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08/04/2008

Pour voir, il faut se taire

L'exercice fait toujours recette : l'animateur sort un oeuf de sa poche (ce n'est jamais sans risque, mais ainsi va la vie du consultant), le montre aux participants et leur demande ce qu'ils voient. Bien que pressentant le piège, il est trop difficile de résister et l'on entend toujours un, deux, trois ou plus crier : "un oeuf !".

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"Si vous voyez un oeuf, vous n'avez pas vu mais reconnu, si vous aviez simplement vu, vous m'auriez dit : je vois un objet de forme ovoïde qui a l'air dur et qui ne peut tenir en équilibre".
 
Wittgenstein le dit plus directement : "Quand je vois un objet, je ne peux pas me le représenter. Quand nous nous représentons quelque chose nous n'observons pas". Et si l'on veut plus concis encore, convoquons Tchouang-Tseu : "Quand on perçoit on ne parle pas, quand on parle on ne perçoit pas".
 
Tout responsable ressources humaines qui veut faire un diagnostic avant d'agir peut utilement se souvenir que le temps du diagnostic n'est pas encore celui de l'analyse ni du commentaire et que l'observation nécessite silence et écoute véritables sans projection hâtive.
 
 

 

29/03/2008

Le DRH sorcier

C’était le temps des start-up frénétiques. Des énergies groupées autour de tréteaux envahis d’anarchique informatique. C’était à la fin des années 90. Les business plans se faisaient et se défaisaient à toute heure du jour et de la nuit. Chaque idée était évaluée à l’aune du jackpot : était-ce celle  avec laquelle on allait rafler la mise ou bien ne s’agissait-il que d’une banalité érigée en martingale ? l’imagination n’était pas au pouvoir, elle était dans des bureaux étroits et encore enfumés peuplés de jeunes gens fiévreux. Sur France-Info, Jean-Pierre Gaillard s’étranglait en annonçant les cours de bourse : l’économie naissante de l’immatériel dépassait en capitalisation boursière l’économie industrieuse qui n’en pouvait mais.

En ces temps d’euphorie, nichés au cœur de la bulle internet, des DRH emportés par l’élan d’innovation ont voulu eux aussi s’essayer au jeu : on se souvient des tables de ping-pong dans les salles de réunion, des matelas par terre pour la sieste et la nuit, des fêtes au travail dans l’utopie du travail vécu comme une fête.

Lors d’une réunion, un DRH d’une start-up dont la croissance donnait le vertige,  me remit sa carte professionnelle. Sous son nom, à la place de sa fonction, je pus lire cette appellation : « sorcier ». Je pensai à Gauguin.

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Gauguin - Le sorcier d'Hiva Oa - 1902
 
 

Revenant à notre discussion, je ne résistai pas à lui demander le pourquoi de cette mention. Il me répondit qu’il avait invité les salariés à se définir à travers un totem animal, sans doute des réminiscences d’une enfance scout, et que les fonctions avaient été remplacées par des noms d’animaux. L’entreprise était donc peuplée de lions, de renards, d’aigles, de loups, de dauphins et autres fières bestioles. Bien évidemment, les poules, pintades, moutons, cochons ou ânes faisaient moins recette. Son tour venu, il n’avait pu identifier le totem de la fonction ressources humaines (vos idées sont les bienvenues en commentaire), et s’était replié sur l’image du sorcier. Sorte de Noé mythique régnant sur le monde animal dont lui seul possède les clés.

Je me suis alors souvenu de Magritte et de son autoportrait en sorcier.

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L’homme aux quatre bras, qui sait se démultiplier pour effectuer plusieurs tâches à la fois ou bien le silencieux sorcier tahitien qui fascine et dont le silence est lourd de secrets.

Sorcier ? et pourquoi pas ? après tout, les points de comparaison ne manquent pas : la solitude attachée à la fonction, son ambivalence (le sorcier est à la fois souhaité et craint), le recours à des recettes ou méthodes dans lesquelles la persuasion tient  toute sa place, des effets de gourou que l’on peut effectivement rencontrer …à première vue l’image semblait pertinente.

A première vue seulement. Car en matière de ressources humaines, point de recette mystérieuse infaillible, pas de potion magique ni d’onguents guérisseurs, peu de gourou si l’on veut des effets durables, pas de savoir mystérieux et exclusif, pas de manipulation mais du management, pas de solitude de la fonction bien au contraire un travail avec tous et le moins possible d’ambivalence dans le positionnement. A la réflexion, il n’est pas exclu que le sorcier soit le contre-modèle absolu du DRH : éviter la DRH magique, celle qui relève de l’incantation et de l'expertise secrète est sans conteste une des clés de la réussite.