21/12/2011
Liberté à profusion
Lorsque des députés s'intéressent à un sujet qu'ils ne connaissent pas, il n'est pas automatique qu'ils traduisent leur bonne intention de départ en projet inepte. Il suffirait qu'ils aient un minimum de raisonnement, de questionnement voire qu'ils consultent. Mais non, l'important c'est l'action, alors allons-y. La proposition de loi visant à instituer une certification des organismes de formation, confiée au service public d'orientation, ne prospèrera sans doute pas et c'est heureux. Mais elle traduit la méconnaissance profonde que nos gouvernants ont du système de formation, le poids des clichés et idées reçues et l'impréparation du travail parlementaire. L'exposé des motifs est calamiteux : la ritournelle des 50 000 organismes de formation qui transforment l'offre en maquis dans laquelle on ne peut se repérer nous est rechantée une fois de plus. L'idée de faire une analyse qualitative de ces organismes, de voir la réalité d'un peu plus près est une utopie. Il y en a trop on vous dit. A une époque, on reprocha à Mozart d'avoir "trop de notes" dans sa musique. Peut être trouvera-t-on qu'il y a trop de couleurs ou trop de coups de brosse dans De Kooning.
De Kooning - Composition - 1955
Que tous les CFA soient organismes de formation, toutes les Universités, toutes les chambres de commerce et de métiers, tous les organismes dépendant d'organisation professionnelle, tous les formateurs indépendants, toutes les auto-écoles, etc. Où se situe le problème ? Depuis des années, les pouvoirs publics ne rêvent que de contrôler l'offre. On se pince en lisant l'exposé des motifs : "En l'absence de toute labellisation ou certification, l'apport d'une valeur ajoutée pour les entreprises ou les salariés n'est en rien garantie". Informons nos députés qu'il existe 14 000 certifications, mais le chiffre va leur faire peur, qu'il existe de multiples labels (OPQF, ISO...) et que ce ne sont jamais les organismes que l'on certifie, cela n'aurait guère de sens, mais les formations. Quant au fait de confier au service public d'orientation qui n'a pas terminé de se constituer le soin de labelliser pour garantir la valeur ajoutée, on est curieux de voir la phase opérationnelle (c'est une manière de parler). Tout ceci n'est guère sérieux et augure mal des projets qui risquent de fleurir à l'approche de la présidentielle. Quand l'incompétence s'allie avec l'effet d'annonce et l'urgence électorale le pire est à craindre. Mais tout ceci, qui se perdra sans doute en route, ne serait pas si grave si la crainte du nombre, de la profusion, de la multiplicité ne suscitait systématiquement ce réflexe pavlovien des dirigeants: trop c'est trop. Peut être que le plus inquiétant dans cette affaire, c'est que la profusion est signe de liberté et que sous couvert de rationaliser, de maîtriser, de contrôler, de diriger et finalement de décider pour tout et pour tous où se trouve le bonheur, il semble que ce soit la liberté libre qui insupporte.
01:04 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (6)
Commentaires
Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de cette proposition de loi devraient être compensées par... les taxes sur les cigarettes et le tabac !
Est-ce un signe que l'idée d'une certification obligatoire ne peut que partir en fumée ?
Cordialement,
FF
Écrit par : F.F | 21/12/2011
:-)
Comme chantait Bashung : vos luttes partent en fumée !
Ce serait une excellente nouvelle
jpw
Écrit par : jpw | 21/12/2011
Bonjour,
Je suis d'accord globalement (pour une fois !) avec cette analyse...
Mais bon, ce n'est qu'une proposition de loi qui finira (on peut l’espérer) dans les tiroirs comme tant d'autres. Le temps est d'ailleurs compté avant la présidentielle. Encore que, par les temps qui courent, on n'est plus à une stupidité près.
Mais bon, cela donne aux parlementaires l'illusion d'exister.
De toute façon, comme il a été dit, "labelliser" les organismes de formation n'a pas de sens. "Labelliser" les formations elles-mêmes guère plus dès lors qu'il ne s'agit pas de formations "fumeuses" (comment labelliser un cours de langue, d'informatique ou de droit ? Sur quelle base et selon quels critères ?).
Et à supposer même que le fasse...La panoplie des formations possibles est quasiment infinie : cela va des cours pour illettrés aux sujet techniques les plus pointus...Impossible.
Seuls les formateurs à titre personnel pourraient faire l'objet d'un contrôle ne serait-ce que de leur compétence dans la discipline faisant l'objet de la formation. Et ici encore...Bien difficile.
Cordialement
Écrit par : bcallens | 22/12/2011
Pour information, une source possible
Mise à mort des OPCA dans :
" La formation professionnelle des adultes : pour en finir avec les réformes inabouties.
"Etude" de l'Institut MONTAIGNE 2011
sur http://fr.calameo.com/accunts/8672 (en page 2)
Écrit par : Paul MEYER | 22/12/2011
Vous avez raison de mettre le mot étude entre guillemets...
Écrit par : Bruno Callens | 22/12/2011
Si vous voulez savoir ce que je pense de l'étude en question :
http://willemsconsultants.hautetfort.com/archive/2011/10/03/n-est-pas-montaigne-qui-veut.html
Un des trois auteurs sévi de nouveau dans le livre blanc de l'AFPA et reprend les mêmes antiennes : trop d'organismes, pas assez de régulation, et une proposition de rémunérer les prestataires de formation en fonction des taux d'insertion. Voilà qui, en période de crise, permettra d'accroître encore un peu le nombre d'emplois perdus. Le comique de l'affaire est que dans le même Livre Blanc, il est affirmé que le taux d'insertion n'est pas pertinent comme critère d'évaluation car trop dépendant de la conjoncture. Dialectique constructive ou incohérence ?
jpw
Écrit par : jpw | 22/12/2011
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