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16/01/2013

L'amour du métier (I)

Je n'ai jamais beaucoup aimé la peinture de Pierre Alechinsky. Je n'y voyais rien. Des traits irréguliers, des formes imparfaites, des motifs répétés, des couleurs peu nombreuses, du noir, beaucoup de noir, du gris et la pointe de rouge, mais finalement rien. Les dessins, les gravures, les lithographies ne me parlaient pas. Totalement silencieuses. J'interrogeai mon ami Alain Garrigue, qui le cotoya quelques temps : "Tu aimes bien toi le travail d'Alechinsky, pourquoi ?" et lui d'habitude si volubile qui bafouille quelques explications : "Il a créé plein de choses quand même, c'est un inventeur, les petites cases par exemple sur les extérieurs, et puis les petits dessins, non c'est fort quand même...". Plusieurs minutes pour me dire cela, puis plus rien. Rien. Mais j'étais toujours intrigué : pourquoi cela ne parle pas ? alors j'ai acheté un livre d'Alechinsky "Remarques marginales" et j'ai lu.

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Pierre Alechinsky - Volcan ensorcelé - 1974

J'ai lu la passion des machines, des ateliers, l'amour de la pierre à lithographie, le plaisir d'entendre le bruit des grandes presses, le besoin de sentir l'huile, la graisse, l'odeur pointue des peintures, l'émerveillement renouvelé de la sortie du papier imprimé, l'excitation permanente de la découverte de la feuille, les temps suspendus penchés sur la pierre à étaler la matière, la plénitude du collectif affairé à préparer une nouvelle impression, l'épiphanie des repas improvisés à côté des machines dont le repos est une promesse de belle ouvrage à venir, la joie de l'artisan qui s'enivre des techniques nouvelles, des découvertes plus ou moins attendues et des expérimentations permanentes. L'amour du métier. Et je n'ai plus jamais regardé une lithographie d'Alechinsky de la même manière parce que je vois maintenant, dans chaque trait, dans chaque mouvement du pinceau, dans chaque couleur, la beauté du geste et l'amour du métier.

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