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15/03/2015

Le syndrome du Concorde

Voir le Concorde, pour son premier vol d'essai, sur l'écran de la télévision noir et blanc et simultanément dans le ciel toulousain ne s'oublie pas. Les trente glorieuses n'étaient pas terminées, progrès technique et progrès social volaient de concert, l'horizon paraissait dégagé. Sur le papier, ça baignait. Une crise pétrolière, environnementale, économique et sociale plus tard, un peu moins. Défaut de prévision ? confiance démesurée en l'avenir ? ou juste incapacité à se poser les bonnes questions ?

Sur le papier, le Compte personnel de formation est un bel outil, perfectionné, racé, à géométrie variable, il peut avoir fière allure. Oui mais voilà, il est en cale sèche : pas de départ en formation depuis presque trois mois, des OPCA peu impliqués, un système de gestion auquel personne ne comprend rien, et l'impression persistante qu'il n'y a pas de pilote dans l'avion. 

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Passons les acteurs en revue : 

1) Les OPCA font a minima pour la plupart. Pourquoi ? parce que dans cette période de fort risque sur leur activité au titre du plan de formation, le CPF n'est pas un enjeu. La collecte est garantie tous les ans, la DGEFP a eu la bonne idée de recalculer les frais de gestion sur la collecte et non sur la dépense et de différer à 2017 les éventuels premiers prélèvements sur les fonds non utilisés. Du coup, l'urgence est de se mobiliser sur le plan de formation et les versements volontaires, et pour le CPF on verra plus tard. Du coup les équipes et les process ne sont pas prêts et les entreprises n'ont pas de réponse à leurs questions. 

2) Les partenaires sociaux ont été basculés brutalement du monde de la formation vers celui de la certification. Le temps d'appréhender le changement, de s'approprier le dispositif, de négocier, de trouver les compromis, et surtout d'intégrer les ruptures culturelles (ce qui n'est pas gagné lorsque l'on voit que pour certaines organisations la question centrale sur le CPF est d'être restrictif pour que les entreprises ne puissent surtout pas faire de lien avec le plan de formation car elles risqueraient "d'optimiser" le dispositif...) et l'on peut considérer que l'année 2015 sera passée. 

3) La CNCP est dans l'incapacité totale de réaliser en six mois ce qu'elle n'a pas su faire en 12 ans et de mettre à disposition des acteurs un outil simple, rapide, efficace pour développer les certifications de l'inventaire, indispensables pourtant au fonctionnement du système. 

4) La DGEFP s'épuise à vouloir traiter le dispositif de manière exhaustive au lieu de se demander simplement ce qui est nécessaire dans un premier temps en phase de démarrage. Comme pour le Concorde, on pense que l'excellence est dans la conception de l'outil sans s'intéresser aux conditions de réussite liées à l'environnement et commencer par faire fonctionner une version imparfaite mais qui au moins permettrait d'expérimenter puis d'améliorer. 

Dans ce marasme, que confirme une réunion tenue vendredi 13 (!) mars entre la DGEFP et les OPCA et qui n'a permis aucune avancée concrète, on voit mal comment tout cela pourrait se débloquer à court terme. Et  l'on aimerait évidemment se tromper lourdement et avoir l'occasion de voir fonctionner la machine, comme en ce mois de mars 1969 on s'émerveillait du petit point blanc qui traversait le ciel. 

Commentaires

Toutes les conditions sont désormais réunies en France pour faire planter la formation des salariés pour de nombreuses années.

- Un dispositif inconstruit et impensé qui ne remplacera pas le Droit individuel à la formation (se contentant de le dissoudre)
- Des entreprises qui n'ont souvent perçu dans le discours du ministre que la baisse des charges (cotisations) formation
- Une obligation de former suffisamment ambigüe dans sa formulation pour ne pas être mise en oeuvre ("la progression salariale ou professionnelle")
- Des pouvoirs publics réduit au rôle de (mauvais) communicants sur une réforme qu'ils n'ont su ni préparer ni désormais mettre en oeuvre
- Une urgence sociale (200 à 300 000 nouveaux chômeurs par an) qui fait penser au tonneau des Danaïdes.

En tout cas prétexter un démarrage difficile mais des lendemains qui chantent ne prendra pas, 2016 sera aussi catastrophique en formation si rien n'est modifié de toute urgence ( avant l'été).

LA formation demande des efforts et de l'humilité pour un adulte (qui ne sait pas tout) les pouvoirs publics seront-ils capables d'ouvrir les yeux et de réagir avant qu'il ne soit trop tard ? Rien n'est moins sûr, le rapporteur de la loi veut même "aller plus loin", il ira tout seul sans doute.

Écrit par : cozin | 15/03/2015

Bonjour,

Faire reposer le CPF sur des certifications est une véritable catastrophe et un des points majeurs de blocage. Je l'ai toujours craint et ce dès le départ (le principe des "listes" n'augurait rien de bon). Je le sentais venir...

D'aucuns espéraient que le socle des compétences n'allait pas être concerné. Que nenni ! Cela a été la surprise totale !

Et en plus, la (ou les) certification(s) n'existe(nt) pas encore ! Bref, impossible de faire quoi que ce soit !

Si on avait voulu bloquer le système (peut-être était-ce le but ?), on ne se serait pas pris autrement...

Écrit par : bcallens | 15/03/2015

Bonjour,
Instructif à plus d'un titre !... Le Concorde est né en mars 1969, comme moi, et j'ai passé toutes ces années sans le savoir. Amusant! Vendredi 13, ça porte chance alors on peut rêver : les OPCA vont apprendre à financer le CPF et la DGEFP va déployer son art à peaufiner l'excellence de sa création sur le papier en gommant les quelques cernes que la réalité lui dessine sous les yeux... ou plutôt sous ceux des organismes de formation... Courage!

Écrit par : co_mars | 16/03/2015

"la DGEFP a eu la bonne idée de différer à 2017 les éventuels premiers prélèvements sur les fonds non utilisés"

Quel est le vecteur de cette application différée du R.6332-28-1 ?

Écrit par : Gerland | 16/03/2015

C'est la règle retenue : les OPCA n'ont pas le droit d'avoir en trésorerie plus du quart des dépenses de l'année. En décembre 2015 il y aura 0 en trésorerie (collecte au 28 février 2016) donc pas de prélèvement. En 2016 il y aura la trésorerie de février et le premier éventuel prélèvement se fera en 2017. Seuls les OPCA qui font des appels prévisionnels sur le 0,2 % en cours d'année 2015 peuvent éventuellement être concernés par un prélèvement. Pour les autres, il n'y a pas urgence financière.

jpw

Écrit par : jpw | 16/03/2015

Les commentaires sont fermés.