13/04/2016
E LA NAVE VA
Audition hier après-midi au Sénat par les rapporteurs de la loi Travail sur le volet CPA/CPF. Nous faisions duo avec Jean-Marie Luttringer et, sans concertation préalable, nos voix furent concordantes. Le CPA est un "machin" qui n'a fait l'objet d'aucune réflexion sérieuse et qui relève davantage du gadget de la communication que du projet politique. Et l'on pourrait même y voir une sorte de fuite en avant devant l'incapacité à faire fonctionner correctement le compte pénibilité et le compte personnel de formation. Car quelle est la réalité du CPA ? un compte pénibilité que le patronat se fait fort de faire supprimer au prochain changement de majorité, un compte personnel de formation qui concerne 60 000 salariés au bout de 15 mois et encore parce que l'on a forcé la main des partenaires sociaux pour rendre les langues éligibles, et un futur compte citoyen rajouté dans le paysage pour faire plus riche sans doute. Sur la base de ce constat on hésitait à faire des recommandations aux sénateurs : est-ce qu'il y a quelque chose à sauver dans le CPA ou bien est-il déjà promis au sort des bateaux du bassin du Luxembourg, aller au gré du vent sans cap ni gouvernail.
Comme tenter de tirer parti de toute situation est un principe, nous formulâmes donc quelques propositions. Trois en fait.
La première est la valeur ajoutée du CPA. S'il s'agit uniquement de faire un portail des droits du salarié, on peut s'épargner la loi et les débats sans fin. Si l'on vote le CPA il faut qu'il apporte un plus par rapport à l'existant. Cela peut être soit une fongibilité ou transférabilité entre des droits acquis dans des régimes différents ou des possibilités d'épargne et de capitalisation supérieures à celles existantes. Par exemple la possibilité d'épargner des droits acquis dans une entreprise sans nécessairement les solder lors du départ.
Deuxième proposition, garantir l'effectivité du droit et éviter que l'administration, ou les partenaires sociaux, ne détournent en outil de régulation version big data ce qui est présenté comme un outil d'autonomisation. L'exemple du CPF est flagrant : ce qui devait développer l'autonomie des individus les assujettis à quantité de décisions prises par autrui (pour leur bonheur bien sur).
Troisième proposition, ne pas créer des droits artificiels car déconnectés de tout financement du type Conseil en évolution professionnelle, dont le CNEFOP vient de conclure après deux ans de mise en oeuvre que le fait de n'avoir créé aucune ressource pour le développer est un problème. Beau constat.
L'extrême perplexité des sénateurs devant cet OJNI (objet juridique non identifié) dont on leur demande de se saisir nous a convaincu qu'en cette belle journée ensoleillée nous aurions tous mieux fait d'aller faire un tour dans le jardin et de regarder les petits bateaux.
10:53 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (11)
Commentaires
"pour rendre les langues éligibles" et encore pas toutes ;)
Merci votre article m'a fait beaucoup rire...
A
Écrit par : Arnaud | 13/04/2016
Ajouts personnels au dictionnaire de la formation
Urgence : à supprimer les listes innomables & illisibles du CPF
V : comme victoire de la matière (machine) sur l'esprit
W comme Walter parce que "si j'avais pas eu le nez, je la prenais dans la gueule" et nous on l'a prise !
X (Facteur) : équipe de super héros (pas les Marvel)l qui a travaillé sur cette belle loi
Y comme Yaka (synonyme Fautqu'on) no comment
Zébulon comme JPW qui met les pieds dans le plat dès qu'il a l'occasion et on l'en remercie
Bonne soirée.
Écrit par : SYLVAIN | 14/04/2016
En 2017 il va falloir stopper net ces commissions qui singent l'ex urss. La formation est a terre et dans la plupart des entreprises le cpf + la fin de la cotisation obligatoire du plan ont entraîné une chute historique de l'effort formation du pays. Nous travaillons avec des clients de plus de 50 000 salariés dont moins de 1 pour mille seront formés. Cette année. Tout est arrêté et prétendre c'est mentir en espérant que cela ne se verra pas trop avant 2017. Le CEP ne marchera pas plus évidemment, il fallait garder et financer le bilan de competences
Écrit par : Cozin | 14/04/2016
Fatigant tout cela...Profondément fatiguant...
Écrit par : bcallens | 15/04/2016
Article qui m'a bien fait rire jpw, malgré le fonds grisâtre du constat. Merci!
Il semble qu'on navigue de naufrage en naufrage en ce moment. Dernier en date : les bugs dans l'alimentation des comptes. La question qui me vient à l'esprit à chaque fois est : tout ça était prévisible, pourquoi diable donc le gouvernement s'acharne-t-il à rajouter couche après couche de nouveaux dispositifs, alors que les premiers ne fonctionnent toujours pas ou sont en rodage et qu'il n'y a ni pilote dans l'avion, ni équipage? On a l'impression d'une fuite en avant.
