.

jp

Écrit par : jpw | 08/04/2013

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