27/11/2014
Suivez le guide...mais le bon !
Le Ministère du Travail publie un guide pratique de la réforme de la formation professionnelle. Début d'une campagne de communication qui devrait s'intensifier dans les prochaines semaines, notamment à partir du début d'année. Tout document de ce type, il en va de même pour la communication des entreprises, constitue un exercice d'équilibre entre l'information et l'auto-promotion. Dont acte, c'est la loi du genre. Ce qui est plus gênant, c'est lorsque la partie informative comporte des erreurs manifestes qui relèvent davantage du parti pris que d'une analyse objective. Ainsi, il est indiqué p. 16 que les formations non qualifiantes visant l'adaptation du salarié à son poste de travail ne sont pas accessibles via le compte personnel de formation, les employeurs étant tenus, le cas échéant (on notera la formule : être tenu le cas échéant c'est ne pas être tenu...) de les mettre en place dans le cadre du plan de formation. Double erreur : d'une part le CPF comprend bien des formations non qualifiantes : tel est le cas des formations qui relèvent du socle de compétence, mais aussi des certifications de l'inventaire qui figurent justement dans l'inventaire parce qu'elles correspondent à des compétences transverses non qualifiantes.
Et d'autre part les formations d'adaptation au poste ne sont évidemment pas plus exclues du CPF que les formations de maintien dans l'emploi ou celles qui relèvent du développement des compétences. Ces catégories sont celles du plan de formation et n'ont rien à voir avec le CPF qui fonctionne selon le principe de formations éligibles, indépendamment de la situation du salarié qui a le droit d'utiliser son CPF pour toute formation dès lors qu'elle relève du socle de compétences ou figure sur les listes. Mais cette erreur ne figure pas que dans le guide du Ministère, on trouve des branches professionnelles qui incluent dans leur accord une telle exclusion qui est totalement dépourvue de validité au regard de la construction du CPF. Alors suivez le guide, mais le bon : par exemple le guide du Paris Surréaliste du temps où l'on avait plus que de l'imagination, de l'imaginaire.
00:05 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (10)
Commentaires
Bonjour,
A propos de la possibilité ou non d'utiliser le CPF dans le cadre de l'adaptation au poste de travail, il faut quand même évoquer l'opinion contraire de notre confrère Philippe Bernier...
Car ce dernier va probablement nous raconter dans la prochaine édition de son manuel de droit de la formation (et comme c'est le seul que je connaisse qui soit en tout cas destiné aux étudiants) que les formations relevant de l'adaptation au poste de travail ne sont pas possibles via le CPF.
Il l'a d'ailleurs déjà écrit :
http://www.caraxo.fr/blog/?p=720
Je suis tenté d'être d'accord avec lui sur le fond pour les mêmes raisons que pour le DIF (c'est d'ailleurs ce qu'il soutient aussi).
Le problème est qu'il affirme que la question a été, selon lui, définitivement tranchée par un arrêt de la Cour de Cassation en date du 5 juin 2013 :
Cass. soc., 5 juin 2013, n° 11-21255
Or, à mon sens, cet arrêt n'a pas la portée qu'il lui attribue.
Dans cette affaire, un salarié qui avait été recruté, sans compétence ni expérience, au poste d’opérateur de lignes n'avait bénéficié, durant 16 ans durant d'aucune formation hormis une formation de base lors de son embauche.
Suite à son licenciement pour cause économique, le salarié avait demandé des dommages et intérêts pour « manquement à l’obligation de formation » sur le fondement de l'article L6321-1 du code du travail.