Du coté des OF langues, les défaillances se sont nettement ralentis depuis octobre de l'année dernière - 5 seulement depuis le début de l'année (dont deux OF moyens de FLE). Le marché à l'air- pour l'instant - de résister au tsunami, malgré une baisse de CA record, sans doute parce qu'ils sont les principaux bénéficiaires du peu de CPFs salariés lancés et parce qu'ils ont eu le temps de s'y préparer.
En revanche les autres organismes de formation continuent à partir à toute vitesse : 96 depuis le début de l'année (8559A/B), contre 97 en 2015, 41 en 2014 et 17 en 2013 sur la même période, sans compter les procédures de sauvegarde. Beaucoup d'écoles d'équitation et d'auto-écoles parmi eux - à croire qu'ils se faisaient financer par le DIF....
Écrit par : andrew wickham | 20/04/2016
Le CPF c'est pour les chômeurs et les OF publics.
La faillite ou les difficultés de survie des OF privés après la réforme de la formation ne sont pas arrivés par hasard ou des dégâts collatéraux d'une réforme qui serait positive par ailleurs mais bien un des résultats recherché par les pouvoirs publics.
Ce qui les a animés depuis 2013 c'est l'idée que les cotisations formation des entreprises étaient des fonds publics, des impôts qui devaient revenir de droit pour former les chômeurs et entretenir les organismes de formations publics (Greta, AFPA, Facs...) qui sans ces fonds courent le risque de disparaître rapidement.
Dans l'esprit de la loi du 5 mars, les organismes de formation privé sont des accapareurs (et des profiteurs) qui ne doivent plus toucher à cet "argent public" des cotisations obligatoires des entreprises.
Les OF privés n'ont qu')à travailler en direct avec des entreprises qui dépenseront (évidemment) des millions pour former volontairement leurs salariés.
Par ailleurs la complexité et la lourdeur sont telles désormais pour l'organisation des formations CPF (individuelles) qu'il vaut mieux ne pas trop former et commercialiser (tout comme pour les OPCA qui ont intérêt à ne pas trop financer et organiser le CPF) sous peine de mourir sous la paperasse.
Si un jour un bilan honnête de la réforme sera peut être fait (après 2017 car aujourd'hui c'est de la manipulation)) et nous apprendrons que 2 à 3 fois la grande réforme de 2014.
Les chômeurs quant à eux seront formés (occupés en fait) mais ne trouveront pas nombreux du travail car les entreprises sont exsangues après 4 ans de socialisme.
Écrit par : cozin | 21/04/2016
Correction :
2 à 3 fois moins de salariés se forment depuis janvier 2015
Écrit par : cozin | 21/04/2016
@Cozin
Quelle obscure logique vous fait-elle écrire que les OPCA ont "intérêt à ne pas trop financer et organiser le CPF " ???????
Écrit par : Gerland | 25/04/2016
@Gerland
pourquoi ne pas forcer sur le développement du CPF quand on est un OPCA ?
1) la difficulté énorme d'organiser en direct des formations avec des salariés sans le recours à l'employeur
2) la complexité du moindre dossier CPF, la vérification du passage de la certification (des mois plus tard parfois)
3) la paperasse administrative extraordinaire générée par la moindre action de formation de 2 jours
3) le cout très élevé du suivi des actions de formation qui peuvent durer des mois
4) l'absence de cotisation CPF des employeurs de moins de 10 salariés alors que les grandes entreprises reportent sur le CPF tout le développement des compétences
Nous travaillons pour l'heure avec un OPCA qui nous adresse les accords de prise en charge des formations plusieurs mois après leur clôture, de là de très grosses difficultés économiques (à la suite de l'aberrante année 2015).
Maintenant je ne connais pas tous les OPCA depuis le CPF mais avec moins de ressources et plus de contraintes je doute qu'ils travaillent mieux et plus efficacement (sans compter la mythique qualité qui va arriver dans quelques mois)
Écrit par : cozin | 30/04/2016
Si l'on raisonne dans le strict intérêt de l'OPCA : aucun intérêt à sur investir sur le CPF, mieux vaut mobiliser les conseillers sur les versements volontaires. Pour le CPF, c'est au mieux un outil d'optimisation à proposer aux entreprises et au pire un dispositif où il faut éviter de rendre l'argent si on ne le décaissé pas suffisamment D'où les abondements systématiques, etc. Le paradoxe c'est de confier le CPF aux OPCA tout en le pilotant en considérant qu'il doit être déconnecté du plan. Dans ce cas, il le fallait le donner aux FONGECIF
Écrit par : Jpw | 30/04/2016
D'où tout l'intérêt d'être à la fois OPCA et OPACIF ;-)
Écrit par : Olivier PHELIP | 01/05/2016
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