11/05/2014
So long Saul
Il suffit d'un peu de brume, de quelques gouttes de pluie, d'une douce confusion qui s'installe dans le temps, les couleurs, les lieux et les pourquoi, pour que s'impose, dans sa ville d'élection où il est mort le 26 novembre dernier, l'image de Saul Leiter.
Officiellement, Saul Leiter était un photographe travaillant pour des magazines de mode.
En réalité, c'était un clandestin qui aimait la liberté, avait refusé l'ordre social paternel, et s'était emparé d'un appareil photo sans intention particulière, juste parce que c'est un travail qui se fait en marchant et en regardant. Et parce qu'il aimait prendre des photos.
Et que Saul Leiter était bien persuadé qu'en tout lieu on peut trouver des interstices qui ouvrent grand les portes du mystère.
C'est presque par hasard que Saul Leiter exposa ses photos au MoMa et c'est pas tout à fait par hasard qu'il laissa passer d'autres occasions d'y exposer encore.
Saul Leiter avait l'élégance de ceux qui ne sont jamais dans leur bon droit, ceux qui ont l'évidence de la sensation comme philosophie et la disparition comme art de vivre.
Il aurait pu continuer à rôder autour de son bloc d'East Village et à prendre des photos, toujours les mêmes, jamais la même.
Il avait raison de penser que toute porte qui s'ouvre est une promesse d'heureuse surprise, tout en se fichant éperdument de savoir s'il avait raison.
La jubilation est une exubérance intérieure qui ne trouve pas d'autre manifestation extérieure que le clin d'oeil à qui veut bien le voir. Une manière de rendre visite aux amis en quelque sorte.
Saul Leiter avait photographié la belle Audrey, à Paris, en Noir et Blanc, en passante des quais de Seine...elle est installée en couleur, près de chez lui, guettant le flâneur en dérive.
Par jour de brume légère, il n'y a pas de doute, le passant passera, comme un clin d'oeil. So long Saul.
11:45 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END, EN PHOTOS | Lien permanent | Commentaires (0)
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