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05/02/2009

Liberté et responsabilité

La date avait été choisie symboliquement : la loi Auroux du 4 août 1982 souhaitait règlementer les libertés dans l’entreprise, comme la loi du 4 août 1792 avait aboli les privilièges. Il s’agissait, moins que de privilèges, de réglementer l’arbitraire patronal et de faire du salarié un citoyen dans l’entreprise. Il en est résulte cette formule, dont la tournure littéraire nous ramène au 18ème siècle dont l’esprit nous manque tant : un règlement intérieur ne peut contenir de dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

La Cour de cassation a de plus en plus recours à cette formule, notamment pour établir la frontière entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Le 12 novembre dernier, elle a jugé que les clauses de résidence, qui obligent le salarié à fixer son domicile dans une zone prédéterminée, n’avaient de validité que si la nature de l’activité imposait une telle sujétion (Cass. soc., 12 novembre 2008, n° 07-42.61). Elle vient plus récemment de décider qu’un règlement intérieur peut prévoir l’interdiction pour un éducateur spécialisé de recevoir à son domicile personnel les enfants dont il s’occupe à titre professionnel (Cass. Soc., 13 janvier 2009, n° 07-43.282). Cette restriction est justifiée par la nature de l’activité.

 

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Regnault - La liberté ou la mort - 1794

La question des libertés est toujours problématique, et l’on oublie parfois que le rôle premier du droit est d’en être le garant et non de contraindre. Contrairement à l’image qu’il a parfois, le juriste n’est pas celui qui empêche de faire, il est celui qui garantit que les libertés pourront s’exercer. Rappelons ces principes de base de la déclaration des droits de l’homme : la liberté est le premier des droits de l’homme (article 2) et tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché (article 5).


Pour en revenir à la décision de la Cour de cassation du 13 janvier 2009, le juge ne devrait pas oublier qu’en tant que gardien des libertés, il lui appartient de ne pas présumer la culpabilité de l’éducateur qui reçoit à son domicile et que cette restriction à l’entretien de relations personnelles au-delà de la vie professionnelle nous paraît problématique en ce qu’elle sanctionne un risque et non des faits. Et que le risque en question sonne comme une condamnation a priori. Soit l’exact inverse de la liberté qui seule permet que s’exprime pleinement la responsabilité. Sous couvert de bon sens, le juge nous paraît ici aller à contresens.