La Cour d'Appel de Poitiers avait rejeté la demande au motif que (je reprends les termes de l'arrêt de cassation)"le salarié a(vait) été recruté sans compétence ni expérience au poste d'opérateur de lignes auquel il a(vait) été formé par l'employeur ; que son expérience lui permet(tait) désormais de prétendre à des postes similaires dans l'industrie mécanique ; que son poste de travail n'a(vait) connu depuis son embauche aucune évolution particulière nécessitant une formation d'adaptation ; qu'il lui appartenait par ailleurs de demander à bénéficier d'un congé individuel de formation ou du droit individuel de formation ; qu'en conséquence aucun manquement n'a(vait) été commis par l'employeur ;"
La Cour de Cassation a cassé l'arrêt d'appel en ces termes : "Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de l'adaptation au poste de travail ou de l'utilisation des congé ou droit individuels de formation, alors qu'elle constatait qu'en seize ans d'exécution du contrat de travail l'employeur n'avait fait bénéficier le salarié, dans le cadre du plan de formation de l'entreprise, d'aucune formation permettant de maintenir sa capacité à occuper un emploi au regard de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;"
Il est à noter que sur le site légifrance dans le bas (dans la partie "analyse") est cité l'arrêt "Union des opticiens c/ Mmes Soulies et Pauleau" du 23 octobre 2007 qui nous a précisé que l'obligation de l'employeur ne portait pas seulement sur "l'adaptation des salariés à leur poste de travail" mais aussi sur leur "maintien de leur capacité à occuper un "emploi"et que ces deux obligations devaient être bien distinguées tant et si bien que leur manquement pouvaient générer des préjudices distincts.
Ici, la Cour de Cassation précise bien que les "motifs tirés de l'adaptation au poste de travail ou de l'utilisation des congé ou droit individuels de formation" sont inopérants. Ce sont donc des motifs qui ne pouvaient avoir aucune influence sur l'aboutissement du litige.
En d'autres termes, et c'est comme cela que j'interprète cet arrêt (qui est dans le sillon de l'arrêt Union des Opticiens) que quand bien même une formation relevant de l'adaptation n'aurait pas été nécessaire et que l'obligation tirée du 1er alinéa de l'article L6321-1 aurait par conséquent été malgré tout satisfaite, le manquement pouvait être constaté au titre du second alinéa (l'employeur est tenu de veiller au maintien du salarié à occuper un emploi).
C'est sûr que si les formations relevant de l'adaptation au poste de travail sont exclues du CPF, on va ajouter une complication à une situation qui l'est déjà suffisamment.
Cordialement
Écrit par : bcallens | 27/11/2014
sur la plaquette de com du ministère du Travail il est mentionné : "Le droit individuel à la formation (DIF) est supprimé. Les heures de formation acquises au titre du DIF sont reversées sur le compte personnel de formation et utilisables avant le 31 décembre 2020."
J'avais cru lire dans la loi que les heures de DIF étaient utilisables jusqu'au 1 janvier 2021.
A en croire ce nouveau document c'est avant le 31 décembre 2020. Donc en fait le 30 décembre 2020 à minuit. Est-ce une erreur ou une nouvelle interprétation fantaisiste du texte de loi ?
Écrit par : cozin | 27/11/2014
Bonjour,
En fait, il faut comprendre le 31 décembre 2020 à 24 heures...ou le 1 janvier 2021 à 0 heure.
Écrit par : bcallens | 27/11/2014
Encore un détail
Page 15 dans le fascicule publicitaire du Ministère du travail, dans la FAQ il est écrit
2.QUELLES SONT LES OBLIGATIONS SPÉCIFIQUES D’UNE ENTREPRISE QUI FINANCE DIRECTEMENT LE COMPTE PERSONNEL DE FORMATION ?
.....................
– Renseigner le système d’information dédié au compte personnel de formation pour tracer la mobilisation des heures par le salarié, l’accomplissement de la formation et son paiement.
Si l'on comprend bien l'employeur qui gère en direct le 0,2 % doit rentrer lui même les informations sur le SI de la Caisse des dépôts.
-Dans ce cas soit il dispose d'un compte lui permettant d'administrer tous ses salariés (et s'il y a de nouveaux salariés en cours d'année comment fait-on ?)
- soit encore plus fort l'employeur doit demander chaque identifiant et code d'accès à son salarié pour renseigner individuellement chaque compte (des milliers de manœuvres périlleuses et lourdes pour les grandes entreprises)
- Enfin troisième possibilité, le ministère du travail aencore écrit n'importe quoi car il n'a pas de réponse exacte à faire à cette question (qu'il n'aurait peut être pas due se poser à lui-même !)
Écrit par : cozin | 27/11/2014
Suite sur le prospectus sur le CPF
Page 15
6. COMMENT S’OPÈRE UNE DEMANDE DE FORMATION DANS LE CADRE DU COMPTE
PERSONNEL DE FORMATION ?
