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15/01/2010

Oublions le mérite

Le mérite a bonne presse. Il est bon, sain et juste de récompenser le méritant. Dans le débat sur la sélection, l'issue est le mérite. Dans le débat sur les rémunérations, le salut est dans le mérite. Même les philosophes s'y mettent. Dans le dernier numéro d'Entreprise et Carrières Yves Michaud l'affirme : "Il est impossible de se passer de la notion de mérite". Mais le philosophe nous donne une bien courte définition  du mérite en l'assimilant aux capacités et aux compétences. Le mérite est défini par le Littré comme une personne ou une chose digne de récompense ou de punition. Le mot vient du latin récompenser. Si parmi les sens possibles on trouve talents ou habiletés, le sens premier a donc trait à une reconnaissance par un système de valeurs. Et l'on s'aperçoit de la difficulté de rendre opérationnelle une telle notion. On pourrait en juger à partir d'un exemple rapporté par Florence Noiville dans son ouvrage "J'ai fait HEC et je m'en excuse". Elle relate la discussion animée entre une étudiante issue d'un milieu peu argenté et un étudiant  fils d'une grande famille bourgeoise. Ce dernier s'attribue un mérite supérieur à celui de l'étudiante. Pour elle intégrer HEC est une promotion sociale telle que les efforts fournis pour passer le concours sont moins méritants que les siens, dont l'avenir était largement assuré par ailleurs et qui aurait donc pu se dispenser des efforts consentis. La relativité du mérite est un abime sans fond. Quel est le mérite de Samson qui tire sa force de sa chevelure et subit les châtiments de ses ennemis une fois ses cheveux coupés ? a-t-il mérité ses récompenses et sa punition ?


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Rubens - Samson et le Lion
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Lovis Corinth - Samson aveugle

Et dans un léger réflexe juridique, on se demande ce que dit le droit : reconnaît-il le mérite ? pas vraiment puisque la déclaration des droits de l'homme de 1789, qui fait partie intégrante de la Constitution, nous assure que les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune (La légion d'honneur étant une distinction sociale, il faudra expliquer certaines utilités) et que l'accès aux dignités et fonctions s'effectue selon les capacités, talents et vertus. De mérite point. Car n'en déplaise à Yves Michaud, mes capacités et qualités ne dépendent  pas que de mon mérite personnel, mais également de ma nature et de l'environnement dans lequel elle s'est développée dans une indissociable alchimie. Alors oublions le mérite et son ordre moral et religieux et une fois l'écran de fumée du mérite balayé par un vent salubre, nous pourrons  nous intéresser de manière un peu plus factuelle et pragmatique à ce que notre société, et les sociétés, s'attachent à reconnaître et récompenser.

Commentaires

Bonjour,

Au-delà de ce billet intéressant sur la notion de "mérite", une petite observation sur la déclaration des Droits de l'homme dont il est fait état à la fin (cela me changera du DIF...)

Ce texte a été bien évidemment écrit dans un contexte historique particulier et l'interprétation que nous en donnons aujourd'hui (et les conséquences que nous en tirons) est très différente de celle qu'en donnait les rédacteurs de ce texte ; ces derniers seraient probablement très étonnés du sens que nous lui attribuons aujourd'hui...

Avant la Révolution , la société était structurée, comme chacun sait en "ordres" dont deux étaient privilégiés : La noblesse et le (haut) clergé.

Or, ces "distinctions sociales" étaient devenues, à la fin de L'Ancien Régime, illégitimes car elles n'étaient précisément plus fondées sur le "mérite", ce qui n'était pas le cas au Moyen Age.

Souvenons-nous de cette célèbre formule de Beaumarchais dans le Mariage de Figaro très caractéristique (la tirade de Figaro (acte 5 scène 3 : "
Noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. Du reste, homme assez ordinaire ; tandis que moi, morbleu ! perdu dans la foule obscure, il m’a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu’on n’en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes…

(Au passage, ce qui me gêne dans l'intégration effectuée par le Conseil Constitutionnel de la Déclaration des Droits de l'homme et du Citoyen dans le "bloc de constitutionnalité", c'est qu'il s'agit d'un texte historique...Or, même si cela peut se concevoir d'un point de vue juridique, ce statut le rend quasiment à l'abri de toute tentative de modification, ne serait-ce que pour l'adapter aux réalités contemporaines.

Écrit par : NOVATEM | 16/01/2010

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