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14/12/2010

De l'inconvénient d'avoir plusieurs chambres

Eric Rohmer avait choisi de compléter le titre de l'un de ses films, "Les nuits de la pleine lune", par un très moral proverbe champenois : "Qui a deux femmes perd son âme, qui a deux maisons perd la raison". Est-ce le fait d'avoir plusieurs chambres qui a fait perdre à la Cour de cassation le fil du raisonnement ? on peut le craindre en prenant connaissance d'une décision rendue le 9 décembre dernier. La deuxième chambre civile condamne un représentant du personnel a rembourser à la sécurité sociale les indemnités journalières perçues pendant un arrêt maladie. Motif ? le salarié a continué à exercer son mandat, certes en dehors de ses heures obligatoires de présence à domicile, mais la Cour a jugé que les heures de délégation, assimilées à du temps de travail effectif, constituaient une activité non autorisée et donc incompatible avec l'arrêt maladie. Surprise lorsque l'on sait que la Cour de cassation, mais la chambre sociale, a toujours jugé que la suspension du contrat, y compris la maladie, ne suspend pas le mandat. Et que la Cour de cassation toujours, mais la chambre criminelle, a déjà condamné pour délit d'entrave un employeur qui n'a pas convoqué un membre du comité d'entreprise à une réunion au motif qu'il était en arrêt maladie. Voici donc des chambres qui ne communiquent guère, ou plutôt qui ne se sentent pas liées par ce qu'il se passe dans la chambre d'à côté. Les juges ont trop de savoir vivre.

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Dorothea Tanning - La chambre d'amis

Plus exactement, chacun enfermé dans sa chambre juge à l'aune de son périmètre et se soucie peu de cohérence. A moins que le défaut de cohérence ne résulte plus naturellement de deux droits différents : le droit de la sécurité sociale et le droit du travail. En réalité, ce n'est pas la première fois qu'un tel conflit survient à propos de représentants du personnel qui exercent leur mandat pendant un arrêt maladie : le contentieux de droit du travail est favorable au salarié, pas celui de la sécurité sociale. Reprenons calmement :

1) L'arrêt maladie ne signifie pas que le salarié soit grabataire et doive s'abstenir de toute activité. Cela signifie simplement que l'état de santé est incompatible avec le travail, pas nécessairement avec tout travail. Une jambe cassée m'interdit de conduire un véhicule, pas de rédiger une chronique de droit du travail (je vais bien, merci, c'est un exemple).

2) Le mandat n'est pas lié au travail effectif. Il peut s'exercer pendant des temps de congés (congés payés, congé parental, etc.).

3) La question est plutôt celle du cumul d'indemnisation : peut-on cumuler des heures de délégation avec des indemnités journalières ? c'est ceci que censure la chambre civile et uniquement. Il ne faut donc pas conclure de la décision que les représentants du personnel ne peuvent exercer leur mandat pendant un arrêt maladie.

Que faire en pratique ? deux possibilités : ne pas rémunérer les heures de délégation au prétexte qu'elles ne peuvent être du temps de travail effectif étant incompatible avec l'arrêt maladie. Et le salarié conservera ses IJ. Le problème survient en cas d'accident du travail : c'était d'ailleurs le cas en l'espèce et la sécurité sociale refusa l'accident du travail. Deuxième solution : faire autoriser l'activité liée au mandat par le médecin traitant. Cela semble être la bonne solution. Dans une affaire jugé le 28 avril dernier, la chambre civile a rejeté le pourvoi (pour des raisons de forme certes) d'une caisse primaire contre la décision d'une Cour d'appel qui avait validé le fait qu'un salarié, à la fois musicien et enseignant, soit en arrêt de travail du fait d'une tendinite pour son activité de musicien mais poursuive ses activités d'enseignement dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique.

Et nous voilà donc conduits par le jeu cumulé des chambres, à demander aux médecins le droit de poursuivre, ou pas, l'exercice d'un mandat de représentation du personnel. Et que pense-t-on de cette solution dans les chambres ?