Le salarié s’adresse à l’entreprise qui, sauf quand elle gère directement le financement du compte
personnel de formation, transfère la demande à l’OPCA pour accord.
On avait sans doute encore une fois de plus mal compris. Le salarié pouvait se former hors temps de travail sans même en informer son employeur (c'était parait-il un obstacle pour ceux qui avaient "honte" de demander une formation).
Pas du tout, on n'avait rien compris. Hors ou sur temps de travail il faut, même quand l'entreprise ne gère pas le CPF directement, réaliser un super circuit administratif qui va ravir les employeurs qui avaient cru pouvoir se débarrasser du DIF :
1) je veux une formation, je vais essayer de comprendre si c'est possible dans mon cas (si aucune liste ne correspond j'attends mon tour en 2020 sans doute)
2) je pose ma demande de formation CPF auprès de mon employeur (même sans qu'il n'intervienne),
3) l'employeur contacte l'OPCA pour la demande du salarié
4) l'OPCA répond à l'employeur (ou au salarié)
5) Si l'OPCA répond Non (plus d'argent ou non éligible) le salarié passe son tour et revient l'année suivante
6) Si l'OPCA répond oui que se passe-t-il ?
- qui contractualise ?
- qui gère les fiches de présences
- qui traite d'éventuels reports ou annulation de formation
_ qui traite les absences du salarié en formation, ses justificatifs de déplacement ou de restaurant (ou de garde de ses enfants)
- qui facturer ?
- qui décrémente le compteur CPF
....
Comme on le constate, la Caisse des dépôts ne fera rien d'autre qu'appuyer sur un bouton magique le 5 janvier 2015
Les OPCA et les employeurs auront des tâches encore plus complexes et lourdes qu'avec le DIF
au final le CPF ce sera quelques centaines d'heureux (on le leur souhaite) bénéficiaires, 40 millions de titulaires et sans doute encore moins de formations dans les prochaines années.
Écrit par : cozin | 27/11/2014
Il y a aussi les recours contre les décisions des OPCA qui posent problème notamment à cause de l'article L 6316-1 nouveau...
Écrit par : bcallens | 27/11/2014
Bonjour,
D'un point de vue juridique la position de l'administration peut être erronée car rien n'interdit que le CPF soit utilisé dans le cadre de formations qualifiantes d'apdaptation au poste de travail. Pour autant d'un point de vue objectifs on doit bien distinguer les formations d'adaptation au poste de travail qui devraient être de la responsabilité de l'employeur et les autres qui peuvent ou pas être de sa responsabilité. Il me semble normal que l'employeur ait la responsabilité de faire en sorte que son collaborateur puisse conserver son travail. Or, le CPF doit bien notamment corriger la "confiscation" opérée par les employeurs sur le DIF. Le CPF doit bien rester l'outil du collaborateur. Or, si on permet à l'employeur d'utiliser le CPF pour des formations d'adaptation (donc pour des formations de sa responsabilité) où est le correctif apporté?
Maintenant tout est dans la définition de l'adaptation... Quand l'entreprise utilise un nouveau logiciel, la formation à ce logiciel est bien de l'adaptation. Par contre, moi qui suis juriste en droit de la formation quand j'assiste à une formation de JP WILLEMS sur la réforme suis-je en adaptation ou en développement de mes compétences :-)?
Bien cordialement
IN
Écrit par : NEHLIL | 27/11/2014
Je pense que l'idée de Bernier est la suivante :
D'un côté, l'article L 6321-1 § 1 demeure inchangé :
"L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail." (comprendre "doit assurer").
De l'autre côté, on a le nouvel article L 6323-2 qui vient nous dire, et peut-être de manière plus claire que le texte relatif au DIF (ce qui n'empêche que globalement ce texte est formulé de manière maladroite) que le compte personnel de formation est "mobilisé par la personne, qu’elle soit salariée ou à la recherche d’un emploi, afin de suivre, à son initiative, une formation."
Bien mieux, le texte précise que cette mobilisation ne peut se faire qu'avec son "accord express" (en principe c'est le cas si la formation relève de son initiative..). Et le législateur a enfoncé le clou : Le refus ne saurait être fautif !
Écrit par : bcallens | 27/11/2014
On comprend désormais un peu mieux à la lecture de cette brochure le fonctionnement du CPF (4 malheureuses pages dans le décret du 2 octobre dernier).
C'est donc en lisant la prose officieuse du Ministère du Travail qu'on comprend que :
- la loi était muette sur de nombreux aspects renvoyés à la publication de décrets
- les décrets sont incomplets et mal rédigés
Il fallait attendre donc la brochure du Ministère pour comprendre que
- l'employeur ferait le petit commissionnaire entre le salarié et l'OPCA pour la réalisation du CPF (ceux qui croyaient externaliser ces tâches admnistratives en seront pour leurs frais
- Le CPF n'est pas de droit (ou opposable à l'employeur) puisque l'OPCA doit donner son accord -
"Le salarié s’adresse à l’entreprise qui, sauf quand elle gère directement le financement du compte personnel de formation, transfère la demande à l’OPCA pour accord)".
Si donc l'OPCA ne donne pas son accord (plus d'argent par exemple) que se passe-t-il ? Le salarié est renvoyé dans les clous, exactement comme pour le DIF.
On a donc menti aux travailleurs, le CPF sera dans les limites étroites des financements (pas plus d'argent en fait que pour le DIF) et surtout il n'y a pas de droit opposable puisque l'OPCA doit donner son accord.
Une fois l'accord obtenu que se passe-t-il, qui organise la formation; qui vérifie, qui paiera l'OF, sur quelle base si la formation a lieu à distance : l'OPCA, la Caisse des dépôts, l'employeur...
Il m'est avis qu'en 2015 (pourquoi le 5 janvier d'ailleurs pour le démarrage du CPF, pourquoi pas le 2 janvier, l'ordinateur de la caisse est-il en vacances à la montagne ?) on n'a pas fini de concevoir des brochures explicatives :
Le ministère du travail n'en a pas fini à mon avis avec ce bizarre CPF
Écrit par : cozin | 27/11/2014
Merci de tous vos commentaires :
@bcallens : Bernier commet (au moins...) deux erreurs : la première dans l'analyse de la jurisprudence qui dit simplement que l'employeur est seul responsable de l'adaptation et qu'il ne peut reprocher au salarié de ne pas avoir utilisé son DIF. Normal, c'est la conséquence du pouvoir de subordination et dans la logique de la première décision de 1992 sur l'adaptation. La deuxième est de vouloir transposer une question relative au DIF sur le CPF qui n'a pas grand chose à voir. Et surtout (cela fait donc au moins trois...) de ne pas comprendre que le CPF repose sur l'éligibilité de formations prédéterminées par des listes, sans prendre en compte le fait que cette formation puisse relever de l'adaptation ou de toute autre catégorie du plan ou obligation. Si un salarié se forme à une certification obligatoire, il la possède et peut donc travailler. Peu importe qu'il l'ait obtenu par le CPF ou par une autre voie.
@cozin : comme vous l'aurez compris -:) le SI n'est pas tout à fait calé. Mais pour ma part cela ne me semble pas anormal, et après tout un système peut ne pas être parfait et se construire chemin faisant, ce n'est pas la pire des méthodes. Concernant le rôle de l'employeur, il tient au fait que les OPCA ne sont pas les interlocuteurs des salariés et que le passage par l'entreprise s'impose du fait du Yalta opéré par les partenaires sociaux : les salariés vers les FONGECIF, les entreprises vers les OPCA.
@NEHLIL : la catégorie développement de compétences est mal nommée, puisque toute formation est censée avoir pour objectif le développement des compétences. Ce qui n'est pas sans créer quelques confusions dans les entreprises. Donc si vous utilisez votre CPF pour suivre une formation que j'anime, peu importe qu'elle soit en lien ou pas à votre fonction, si elle est éligible tout va bien, et si vous y prenez plaisir c'est encore mieux, et si elle vous rend service nous sommes proches du bonheur.
@cozin : pour le 5, c'est parce que le 1er est un jeudi, le 2 le pont du vendredi, le 3 et le 4 le week-end. Le CPF peut bien attendre le lundi non ?
Cordialement à tous
jpw
Écrit par : jpw | 27/11/2014
Les commentaires sont fermés.